L'ARTILLERIE LOURDE ALLEMANDE EN ACTION CONTRE LES FORTS DE LIEGE EN AOUT 1914Günter SCHALICH Première PartieMatériel et dispositif de l'artillerie lourde allemande à Liège. PréfaceLe coup de main ('Handstreich') allemand contre Liège du 5 (soir) et du 6 août ne fut pas un grand succès. Les troupes belges à Liège, supposées peu nombreuses, ont souvent repoussé les attaques des six brigades allemandes. Uniquement la 14ème brigade, commandée par Ludendorff après la mort de von Wüssow à Retinne, a percé le cordon de défense et a repoussé les Belges. L'ordre de retraite du Général Leman aux troupes belges a déchargé les Allemands de l'obligation d'écarter l'obstacle principal : les troupes de campagne belges. Il reste seulement 12 obstacles - les forts ! Les Allemands se rendent compte qu'ils ont besoin de l'artillerie lourde. L'artillerie légère et les quelques mortiers des brigades sont impuissants contre ces forts de béton et d'acier. La première partie de cet article s'occupe du matériel d'artillerie allemand employé contre les forts de Liège. Nous parlerons principalement de l'artillerie lourde, et nous voulons seulement effleurer le sujet de l'artillerie légère. Nous allons aussi expliquer le dispositif d'un régiment d'artillerie allemand. La deuxième partie de l'article comprend l'action de l'artillerie lourde allemande contre les forts. En cette occurrence, on parlera des toutes nouvelles armes, comme le mortier 'M' et le lance-mines lourd, mais aussi de la batterie mystérieuse du Parc d'Avroy. (Pour éclaircir cette énigme, beaucoup de recherches ont été nécessaires). A. L'artillerie légère1. L'obusier léger Mle 98/09 - Leichte Feldhaubitze (l.F.H.) 98/09 Ce canon était développé du L.F.H. 98, qui avait un système de recul rigide comme le Feldkanone 96 (F.K. 96). Il était nécessaire pour les usines Krupp et Rheinmetall d'introduire le système à recul sur affût. En 1909, l'A.P.K. (Artillerie-Prüfungs-Kommission, c.-à-d. commission de vérification de l'artillerie) a adopté l'obusier proposé. A la mobilisation, 1.260 de ces obusiers étaient disponibles, c.-à-d. 20 % de la force totale de l'artillerie légère. Renseignements divers
2. Le canon de campagne Mle 96 n/A - (Feldkanone 96 n/A) Le Feldkanone (F.K.) 96 a eu un système à recul rigide. A cause des expériences de l'époque avec les premières pièces à recul sur affût, on a considéré le F.K. 96 comme démodé, mais l'A.P.K. n'a pas tenu compte de ce fait. Grâce à Rheinmetall et son constructeur génial Ehrhardt on a commencé à faire des essais de tir, qui ont duré de 1900 à 1902. En 1904, l'A.P.K. a adopté le système, et le F.K. 96 fut réadapté avec le système reculant 'Ehrhardt' et le dispositif d'arrêt hydraulique 'Krupp' pour pièce à recul sur affût. La pièce reçut l'appellation 'F.K. 96 n/A' (neue Ausführung, c.-à-d. nouveau modèle). Renseignements divers
B. L'artillerie lourde 1. L'obusier lourd Mle 02 - (schwere Feldhaubitze (s.F.H.) 02) En 1895, on a adopté un obusier de 15 cm 'Krupp', avec culasse à coin plat. Une décision impérative, dite 'Allerhöchste Kabinetts-Order' (A.K.O.), a imposé d'améliorer cet obusier (dénommé s.F.H.). Déjà en 1897, l'A.P.K. s'est mis en relation avec Krupp et l'A.K.B. (Artillerie-Konstruktions-Büro, c. à. d. bureau d'études de l'artillerie) pour la réalisation d'un obusier de 15 cm avec système reculant. Deux ans plus tard on a proposé le V.H. 99 (Versuchs-Haubitze, c.-à-d. obusier expérimental), jugé avec bienveillance, mais finalement refusé comme trop lourd. Tout d'abord il était nécessaire d'alléger le poids du tube et le poids de l'affût. Après on a amplifié le recul de 540 mm à 650 mm. En 1902, le s.F.H., plus tard si bien connu, fut adopté. Peu à peu l'obusier fut affecté à l'artillerie à pied ('Fußartillerie'). Le s.F.H. de 1895 fut affecté aux parcs de forteresse comme artillerie mobile de place. Renseignements divers
L’obusier lourd Mle 02 (s.F.H. 02) 2. Le canon de 10 cm Mle 04 - (10 cm Kanone 04) Les usines de Krupp ont réalisé ce canon, qui fut adopté en 1905. Le canon fut une amélioration de ses prédécesseurs et avait une meilleure mobilité, une vitesse de tir plus grande et une équipe de pièce plus réduite. Le canon a travaillé avec un système à recul invariable et avec une culasse à coin ver tical. Renseignements divers
Le canon de 10 cm Mle 04 (10 cm Kanone 04) 3. Le canon de 13 cm - (13 cm Kanone) Avant 1914, les Allemands ne tenaient pas beaucoup à avoir des pièces lourdes à tir tendu et à grande portée. On s'était éloigné du calibre éprouvé de 15 cm pour réaliser le canon de 13 cm qui fut seulement un canon de compromis. L'armée a exigé un canon de siège pour tirer sous le radier des coupoles. Des essais furent couronnés de succès. En 1909 on a adopté le canon pour l'artillerie de siège, mais c'est seulement au début de la guerre de 1914 que Krupp a pu fournir quelques canons, qu'on a fait très vite entrer en action. Renseignements divers
Le canon de 13 cm (13 cm K.L/35) en 1916 4. Le mortier de 21 cm - (21 cm Mörser ou seulement 'Der Mörser') La genèse de cette arme bien connue fut de longue durée. Elle fut accompagnée par des améliorations incessantes et d'une concurrence serrée entre Krupp, Rheinmetall et l'A.K.B. En 1899 on a seulement voulu améliorer l'affût du vieux mortier. Bientôt on s'est rendu compte de la nécessité de réaliser une arme toute nouvelle, car le système reculant et la structure d'un affût sont toujours étroitement liés. On était aussi contraint de satisfaire aux exigences d'une artillerie moderne• Entre 1905 et 1908 l'A.P.K. a refusé trois mortiers d'essai de Krupp et un mortier d'essai de Rheinmetall. Tout de suite, Krupp et Rheinmetall ont construit deux autres mortiers d'essai, cette fois avec des affûts sur roues et une portée maximum énorme. Enfin, en 1910, on a adopté le mortier 'Krupp', car cette usine avait une plus grande expérience. Toutefois Krupp était contraint de céder une partie de la fourniture des pièces détachées à Rheinmetall, car ce 'Mörser' n'aurait jamais été construit sans l'ingénieur Ehrhardt. Le mortier fut affecté à l'artillerie à pied. L'ensemble de la pièce, tiré par des chevaux, était transporté en trois fardeaux : - un chariot avec les "accessoires" (Gürtelwagen) - un avant-train - le tube. En plus des munitions conventionnelles, cette pièce fut pourvue d'obus anti-béton. Renseignements divers
Le mortier de 231 cm (21 cm Mrs L/12) Mortier de 21 cm : chariot avec tube 'Der Mörser' avec angle d ‚élévation de 70° 5. Le mortier de côte de 30,5 cm (matériel type B) - (schwerer Küstenmörser L/8 (B-Gerät)) Après l'introduction des obus torpilles, la fortification fut contrainte de se munir de béton et de fer. L'armée s'est rendu compte que les pièces existantes étaient impuissantes contre la fortification moderne. Il fallait des pièces très lourdes à trajectoire plongeante et des projectiles perce-cuirasses pour malmener le béton. L'usine Krupp a fait plusieurs proposions. Un mortier de 30,5 cm fut essayé à partir de 1895. En 1896, il fut adopté. Plus tard, on fit quelques améliorations. En 1914, les Allemands disposaient de 9 mortiers du matériel type B (s.Kst.Mrs.). Le mortier était transporté sur chemin de fer. Pour arriver à son emplacement de tir, il fallait une voie Decauville. A cause du poids du mortier, les rails devaient être assemblés très soigneusement. Ils devaient reposer sur une plate-forme de trois couches en bois pour servir comme support au pivot central de l'affût. Le mortier avait un frein de recul hydraulique. Plus tard, ce mortier n'a jamais été transformé en pièce à recul sur affût, car il était plus économique d'appliquer le nouveau système aux constructions nouvelles. Renseignements divers
Le mortier de côte de 30,5 cm (schwerer Küstenmörser L/8 ; B-Gerät) Chariot avec tube et chariot avec affût sur chemin de fer Des obus de 30,5 cm 6. Le 'Canon Court de Marine Mle 14' (matériel 'M') - (Kurze-Marine-Kanone 14, M-Gerät) II est curieux de savoir qu'à l'origine, on a voulu construire un matériel du genre lance-mines géant (Minenwerfer), qui devait tirer un obus à paroi mince avec une forte charge explosive. Seulement le 'M' (pour 'Minenwerfer') est resté. Pendant que Rheinmetall a réalisé les Minenwerfer sous conservation du secret très sévère, Krupp a réalisé un mortier de 42 cm sur affût sur roues, capable de tirer un projectile d'environ 1•000 Kg avec une portée de plus de 10.000 m. Le professeur Rausenberger, un autre constructeur génial, y prit une partie prépondérante, comme au matériel 'Y' ou, plus tard, au 'Paris-Geschütz'. Les premiers essais de tir eurent lieu en décembre 1915. Il s'est avéré, qu'il fallait une plate-forme spéciale pour supporter les roues. Il s'est également avéré, que l'artillerie lourde n'avait pas de tracteurs spéciaux pour tirer le mortier, et on a dû avoir recours aux locotracteurs à vapeur. A la déclaration de guerre, seulement deux mortiers du type 'M' étaient prêts, et ils sont partis en guerre le 9 août 1914. Renseignements divers
Un précurseur des mortiers géants allemands : le canon de côte de 42 cm (42 cm Kst.K.L/33), construit par Krupp en 1886 et exposé à l’exposition universelle à Chicago en 1889.
Le mortier 'M' (Kurze-Marine-Kanone 14, M-Gerät) en position de tir (M-Batterie Nr. 10, Hauptmann Stollberg) Chariot avec tube Une batterie 'M' en route (… mais où ?) Une batterie 'M' est arrivée à son emplacement de tir 7. Le lance-mines lourd. - (Schwerer Minenwerfer) Cette arme fut réalisée sous conservation du secret le plus sévère. Elle fut une autre mauvaise surprise pour l'ennemi au début de la guerre, principalement au début de la guerre des tranchées (fin de 1914), car l'adversaire ne disposait pas encore d'une telle armée. En 1907, on a donné la commande à Rheinmetall. Après plusieurs essais infructueux avec des armes sans recul, on a réalisé un exemplaire de ce 'Minenwerfer', qui était simple, pas trop lourd et robuste. En 1910, l'arme fut adoptée, mais fut affectée aux parcs du génie et pas à l'artillerie lourde. En 1914, le génie disposa de 44 lance-mines lourds. C'est à Liège, que le lance-mines lourd est entré en action pour la première fois. Renseignements divers
Le lance-mines lourd en position de tir (Schwerer Minenwerfer L/3 250 mm) Epreuve officielle de réception C. Dispositif d'un régiment d'artillerie à pied en août 1914 A titre d’exemple : Schleswig-Holsteinisches Fußartillerie-Regiment Nr.9
A suivre SOURCES1. Bas Ehrenbuch der Deutschen Schweren Artillerie - Berlin 1952/54 2. Schirmer - Das Gérät der Schweren Artillerie - Berlin 1957 3. Bulletin "Die Schwere Artillerie" (plusieurs fascicules) - Berlin 4. Schindler - Eine 42 cm Batterie im Weltkrieg - Breslau 1954 5. Heydemann - Schleswig-Holsteinisches Fußartillerie-Regiment Nr. 9 - Oldenburg/Berlin 1921 6. Justrow - Die Dicke Berta und der Krieg - Berlin 1955 Photos 1. à 14. : cliché Schirmer 15. à 17. : cliché Schindler REMERCIEMENTS L'auteur tient à exprimer sa gratitude à M. Tirtiat, qui a eu l'amabilité de corriger le texte français. Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site |
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