Tome III - Fascicule 8 - Décembre 1987SOMMAIREF. TIRTIAT - Les tours d'air des forts réarmés des PFL et PFN Général-Major e.r. J. R. MATTHYS - La Place Forte de MAASTRICHT J. HARLEPIN - Les forts de BREENDONCK, de LIESELE et la redoute de LETTERHEIDE J. LEBEAU - La batterie TRADITORE J. HARLEPIN - La tenue des casemate et coupoles sous le feu en 1914 (addenda) Gaston SALLE - Le fort d'Embourg (3/12)
LES FORTS DE BREENDONCK, DE LIEZELE ET LA REDOUTE DE LETTERHEIDE J. HARLEPIN Une visite de ces fortifications a permis d'examiner un tronçon de la ceinture extérieure de la Position Fortifiée d'ANVERS (P.F.A.) en 1914. CARACTERISTIQUES DE CES OUVRAGES I. LES FORTS Il y eut 5 forts construits sur le même modèle, à savoir HAASDONCK, LIEZELE, BREENDONCK, BROECHEM et ERTBRAND (voir plan type). Il s'agit de forts de deuxième ordre avec caponnières casematées conjuguées. Armement: - 2 coupoles de 1 x 12 cm (Howitzer) - 1 coupole de 2 x 15 cm - 4 coupoles de 1 x 7,5 cm - dans les caponnières: chacune 5 canons de 5,7 cm - aux batteries traditores: à chaque flanc, 2 canons de 12 cm + 2 canons de 7,5 cm - à la gorge (entrée) : 2 x 2 canons de 5,7 cm - aux angles: 2 coupoles de 1 x 5,7 cm. Voir ci dessous les plans types des coupoles de 5,7 cm, 7,5 cm et 15 cm. Les coupoles de 5,7 cri, 7,5 cm et probablement 12 cm sont les mêmes. Ces forts sont en béton non armé avec fossé humide. Il y a une caserne casematée sur le front, avec galeries desservant les coupoles centrales (15 + 12) et latérales (4 x 7,5 et 2 x 5,7). Il y a des locaux le long de la galerie en capitale ainsi que de part et d'autre de l'entrée (caserne de gorge). Ces forts ont été construits vers 1910. 2. LES REDOUTES Il s'agit d'ouvrages intermédiaires entre les forts, destinés à assurer le flanquement par croisement des feux avec les forts voisins. Sur le front intéressé, il y en a de deux types: - simple, comme DORPVELD et BORSBEEK - double, comme LETTERHEIDE. Les redoutes comportent essentiellement un bâtiment principal allongé et incurvé avec une entrée en saillie (voir plan). Sa façade se trouve du côté ami. Son dos est fermé et recouvert de terre du côté ennemi. En tête du talus, se trouve un petit bâtiment avec une coupole de 7,5 cm. Ce bâtiment est isolé par rapport au bâtiment principal. L'ensemble est entouré d'un fossé humide. De part et d'autre de l'entrée, se trouvent des casemates armées de canons tirant latéralement. L'ensemble de ces casemates forme le pendant des batteries traditores situées à la gorge des forts et possède le même armement. LA VISITE La visite a eu lieu sur les trois sites et a donné lieu aux commentaires ci-après. 1. BREENDONK A l'entrée du fort se trouve une salle dans laquelle sont exposés un plan mural et deux maquettes; l'une d'elles représente le fort d'origine avec ses terres et l'autre représente le même fort dans son état actuel, c'est-à-dire dénudé, d'où l'intérêt de la comparaison avec celui de LIEZELE. Cette situation a permis de faire un exposé sur les différentes parties constitutives de ce type de fort. Dans le cas de BREENDONK, on constate qu'il y a eu divers ajouts par rapport au plan initial; certains d'entre eux sont belges, d'autres sont allemands. Avant 1940, le fort fut un quartier général et, pour avoir des locaux disponibles, on a prolongé latéralement, de part et d'autre, la caserne de gorge. On a également ajouté un grand bâtiment à un étage, au sol carrelé, ayant vraisemblablement servi de bureau ou de logement. Le roi y aurait séjourné en 1940. D'autres bâtiments ont été ajoutés par les Allemands après 1940, pour faire du fort une sinistre prison et même un véritable camp de concentration pour le transit vers les camps en Allemagne. Actuellement le fort est un mausolée dont la visite fut à la fois un pèlerinage en un lieu où il y eut tant de souffrances, et aussi un examen intéressant d'un fort dont on a enlevé les terres. Ne perdons cependant pas de vue que ce déblaiement fut imposé aux prisonniers par les nazis et cela dans des conditions inhumaines. On constate en détail les diverses parties constituant le gros œuvre en béton. On retrouve les caponnières, gauche et droite, les puits des tourelles, les bâtiments séparés du corps central (coupoles 7,5 et 5,7), les galeries, etc. On remarque quelques réparations au béton suite au bombardement de 1914. 2. LETTERHEIDE Située entre BREENDONCK et LIEZELE, cette redoute n'est plus dans son état initial. Il reste le bâtiment principal, en béton, très représentatif. Tout le reste, terres, fossé, bâtiment avant (tourelle de 7,5), a été nivelé pour récupérer le terrain (actuellement propriété de la commune qui a fait du bâtiment principal un hall de dépôt). L'accès était à ce moment libre et nous avons pu voir l'intérieur. Les étages ont été supprimés par enlèvement du plancher, mais les traces permettent de reconstituer les diverses parties (entrée avec, de part et d'autre, les casemates de tir en flanquement, les deux ailes se terminant par des murs de soutènement des terres). Une chose anormale a été constatée: aux deux extrémités, il y a sur le toit une excroissance de béton, laissant supposer la présence d'un observatoire. Ce point reste à éclaircir. A noter enfin qu'à la partie centrale arrière, une grande ouverture a été pratiquée comme entrée et accès. 3. LIEZELE Ce fort semblable à celui de BREENDONCK est dans un excellent état de conservation, car pris en charge par la commune. Ce fort n'a pas été bombardé en 1914 et on a pu avoir accès à la plupart des parties essentielles. L'examen de ce fart, par comparaison avec celui de BPEENDONCK, permet de se faire une très bonne idée de la disposition des diverses parties et de leurs particularités de construction. De cet examen nous tirerons les points suivants: - une voie de 60 (Decauville) a été installée pour relier l'entrée aux diverses casemates. Probablement construite par les Allemands, elle desservait un magasin d'habillement. - le fort a été équipé d'une ventilation dont on retrouve plusieurs traces: tuyaux de passage, armoire métallique (ventilateur?). - le fort a gardé au niveau des coupoles un certain nombre de pièces métalliques · la coupole de 5,7 de gauche conserve les éléments suivants: les voussoirs intacts, le chemin de roulement des galets (anneau), le monte-charge (noria) l'escalier d'accès (échelle), le plancher, et probablement la colonne qui le supporte. Le puits est évidemment intact. Voir le plan de la coupole et un agrandissement de la partie "voussoir + chemin de roulement" Coupole de 5,7 (détails) · le puits situé à gauche de la coupole centrale (15 cm), possède également ses voussoirs, ainsi qu'une plaque en tôle épaisse entourant la partie avant extérieure du puits (renforcement?). II s'agit d'une coupole de 12 cm (Howitzer). On y a accès par l'intérieur où on retrouve un escalier d'accès au pied du puits, une colonne métallique centrale (support du plancher et guide du contrepoids) et une échelle. Le toit est une dalle en béton posée sur les voussoirs. Outre ces derniers, il semble que l'anneau métallique support de la calotte et comportant donc les galets, soit toujours en place. On y remarque deux manetons (fixation de la partie avant de l'affût du canon).La hauteur de ce puits est plus grande que celle des 5,7 cm. On remarque une tentative de renforcement de la tourelle de 15 cm. Le puits, extérieurement, a céé recouvert, à la hâte, de béton dans lequel on a jeté sans ordre quelques barres de fer à béton; on a manifestement utilisé le terrain environnant comme coffrage. Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site J. LEBEAU CONSTITUTION En Belgique, elle est constituée par des casemates en béton simple, en béton armé en France et en Allemagne après 1910. Les épaisseurs des voûtes et des murs sont celles des abris de l'époque. Des canons de 7,5 cm et des obusiers de 12 cm (ou canons de 12 cm) armaient les batteries traditores des forts et redoutes d'ANVERS. Les embrasures de ces pièces étaient munies de blindages métalliques. EMPLACEMENT La batterie traditore devait être placée de manière à: 1. être parfaitement dissimulée aux vues terrestres lointaines de l'ennemi, 2. défiler les embrasures aux vues des observateurs de l'ennemi se trouvant dans une zone déterminée, 3. pouvoir tirer en avant de l'ouvrage voisin et de la ligne de défense de l'intervalle, dans un secteur suffisant pour bloquer une attaque. Pour satisfaire à ces conditions, la batterie traditore était placée généralement au front de gorge et attachée à l'escarpe en capitale de ce front. Dans ce cas, les deux flancs pouvaient être réunis dans une même construction, qui portait le nom de batterie traditore double. Les flancs pouvaient être également séparés et chaque construction portait le nom de batterie traditore simple. La batterie traditore double a l'avantage d'être mieux protégée par tout le massif du fort et d'être plus économique, puisqu'elle forme une construction unique; mais (inconvénient) elle permet à l'adversaire de faire coup double et de compromettre l'action des deux flancs si l'un seulement est touché. En outre, les vues dans l'intervalle sont souvent moins avantageuses. La batterie traditore simple a les inconvénients et les avantages contraires à la précédente. La dispersion et les vues souvent meilleures lui sont particulièrement favorables. ORGANISATION DES BATTERIES TRADITORES Généralement la masse du fort permettait d'établir deux étages de feux bien défilés. En principe, on trouvait, à l'étage inférieur, des obusiers, deux par flanc; à l'étage supérieur, des canons, généralement deux par flanc et un projecteur de grand diamètre (60 à 90 cm). On profitait de la présence de la batterie traditore pour abriter à l'étage inférieur, les armes de flanquement du fossé de gorge de l'ouvrage. Des abris à munitions et à matériel étaient prévus à côté des casemates des canons. Une série de créneaux permettaient la défense à revers et la défense intérieure de la batterie. ENSEIGNEMENT Durant la guerre 1914-1918, l'absence de ces organes à mission spéciale est une des raisons de la percée des intervalles par l'ennemi, à LIEGE et à NAMUR. Celui-ci plaçait un détachement devant les ouvrages pour faire diversion. Les forts, astreints à leur propre défense, ne purent guère intervenir dans la défense des intervalles. D'autre part, les pièces situées sur la superstructure, et devant remplir cette mission de flanquement et de soutien, étaient parfois mises hors de combat prématurément. REMARQUE Le flanquement des intervalles était encore appelé "grand flanquement" par opposition au flanquement des fossés dit "petit flanquement". Photos J. Lebeau Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site LA TENUE DES CASEMATES ET COUPOLES SOUS LE FEU EN 1914 (Addenda à l'article paru dans les bulletins Tome III, fasc. 6 et 7) J. HARLEPIN Lors de la parution de l'article de précité, j'ai eu le plaisir de recevoir divers commentaires, très intéressants de lecteurs, tant par écrit que de vive voix. Etant donné que de mon coté, j'ai continué les recherches et les contacts, je suis à même d'apporter quelques précisions rectificatives ou complémentaires qui intéresseront sûrement les lecteurs. Certaines d'entre elles proviennent d'ailleurs de ces derniers. J. H. N.B. Les chiffres entre () rappellent les pages du premier bulletin, où le sujet a été traité. 1. (P 13) Concernant la coupole de COLES (bois de teck + tôle) il est à noter que les forts 1 à 7 (ou 1 à 8) avaient été prévus pour recevoir cette coupole. Seul le fort 3, l'a effectivement reçue. 2. (P 13 et 14) Concernant les coupoles du fort Saint-Philippe, elles datent de 1877 à 1881, tandis que le fort lui-même fut construit de 1869 à 1872. Nous avons reçu de Mr GILS de la Simon Stevinstichting, des plans donnant avec précision leur position et leur disposition Ces coupoles avaient des canons de 24 et 28 cm qui allaient par paire. 3. (P 13) Concernant les coupoles rotatives en fonte, type GRUSON, il ne semble pas qu'il y en ait eu en Belgique. 4. (P 15) La tourelle de Fives Lille mentionnée, aurait été celle conçue par le Lieutenant Colonel BUSSIERE. Celui-ci recherchait la solution éclipsable (1888). Une telle tourelle fut proposée et essayée avec 2 pièces de 155. Cylindrique, s'appuyant sur 3 voussoirs, elle pesait 180 tonnes. L'éclipse était obtenue à l'aide d'un contrepoids de 68 tonnes et d'un accumulateur hydraulique actionné par une machine à vapeur de 7 CV. Cette tourelle fut installée à Verdun, au fort de Souville, et fut réduite au silence en 1916, après avoir tiré 600 coups. Ce fut le seul exemplaire. 5. (P 15) Il ne semble pas exact que les Roumains aient commandé 29 tourelles du type oscillant (3ème version du commandant MOUGIN). Il est néanmoins vraisemblable que le seul exemplaire construit par Saint Chamond, avec 2 canons de 150 pour essais, ait été placé dans un fort de Bucarest. D'autres commentaires laissent en effet entendre que ces tourelles françaises ne furent pas retenues au profit de tourelles GRUSON. Cette question reste obscure. 6. Le même MOUGIN avait au préalable développé une coupole rotative, à voussoirs en fonte, mais non éclipsable. (voir plan ci après). Cette coupole équipa des forts français tels que ceux de Maubeuge, le Barbonnet, près de Nice, etc. Aucune coupole de ce type en Belgique.
7. Selon des documents français, ce serait le major Schuman qui chercha, le premier,à réaliser une tourelle à éclipse, de petite taille. Schuman s'associa avec GRUSON WERKE à Magdebourg, lequel réalisa son projet sous la forme des tourelles de 5,7 des forts de Liège et Namur en 1914. Une série des mêmes tourelles, un peu plus robustes, fut installée dans les forts allemands de l'est de la France. En 1893, la firme Gruson fut rachetée par KRUPP. Pour l'armement de la ligne GALLWITZ (Metz - Thionville) ainsi que pour Mutzig, il fut encore réalisé à cette époque 114 tourelles avec canon de 105 et 150 mm. P.S. Il s'agit sans doute, des tourelles que l'on peut encore voir au fort de Guentrange près de Thionville, et peut-être aussi des tourelles récupérées pour le réarmement des forts de Liège et Namur (entre les 2 guerres). 8. (P 25) Fort Sainte Marie: Batterie cuirassée. Contrairement à la légende du dessin de cette batterie, il y a bien eu dans ce fort une batterie de ce type. Mr GILS nous a envoyé des copies de plans y relatifs (voir plan ci après) Il s'agit de 6 canons de 24 cm, type Gruson, montés en casemates réalisées en plaques blindées Gruson. Enlevées par les Allemands en 1944; la batterie elle-même a disparu. 9. Fort De Perel: identique à Saint Philippe, il ne fut jamais armé et est disparu. 10. (P 27 et 35) Forts de la grande ceinture d'Anvers: Nous avons cité les calibres de 5,7 - 7,5 - 15 cm, pour, les tourelles de 1906/1909 type Cockerill. En fait, et cela a été vérifié à Liezele, il y avait aussi des obusiers de 12 cm dans les mêmes tourelles que pour les pièces de 5,7 et 7,5. Grâce à Mr GILS, nous pouvons vous en présenter le plan (voir ci après). Pour les mêmes coupoles, nous nous posions la question: "avec quelle firme étrangère, Cockerill a-t-il fabriqué ces tourelles?" On peut répondre qu'il s'agit d'une construction propre à la Sté Cockerill.
11. (P 41) Forts modernisés, de l à 8 à Anvers. Tous ces forts ont reçu 2 coupoles de 7,5 cm type Cockerill 1909. On en voit les traces au fort IV. (ajouter le chiffre 2 dans la colonne rubrique 75- première ligne). 12. (P 19) AIROLO (Suisse) Un contact avec l'association St Maurice de Lausanne, nous a donné quelques précisions sur ce qui s'est fait en Suisse. Le fort d'Airolo fut mis en chantier en 1887. Il y eut également les forts d'Andermatt en 1889 et les ouvrages de Saint-Maurice en 1892. Les Suisses, après consultation de plusieurs constructeurs, choisiront pour Airolo, la tourelle double de Saint Chamond avec des pièces de 12 cm. Mais par la suite, Gruson s'opposa à cette fourniture en faisant état d'accords avec St-Chamond et il fut intraitable (il avait le monopole de fait pour certains armements et canons). Les Suisses durent s'incliner. La coupole fut réétudiée par Gruson en reprenant des éléments de la tourelle française. La nouvelle construction comportait une chambre de tir en fer double T, tournant sur une couronne de rouleaux et couverte par une toiture en fer forgé, en forme de calotte sphérique de 5160 mm de diamètre et de 200 mm d'épaisseur. Il y avait une avant-cuirasse haute de 940 mm (diamètre extérieur 8300 mm). La tourelle comportait 2 canons de 12 cm type 1882. 13. (P 37) La vue de l'atelier de montage page 37, est bien celle des "ATELIERS DE LA MEUSE" (selon information de Mr Richely). 14. Nous avons trouvé dans une vieille revue COSMOS, un projet de tourelle système CANET. Il s'apparente aux tourelles BRIALMONT, mais n'a jamais été réalisé.
15. Nous avons trouvé dans des vieilles revues de 14 - 18, des photos, difficilement reproductibles de batteries de coupoles, par 3 ou par 4. - Ouvrage LEONE sur la Cima de Campo (I) - Fort de Chiusaforte (I) - bombardé. Il s'agit vraisemblablement de types Gruson avec canons longs. 16. Nous avons trouvé des croquis (voir ci après) des coupoles Bussière et Souriau.
P.S. Je voudrais encore rappeler ici, que beaucoup d'information: utilisées dans cette étude, proviennent d'ouvrages souvent anciens, consultés à la bibliothèque du M.R.A. et à la bibliothèque de la défense nationale à Evere. Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site |
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