Les P(O)W : Prisonniers de guerre allemandsLouis FreuvilleQuelques chiffres A la date du 30 avril 1945, on trouvait en Belgique 195.000 prisonniers de guerre allemands, détenus dans les camps britanniques ci-après :
Les Américains tenaient également deux camps :
En mai 1945, 60.000 prisonniers allemands furent cédés à la Belgique qui les répartit en 41 camps de travail, surtout dans les charbonnages. Les "Forstlagern" en Ardenne traitaient le bois nécessaire aux galeries de mines. Les camps de déminage, en vertu des Conventions de Genève, n'étaient pas officiellement des camps de prisonniers. Les Allemands détenus étaient des "Surrendered Enemy Personnel" (Personnel ennemi rendu) ou des "Disarmed Enemy Forces" (Forces ennemies désarmées). Ces camps furent dissous au printemps de 1948. 454 Allemands moururent dans les camps belges après la guerre. Camps belges
Souvenirs Janvier 1946. Mon unité de V.G.44 (Volontaires de Guerre 1944) vient d'être dissoute et je me retrouve dans un organisme assez hybride dépendant directement du Ministère de la Défense nationale. Tous mes collègues sont d'avant-guerre et viennent d'être libérés de TOTAD, du Secours d'Hiver ou des services de contrôle du ravitaillement où ils avaient oeuvré de 1940 à 1945. Vous comprendrez aisément que je ne me sentais guère en symbiose avec mon entourage et, suite à une opération que je jugeais particulièrement biscornue, je fis part de mon désagrément. A ce jour, je maintiens que j'avais raison, mais mon interlocuteur était major et j'étais sergent. On ne me punit pas; on me changea de service et tout un chacun sait qu'une mutation n'est pas une punition ... Je quittai donc l'agence bancaire sous séquestre où j'avais mon bureau bien chauffé à quelques mètres de la rue de la Loi et me retrouvai dans un baraquement très aéré à Winterslag, dans une unité chargée de la garde de quelques centaines de prisonniers allemands et quelques dizaines d'inciviques devenus, plus ou moins volontairement, ouvriers mineurs dans la bataille du charbon chère à "Acille" Van Acker. C'était homérique. Les collègues sur place étaient des V.G.45 qui, engagés trop tardivement pour être envoyés en opérations, avaient constitué un Bataillon de Garde. Ils étaient maintenant en voie de démobilisation et remplacés avec des fonds de paniers tels que moi et des miliciens anversois, alors que tout ce qui restait du cadre était francophone. C'est là que j'ai acquis mes premiers rudiments de la langue de Vondel (op zijn Aantwaarpse) en vue d'aider mon Commandant de Compagnie, brave capitaine de réserve, instituteur à Mons et tout à fait imperméable à tout ce qui n'était pas français, picard ou borain. Le pied ! Le service était très dur. En plus de la garde, soit en patrouille, soit en faction dans les miradors (avec phare et Bren), il fallait, trois fois par jour, escorter du camp au charbonnage les équipes de prisonniers-mineurs. Cela voulait dire se lever à 4 h, quitter le camp avec la "pause" de 6 Hr et ramener ceux qui avaient pris leur service à la taille la veille à 22 Hr. Idem pour la pause de 14 Hr et celle de 22 Hr. Le lendemain, en guise de repos, on était de garde. Sur papier, c'était déjà assez farfelu. Ajoutez à cela que certains miliciens (pas tous, heureusement) étaient des gars des classes 42 et 43 dont la sympathie avait tendance à se trouver du mauvais côté des barbelés. Ils n'osaient guère refuser de garder les prisonniers mais ils carottaient d'importance. Le médecin faisait des heures supplémentaires, la RTT faisait des bénéfices grâce aux télégrammes demandant des congés d'urgence (il serait intéressant de faire des statistiques des grand-mères décédées dans la Province d'Anvers à cette époque). Dans l'ensemble, les prisonniers ne se comportaient pas trop mal. Tant les Allemands que les "noirs" percevaient le barème syndical; en principe, ils pouvaient faire parvenir de l'argent à leur famille et garder une partie en "Lagergeld" qui leur permettait d'acquérir, à la cantine du camp, des cigarettes, des lames de rasoir et les quelques rares douceurs qu'on pouvait trouver chez nous au lendemain de la guerre. En fait, travail mis à part, leur situation était, de loin, préférable à celle de leurs "collègues" qui dépérissaient dans les camps et prisons. Les évasions du camp proprement dit étaient inexistantes. Il y eut, toutefois, quelques tentatives au départ du charbonnage. Il faut savoir que, à la taille, les internés et les mineurs normaux travaillaient en commun. Lors de la remontée, ils étaient tous noirs comme du charbon (ben, voyons !). Les lettres PG peintes sur leurs salopettes étaient invisibles et le seul moyen que nous avions pour les départager était que les Belges avaient des lampes à verre blanc uni; les porions voyaient leur verre orné d'un filet rouge, les Allemands d'un filet bleu et les inciviques d'un filet vert. Il y eut, d'aventure, des "erreurs". Un interné remontait dans les premiers ascenseurs avec une lampe blanche et était dirigé vers les douches. Plus tard, dans les derniers remontés, on trouvait un Belge qui, muni d'un filet bleu. jurait ses grands dieux qu'on lui avait volé sa lampe. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvions que déclencher l'alerte. On tirait du lit les pauvres gars qui venaient à peine de se coucher et on partait en patrouille dans la belle imitation du Sahara (la neige en plus) qui entourait ce coin de la Campine sauvage. Une de ces patrouilles, dont j'avais la charge, a retrouvé, trois heures plus tard, son évadé. Non seulement était-il en civil, il avait les poches bourrées de nourriture ... et il était accompagné de deux autres Allemands évadés d'un camp français et pris en charge par ce qu'il faut bien appeler une chaîne d'évasion. Je n'ai jamais connu les résultats de l'enquête. Peut-être jugea-t-on mieux de ne pas remuer tout cela ... Je conduisis mes trois lascars au camp de transit et de discipline à Ghlin (Hainaut) et je n'en ai jamais plus entendu parler. En ce qui me concerne, cela dura jusqu'en fin 1946 avec très peu de congés et pas de permissions (manque de personnel). Je parvenais exceptionnellement à partir en escorte vers les camps tout proches de Zwartberg et Waterschei bien que cela ne changeait guère l'ordinaire et, oh joie, oh allégresse, je fis un séjour d'une semaine à Etterbeek afin d'y subir des tests. Ce n'est qu'en janvier 47 que je fus désigné pour TESO de Bourg-Léopold (j'étais condamné au Limbourg !) où, avec mes collègues VG, je devais confirmer mes sardines. L'ESO était une belle imitation de Cayenne; nous portions la tenue de toile avec un numéro sur l'estomac qui permettait à tous les instructeurs et autres gardes-chiourme de relever la moindre faute. Sauf punition (et elles pleuvaient) nous pouvions sortir le mercredi soir et un week-end de temps en temps. Il fallait vraiment aimer l'armée (ou être masochiste ...) pour supporter cela pendant six mois. D'ailleurs les défections furent nombreuses. Pour corser le tout, le 6 juin 1947, pendant les révisions en vue de l'examen final, un lot de grenades réelles (nous n'avions pas de munitions d'exercice) explosa dans une salle de cours, tuant dix copains et en blessant douze. Par chance. TESO se trouvait très près de l'Hôpital militaire qui, à l'époque, était réservé aux prisonniers de guerre allemands travaillant dans les charbonnages du Limbourg (coucou !) et ce sont les docteurs allemands et le personnel infirmier ex-Wehrmacht qui ont soigné et sauvé les blessés. Le hasard veut qu'en Allemagne et à trois reprises, la dernière en 1982, je sois mis en présence d'un pépère, ancien doryphore, qui me raconte sa guerre. Quand nous nous apercevons que nous étions ensemble en Campine, nous échangeons des souvenirs de l'époque où nous n'avions guère plus de vingt ans et, avec le recul, il appert que, comme disait Simone Signoret, "la nostalgie n'est plus ce qu'elle était" !
Les archives allemandes sont bourrées de photos de 1940 montrant des soldats belges prisonniers, en route vers les camps. Voici deux photos de la collection de Georges Pigeon, nous remises par Georges Huygen, montrant des soldats allemands, gardiens de camps de prisonniers, partant à leur tour en captivité. Sont visibles sur les photos, des officiers belges libérés et des militaires anglais des troupes blindées, les libérateurs. Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site
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