Tome V - Fascicule 2 - Juillet 1992SOMMAIREMichel VIATOUR, Les monuments de la ville de STAVELOT Franck VERNIER, Les abris de la Position Fortifiée de Liège en mai 1940 (2) Willy 0. H. FRESON, La pompe à haute pression - Arme secrète allemande V3 (suite et fin) G. HUYGEN, Il y a 52 ans. le 10 mai, Georges PIGEON fut fait prisonnier P. RICHELY et A. NEVE, Les péripéties du site d'HYDREQUENT-RIXENT F. GERSAY. Les Aventuriers (6 de 7) Jules LEBEAU, La marine de guerre impériale allemande Louis FREUVILLE, Pluie de V1 sur LIEGE et ANVERS Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site EDITORIAL – Etre BelgeJe suis Belge. Bien entendu, comme quiconque, je n'ai pas choisi de naître ici plutôt que là. Mais le sort a voulu que je puisse avoir "bonne conscience". Et j'explique ce sentiment. Lorsqu'il s'agit de rapporter les faits de guerre (au sens le plus large) des anciens combattants de 14-18, de 40-45, de la guerre de Corée ..., l'intention n'est pas de mettre en exergue une action belliqueuse ou d'exalter un militarisme de mauvais aloi (c'est en tout cas l'esprit C.L.H.A.M.). Nos combattants ont toujours, sous l'autorité du Chef de l'Etat et d'un Gouvernement régulièrement désigné par nos représentants démocratiquement élus, pris les armes pour défendre leur patrimoine national et leurs familles (ce que l'on évite d'appeler, de nos jours, la Patrie). Nos dirigeants ont essayé par tous les moyens (construction de fortifications, déclaration de neutralité, alliance défensive) d'éviter que nos voisins ne se sentent provoqués, mais aussi qu'ils s'imaginent que la Belgique, est une proie facile. Non par lâcheté, car chaque fois que l'agresseur a franchi nos frontières, il a trouvé nos pacifistes les armes à la main, animés par la plus grande indignation et le plus grand esprit de sacrifice. Il m'est impossible à moi, Belge de soixante ans, ayant porté l'uniforme pendant une vie active complète, de montrer mes cicatrices, de narrer mes combats. C'est parce que depuis 47 ans, la paix règne en Belgique. La paix règne grâce à nos Anciens qui ont fait ce qu'il fallait, grâce à l'OTAN dont nous faisons partie depuis sa naissance, grâce à l'esprit de compromis "à la Belge" qui, dés que la première goutte de sang coule, ou menace de couler, ramène les différends nationaux à des accords politiques. Maintenant que notre armée semble vouée à des opérations humanitaires, à des opérations de maintien ou de restauration de la paix en dehors de nos frontières, je suis encore conforté dans mon "pacifisme armé". Certains diront ironiquement que je trouve que "tout te monde, il est beau, il est gentil". Qu'importe ! Je trouve que c'est une chance d'être né Belge et, de grâce, que l'on ne trouve ici aucun relent de xénophobie. P.B. Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site Michel VIATOURLes monuments de la ville de StavelotLorsqu'on entre dans la belle petite ville de Stavelot, en venant du village de Lodomez, dans la descente de la rue Chemin du Château, face au numéro 15, on remarque une première stèle qui a été posée en mai 1989. 1989, l'année du 45ème anniversaire de la Libération et aussi de la Bataille des Ardennes (du 16 décembre 1944 au 15 janvier 1945). Après le soulagement et les fêtes de la Libération, ce fut le dur et brusque retour des Allemands dont Stavelot fut l'une des Villes Martyres. Cette stèle a été coulée en bronze dans les ateliers de l'Ecole Technique Provinciale de Verviers à la mémoire des soldats américains tombés le matin du 18 décembre 1944 pour la défense de Stavelot. Quelques centaines de mètres plus bas, un autre monument, une stèle et une croix, rappelle la mort de 26 victimes civiles stavelotaines durant l'hiver 44 En franchissant le pont sur l'Amblève, une stèle scellée dans la maçonnerie du parapet rappelle les durs combats pour la défense de ce pont. Place Saint-Remacle, magnifique ensemble architectural, au pied de la maison portant le n° 31, une borne du T.C.B. (Touring Club de Belgique) est là pour visualiser l'avance extrême des Allemands durant l'hiver 44/45 Scellée dans le mur de soutènement de la route principale, côté parking, une autre stèle commémore les faits d'armes de la 30ème Division d'Infanterie U.S. et plus particulièrement de son 117ème régiment Dans le parc situé entre la route et l'abbaye, le visiteur admirera aussi le magnifique monument communal (14/18 et 40/45) dont la symbolique du renouveau représente les semailles et les blés, le semeur et la femme. Une stèle est scellée sur une des faces de ce monument en hommage à trois Stavelotains, Elise et Constant GRANDPREZ et André GREGOIRE, fusillés par les Allemands le 8 mai 1917 à la Chartreuse (Liège). Non loin de là, dans une pelouse, une stèle est dédiée aux Alliés tombés pour la Libération de Stavelot en septembre 1944 (celle-ci a été posée lors des cérémonies du 40ème anniversaire de la Libération, le 14 octobre 1984). Dans ce même parc, il convient aussi de rendre hommage à cet enfant du pays, le général baron JACQUES de DIXMUDE, dont le buste repose fièrement sur un socle de pierre. Reprenant la route vers le circuit de Francorchamps, le regard ne manquera pas de s'arrêter sur l'imposant monument national aux Démineurs. Le texte, gravé en français et en néerlandais, rappelle que ce monument est dédié aux quelque 150 démineurs tombés par action de déminage. Une sculpture, due à A. SEGERS, représente un démineur; d'autres symboles figurent aussi sur ce monument : les écussons des neufs provinces, une hure de sanglier, une bombe, … Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site Lt Col BEM Y. DERAYMAEKER - Quelques considérations sur l'historique des combats du 2e Grenadiers les 10 et 11 mai 1940La lecture de l'historique du 2ème Grenadiers les 10 et 11 mai 1940 ainsi que celle de l'ouvrage de J.-L. Lhoest "Les paras allemands au Canal Albert" m'ont inspiré un certain nombre de réflexions que je me permets de vous livrer : 1. A propos du choix de l'endroit La partie du front où les Allemands ont porté leur "Schwerpunkt" était idéalement choisie : le saillant de Maastricht n'était-il pas en effet la seule zone où la Meuse échappait au contrôle des Belges et où la ligne principale de défense, s'appuyant sur le Canal Albert, était pratiquement au contact de la frontière néerlandaise, ne donnant de ce fait aucun recul à nos avant-postes ? Il en allait tout autrement au nord de cette zone, où les défenseurs contrôlaient les deux lignes d'obstacles, de même que plus au sud, où les quelques dizaines de kilomètres séparant la frontière belgo-allemande du Canal ou de la Meuse permettaient l'exécution d'une manoeuvre retardatrice : dans les deux cas, une percée rapide était difficilement réalisable par l'assaillant. A noter également ici que les excellentes réactions néerlandaises (tirs de D.C.A. contre les convois de planeurs, destruction des ponts de Maastricht) ne furent pas exploitées comme elles auraient pu l'être, suite au manque de coordination entre Belges et Néerlandais, bien illustré lorsque se posa le problème du recueil d'une compagnie néerlandaise devant les positions du 2 Gr. Que n'avons-nous souffert en 1940 de l'inexistence d'une défense intégrée telle que celle que nous connaissons aujourd'hui grâce à l'OTAN et bientôt peut-être grâce à l'UEO ? Celle-ci aurait permis par exemple à des troupes de couverture belges de se porter dès le premier coup de feu sur la Meuse à Maastricht, donnant ainsi à nos troupes en ligne sur le Canal un répit précieux. 2. A propos de l'alerte On n'insistera jamais assez sur l'importance du service rendu aux Alliés par le colonel Hans Oster, cet opposant allemand appartenant à "l'Abwehr, qui parvint à prévenir de l'imminence de l'attaque le major Sas, attaché militaire néerlandais à Berlin. Celui-ci en informa aussitôt son collègue belge, le colonel Georges Goethals, qui en avisa Bruxelles par deux fois dans la soirée du 9 mai (avertissement à 19 h, confirmation à 21 h 30). De ce fait, l'ennemi ne put bénéficier le 10 mai que d'une surprise technique (planeurs, charges creuses), à défaut d'avoir pu obtenir la surprise tactique. Sans Oster, pas de mise en alerte des troupes belges et néerlandaises, avec des conséquences plus catastrophiques encore à l'aube du 10 mai : positions sur le Canal occupées par les seuls détachements de sûreté, sautage des ponts de Maastricht et de Canne sans doute inopérant ! Comme le signale fort judicieusement Lhoest dans son ouvrage précité, sans ces destructions, c'est 24 heures plus tôt encore que des blindés allemands auraient fait irruption sur nos arrières, compromettant notre repli sur KW et rendant impossible le coup d'arrêt donné par la 1ère Armée française à Gembloux, voire même peut-être le rembarquement franco-britannique de Dunkerque. 3. A propos de la prise des ponts de Vroenhoven et de Veldwezelt Il est navrant de constater l'absence de mise à feu électrique sur ces deux ouvrages : l'alerte ayant été donnée, il est probable que ceux-ci auraient sauté s'ils avaient pu être mis à feu électriquement : pas question pour le Gefreiter Stenzet d'arracher la mèche déjà allumée à Vroenhoven; et, à Veldwezelt, il est vraisemblable que le caporal Cornée, des Cyclistes-frontière, aurait pu exécuter la mise à feu avant l'irruption des parachutistes allemands. Dans son ouvrage "Guerre totale, guerre révolutionnaire", le professeur Bernard précise que les mises à feu électriques avaient été supprimées sur ces ouvrages du fait qu'ils ne disposaient pas de détachements de mise à feu du Génie. Terrible décision pour des ouvrages collés, comme on l'a vu plus haut, à la frontière néerlandaise ... En conclusion, il me semble que nous avons malgré tout bénéficié le 10 mai de deux avantages de taille : la mise en alerte, qui a permis à nos troupes d'occuper leurs positions de combat à temps, et le sautage réussi des ponts sur la Meuse à Maastricht, qui a bloqué les panzers pendant 24 heures. Par son héroïsme et sa ténacité, le 2 Gr a su tirer le meilleur parti de ce double atout. Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site Georges HUYGENIl y a 52 ans, le 10 mai, Georges, fut fait prisonnierDans le courrier des lecteurs du bulletin Tome IV, fasc. 12 de décembre 1991, Monsieur HUYGEN cherchait des renseignements concernant les camps de prisonniers de Fischbeck et d'Eischstatt (Oflag X D et VII B) où se trouvait pendant la guerre son grand-père Georges PIGEON. Il avait également fait paraître un avis de recherche dans le Journal "Le Prisonnier de Guerre", en février 1992 et il reçut des réponses qu'il nous a communiquées. Nous en extrayons ce qui suit. Tout d'abord, le Colonel e.r. Raymond COLLIN, explique pourquoi "Monsieur PIGEON" a été envoyé dans un Oflag, c'est-à-dire un camp pour officiers. "… "J'ai bien connu votre grand-père "Monsieur" Pigeon, notamment à l'Oflag de Fischbeck et Colditz, mais particulièrement à Eischtatt où il logeait comme moi au Bloc A. En fait votre grand-père, pour autant que je m'en souvienne, devait être avant la guerre "Agent technique" des Bâtiments militaires pour la garnison de Liège (Note de la rédaction : Selon d'autre témoignages. Monsieur Pigeon avait le rang de major et nous savons par Monsieur Cailleaux qu'il était en service à Arlon). Pour la période de mobilisation et la guerre, il aura dû être "militarisé" et assimilé au grade d'officier subalterne et à ce titre était donc prisonnier dans un OFLAG et non dans un STALAG. Le Bloc A d'Eichstatt était occupé en majorité par des officiers en provenance des Forts de Liège et Namur ... Je conserve un excellent souvenir de votre grand-père toujours très affable et souriant et ayant semble-t-il un moral à toute épreuve. Nous étions d'ailleurs un peu "PAYS", lui provenant de CINEY et moi de MARCHE-en-FAMENNE, ayant le même accent régional ..." Découvrons ensuite la lettre de Monsieur Maurice CAILLEAUX qui nous apprend, entre autres, comment Monsieur PIGEON et lui-même furent fait prisonniers par les Allemands dès le 10 mai 1940, tôt dans la matinée. "… "J'ai effectué mon service militaire au Corps de transports automobiles à Namur et, le 6 février 1939, j'ai été muté au 1er Chasseurs Ardennais à Arlon en qualité de chauffeur pour le Service des Bâtiments militaires à la caserne Callemeyn. J'y ai fait la connaissance et ai été affecté au service de Monsieur Georges Pigeon (Adjoint technique principal) du S.B.M. d'Arlon ... "Je suis très heureux de pouvoir rendre service au petit-fils d'un homme que j'ai toujours admiré pour son intégrité et sa gentillesse, c'est grâce à lui que j'ai effectué mon service aussi agréablement ... "Venons-en au fait : Le 10 mai 1940 depuis 2 heures du matin, il y avait de nombreux avions (allemands sans doute) qui survolaient Arlon. Vers 4 heures du matin, j'ai reçu l'ordre d'aller appeler "mon chef",. Monsieur Pigeon. Nous sommes rentrés à la caserne Callemeyn (c'est là que se trouvaient les bureaux du S.B.M.). J'attendais dehors. Vers 5 heures. Monsieur Pigeon est sorti pour me dire qu'il avait eu une communication téléphonique avec Namur et que nous devions rejoindre le plus rapidement possible avec les archives (qui se trouvaient dans la voiture depuis plusieurs jours)". "Nous sommes donc partis en hâte, car on nous avait avertis que le pont de chemin de fer de Stockem allait sauter (les petites destructions environnantes l'étaient déjà). Quand nous sommes arrivés dans la forêt d'Anlier, il passait tellement d'avions (qui tiraient chacun trois planeurs) que nous nous sommes rangés sur le bord de la route et avons stoppé une des nombreuses voitures qui venaient dans l'autre sens. Le conducteur nous a dit n'avoir rien remarqué sur sa route. Nous nous sommes donc remis en route et après un virage, nous avons dû nous arrêter à la sortie de la forêt d'Anlier, car la route était barrée avec des troncs d'arbres et des mines antichars. (Nous étions prisonniers). Monsieur Rostenne, qui était parti avec sa voiture un moment après nous, s'est aussi jeté dans le piège ! Et ensuite un autocar de soldats belges qui rejoignaient sans doute leur cantonnement ! Il y avait une cinquantaine de parachutistes allemands armés jusqu'aux dents et qui nous attendaient. Nous avons été alignés sur le bord de la route et visités. Face à nous, il y avait des parachutistes avec leur mitraillette pointée. Votre grand-père m'a dit : "Maurice, maintenant c'est la fin." Les parachutistes ne faisaient pas de prisonniers, nous avait-on dit (dans les journaux). Heureusement cela n'a pas été le cas. Nous avons été parqués dans la cour d'une ferme à 200 m environ. Nous avons dû attendre quelques heures, car les combats faisaient rage au village de Léglise, situé à 1 ou 2 Km et qui était défendu (je crois) par le 1er Lanciers. Après quelques heures d'attente, les combats ont cessé. Nous avons dû nous préparer et on nous a chargés d'une bombe antichar et d'un caisse de bandes de cartouches de mitrailleuse. Votre grand-père a refusé dignement, disant "qu'il était officier et qu'il ne porterait pas d'armes ennemies". Nous nous sommes dirigés à travers bois et champs en direction de Fauvillers où nous avons passé notre première nuit de captivité dans l'église du village. Le lendemain nous nous sommes remis en route direction de Bodange où les Chasseurs ardennais s'étaient battus farouchement et avaient eu de nombreux morts. Sur la route passait un convoi de tanks et de canons, ensuite direction Warnach (sur la route Bastogne-Martelange). Là nous avons passé les fêtes de Pentecôte dans la grange d'une grosse ferme, toujours sous la menace de mitrailleuses et la menace de mort de tout le groupe P.G. en cas d'évasion d'un seul ! Le mardi 14 mai dans la soirée, on nous a embarqués dans un autocar qui avait probablement amené des soldats allemands et sommes partis en direction du Grand Duché, je pense Ettelbruck et Vianden, de là en Allemagne, à Neuerbourg où l'on nous a fait loger dans les ruines du château (voir photo). Le lendemain, dans la matinée, on nous a conduit à la gare où on (on = les boches) nous a embarqués dans des wagons à bestiaux aux trappes garnies de barbelés. Après un voyage de 32 heures, nous sommes arrivés à Hemer (en Westphalie). Nous y sommes restés quelques jours et c'est là que nos chemins se sont séparés. Monsieur Pigeon en tant qu'officier a été dirigé sans doute vers un Oflag (camp pour officiers) et Monsieur Rostenne et moi avons été dirigés vers le Stalag à Fallingbostel. Comme personne âgée. Monsieur Rostenne a été libéré assez vite. Quant à moi, j'en ai pris pour 5 années (comme Wallon). A Arlon, j'avais un oncle qui habitait juste à côté de l'Hôtel de Ville et qui était Pasteur protestant évangéliste. C'est lui qui a fait parvenir la lettre de renseignements à mes parents (voir ci-après). Je suis très heureux si j'ai pu vous rendre service, surtout à la mémoire de Monsieur Pigeon, votre grand-père, à qui je vouais une très grande affection ..." M. Cailleaux.
La Ford noire 0123 et son chauffeur, Maurice Cailleaux L'endroit exact où nous fûmes faits prisonniers le 10 mai 1940 à Rancimont La ferme dans la cour de laquelle nous fûmes rassemblés à Rancimont L'église de Fauvillers dans laquelle nous avons passé notre première nuit de captivité Le château de Neuerburg, où nous passâmes notre 5e nuit avant le grand départ pour Hemer (Westfalie) Monsieur Pigeon parmi ses collègues officiers prisonniers à l'Oflag VII B à Eischstadt (marqué par une flèche) (Photos de M. M. Cailleaux) Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site Jules LEBEAULA MARINE DE GUERRE IMPERIALE ALLEMANDELe 19ème siècle voit une véritable révolution s'accomplir dans les marines de guerre en ce qui concerne tant la propulsion que la construction et l'armement des navires. La propulsion par hélice apparaît, la voile est abandonnée progressivement et les moteurs se perfectionnent sans cesse (vapeur puis diesel au début du 20ème siècle). Le bois fait place à l'acier dans la construction, ce qui permet les puissants blindages des bâtiments de ligne. Parallèlement, l'artillerie voit augmenter sa portée et sa puissance par l'introduction des canons rayés. L'apparition de la mine et de la torpille donne des moyens d'action supplémentaires tandis que la T.S.F., au début de ce siècle, accroît la portée et la sécurité des transmissions. Ces puissantes transformations rendent les marines solidaires de la puissance industrielle des nations et la suprématie navale de l'Angleterre se voit sérieusement concurrencée par celle du 2e Reich qui possède des colonies. Dès 1898, à Dantzig, l'empereur Guillaume II, qui veut étendre l'empire germanique à l'extérieur, proclame : "Notre avenir est sur l'eau", et confie le soin de réaliser ce projet à l'amiral von Tirpitz, ministre de la Marine, qui, en quelques années, fait de l'Allemagne la deuxième puissance navale du monde. Le canal de Suez est ouvert en 1869, Kiel en 1895 et Panama en août 1914. En 1914, la marine impériale se compose de : 14 cuirassés, 35 croiseurs, une centaine de torpilleurs et 30 sous-marins. Le 1er novembre 1914, la flotte allemande du Pacifique (cuirassés Scharnhorst et Gneisenau, croiseurs Nürnberg, Leipzig et Dresden), commandée par l'amiral von Spee, livre combat à l'escadre britannique de l'amiral Cradock qui perd 2 croiseurs (le Good Hope et le Monmouth). Cette bataille se déroule au large du cap Coronet (Chili). L'escadre allemande passe alors dans l'Atlantique pour tenter de rejoindre l'Allemagne et arrive en vue des îles Falkland le 8 décembre 1914, pour y rencontrer une force navale britannique commandée par l'amiral Sturdee. Les Britanniques alignent les croiseurs de bataille Invincible et Inflexible ainsi que 5 croiseurs cuirassés ou légers. Les uns et les autres sont surpris. Les Allemands tentent de fuir mais sont aussitôt poursuivis par les Britanniques qui coulent au canon le Scharnhorst et le Gneisenau, ainsi que les croiseurs Nürnberg et Leipzig. Seul, le Dresden s'échappe, pour être coulé le 14 mars 1915 près de l'île chilienne de Juan Fernandez, dans le Pacifique. L'amiral von Spee coula avec son navire et on se souviendra de son nom dans l'Atlantique Sud en 1939 (le 19 décembre, le cuirassé de poche Admiral Graf von Spee se saborde à l'embouchure du Rio de la Plata, en Uruguay, après un combat avec 3 croiseurs anglais). Les Falklands aussi se sont rappelées à notre souvenir en juin 1982. Depuis la perte de son escadre du Pacifique, la marine allemande reste dans ses ports. En mai 1916, la flotte de haute mer aux ordres de l'amiral von Scheer tente de tromper la surveillance anglaise. L'amiral Jellicoe, commandant la Grand Fleet, prévenu de cette sortie, appareille avec toutes ses forces et croise en mer du Nord. Son avant-garde (amiral Beatty) tombe le 31 mai vers 14 heures sur l'avant-garde de von Scheer, commandée par l'amiral Hipper, qui se replie au sud, poursuivie par les Anglais. Ainsi commence la bataille du Jutland. Vers 16.30 h, les Anglais arrivent en vue du gros de la flotte allemande. A 18.00 h, c'est le contact des 2 escadres. Les Anglais alignent : 28 cuirassés contre 22, 6 croiseurs de bataille contre 5, 33 croiseurs contre 13, 80 destroyers contre un nombre analogue. (Les croiseurs de bataille ont un armement supérieur aux croiseurs légers. Le blindage des croiseurs est faible, voire nul, comparé à celui des cuirassés). Une canonnade confuse s'engage par une très mauvaise visibilité et les Allemands décrochent habilement pour retraiter vers leurs ports où ils arrivent le 1er juin. Les Anglais sont maîtres du champ de bataille mais ont perdu 6 croiseurs, 8 torpilleurs, 6.000 marins. (Quelques noms : HMS Queen Mary, Black Prince, Warrior, Defence, Indefatigable, Invincible, ...) Les pertes allemandes se chiffrent par : 1 cuirassé, 5 croiseurs, 6 torpilleurs, 2.500 marins (SMS Blucher, Pommern, Wiesbaden, Frauenlob, ...) Tactiquement, c'est un succès pour la marine allemande (tir plus précis, bateaux plus solides), mais au point de vue stratégique, les Anglais restent maîtres de la mer. Les cuirassés allemands ne tenteront plus qu'une sortie le 19 août 1916 pour faire demi-tour dès que la flotte anglaise eut été signalée. Le lendemain de la bataille du Jutland, l'amiral von Scheer avait écrit à son empereur : "Une fin victorieuse de la guerre ne peut être obtenue que par la ruine de la vie économique anglaise, donc par l'emploi intensif des sous-marins contre le commerce anglais". L'emploi de l'arme sous-marine s'intensifia suite au blocus allié, ce qui amena finalement l'entrée en guerre des Etats-Unis. Le torpillage du Lusitania, le 9 mai 1915, avait soulevé l'opinion américaine contre les procédés de guerre allemands. Partis en guerre avec 30 sous-marins, les Allemands en construisent 343 et en perdent 185. A la fin des hostilités, 88 sous-marins passent chez les Alliés. Pour détruire le commerce anglais, des bateaux corsaires sont également utilisés avec un succès momentané car une chasse impitoyable leur est faite. Pour mémoire, citons le voilier Seeadler, le navire marchand Möwe, le paquebot Kaiser Willem des Grosse. Le 11 novembre 1918, un armistice est signé avec l'Allemagne pour une durée de 36 jours avec faculté de prolongation et de dénonciation pour insuffisance d'exécution des clauses dans les délais voulus. Quelles sont les clauses navales de cet armistice ? Article 22 : Livraison aux Alliés et aux Etats-Unis de tous les sous-marins (y compris tous les croiseurs sous-marins et les mouilleurs de mines) actuellement existants, avec leur armement et équipement complet, dans les ports désignés par les Alliés et les Etats-Unis. Ceux qui ne peuvent pas prendre la mer seront désarmés de personnel et de matériel et ils devront rester sous la surveillance des Alliés et des Etats-Unis. Les sous-marins qui sont prêts pour la mer seront préparés à quitter les ports allemands aussitôt que des ordres seront reçus par T.S.F, pour leur voyage au port désigné de la livraison et le reste le plus tôt possible. Les conditions de cet article seront réalisées dans un délai de 14 jours après la signature de l'armistice. Article 23 : Les navires de guerre de surface allemands, qui seront désignés par les Alliés et les Etats-Unis, seront immédiatement désarmés puis internés dans des ports neutres ou, à leur défaut, dans des ports alliés désignés par les Alliés et les Etats-Unis. Ils y demeureront sous la surveillance des Alliés et des Etats-Unis, des détachements de garde étant seuls laissés à bord. La désignation des Alliés portera sur : 6 croiseurs de bataille, 10 cuirassés d'escadre, 8 croiseurs légers (dont 2 mouilleurs de mines), 50 destroyers des types les plus récents (Par destroyer, on entend un bâtiment de guerre de moyen tonnage, peu protégé, très rapide, armé d'artillerie de moyen calibre et de tubes lance-torpilles. A l'époque, ces bâtiments sont essentiellement destinés à détruire les torpilleurs, d'où leur nom). Tous les autres navires de guerre de surface (y compris ceux de rivière) devront être réunis et complètement désarmés dans les bases navales allemandes désignées par les Alliés et les Etats-Unis, et y être placés sous la surveillance des Alliés et des Etats-Unis. L'armement militaire de tous les navires de la flotte auxiliaire sera débarqué. Tous les vaisseaux désignés pour être internés seront prêts à quitter les ports allemands, 7 jours après la signature de l'armistice. On donnera par T.S.F, les directions pour le voyage. Application de ces clauses navales. Le 21 novembre 1918, à 9.40 h, la flotte livrée par les Allemands est au rendez-vous face à l'entrée de l'immense baie du Firth of Forth (Ecosse). Cette flotte se composant de 9 cuirassés, 5 croiseurs de bataille, 7 croiseurs légers et 49 destroyers est aussitôt encadrée par près de 300 bâtiments britanniques, 3 américains et 3 français qui les escortent pour se rendre au mouillage face à la ville d'Edimbourg. Des mesures de sécurité sont prises, les Britanniques craignant un acte de traîtrise. La flotte impériale, quasi inerte depuis la bataille du Jutland. est prisonnière. Le 21 novembre, dans la matinée, l'amiral Beatty notifie à la flotte ennemie l'ordre suivant : "Au coucher du soleil, le pavillon allemand sera amené, pour ne plus être hissé sans permission". Cette consigne est ponctuellement exécutée à 15.57 h. On voit descendre de la corne du "Friedrich der Grosse" le pavillon allemand. Il en est de même, au même instant, sur les 69 autres navires. Cette flotte ne reste pas longtemps à cet endroit qu'elle quitte pour arriver à Scapa Flow (archipel des Orcades, au nord de l'Ecosse), le 23 novembre, où elle est internée. Le 21 juin 1919, peu avant midi, le cuirassé "Friedrich der Grosse" réarbore pour la première fois depuis 7 mois le pavillon allemand, au-dessous duquel flotte un drapeau rouge. C'est le signal du sabordage donné par l'amiral von Reuter à tous les autres bâtiments de l'escadre internée. Sauf un, le Frankfurt, tous s'y conforment et peu de temps après, ils commencent à coûter, plongeant par l'avant ou par l'arriére, ou chavirant et ne montrant bientôt plus que leur quille. Pendant que se consomme le désastre, les équipages tentent de gagner le rivage sur des chaloupes en échappant aux navires anglais de surveillance. Ainsi se suicide la flotte de haute mer allemande, juste avant la signature du Traité de Paix, le 28 juin, à Versailles. La flotte française accomplira le même acte en novembre 1942, à Toulon. Mais elle, elle n'était pas prisonnière. Reddition des sous-marins Elle est stipulée à l'article 22 des causes de l'armistice et suit de près la reddition de la flotte de haute mer. Le 24 novembre 1918, sous la surveillance d'avions, de dirigeables et de destroyers, les sous-marins se rendent dans le port de Harwich devenu leur prison. Une exception cependant, le "Deutschland" immatriculé U-155 est interné à Londres en amont de "Tower Bridge", rive droite. Ce sous-marin, appelé "Handels U-Boote", ou sous-marin cargo, a par deux fois traversé l'Atlantique. Il est muni de deux soutes à fret promises au stockage de 350 tonnes de marchandises. C'est pour faire face au blocus des côtes allemandes par la Royal Navy. Quelques noms de navires internés à Scapa Flow :
Frankfurt : était à la bataille du Jutland. Il n'a pas été sabordé car la Royal Navy le récupéra à temps. Il passa finalement aux Américains et fut détruit à l'occasion d'essais de bombardement aériens entrepris par "Billy Mitchell" (Billy Mitchell est ce général américain qui a soutenu que des forces importantes de bombardiers peuvent à elles seules gagner une guerre. La firme américaine North American a mis au point un bombardier d'attaque, le B-25 Mitchell, qui fut le plus utilisé et engagé sur un plus grand nombre de théâtres d'opérations qu'aucun autre appareil allié durant la seconde guerre mondiale. 9.816 B-25, toutes versions confondues, ont été construits. Il est intéressant de signaler que c'est dans la baie de Scapa Flow, le 14 octobre 1939, que fut torpillé le cuirassé britannique "Royal Oak", entraînant 833 marins dans la mort. Cet exploit audacieux, imaginé par l'amiral Dönitz, fut réalisé par le commandant Günther Prien à bord du sous-marin de type VII B et immatriculé U-47. En 13 minutes, une épave anglaise rejoignit celles de la "Hochseeflotte" gisant depuis 1919 quelque distance plus à l'ouest. Scapa Flow a perdu son importance et l'Amirauté britannique a décidé son démantèlement en 1956. Au début de la seconde guerre mondiale (septembre 1939), un autre sous-marin allemand, le U-21, dépose des mines dans le Firth of Forth, dont une endommage le croiseur anglais Belfast. Le Belfast, entré en service le 5 août 1939, fut par après sévèrement endommagé par une mine magnétique le 21 novembre 1940 et immobilisé pour réparations jusqu'au mois de novembre 1942. Le Belfast est actuellement amarré côté rive droite, en amont du Tower Bridge, où il est entretenu et gardé comme musée flottant. Coïncidence ! C'est là, presqu'au même endroit, qu'était interné l'U-155 en 1918. Bibliographie Encyclopédie "Le panorama de la guerre". Publication hebdomadaire d'époque "Le Miroir". Encyclopédie des armes Editions Atten. Grand Larousse encyclopédique. Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site
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