Tome I - Fascicules 7 & 8 - octobre 1981-février 1982
P. STASSEN, Professeur d'Exploitation des Mines à l'Université de Liège, Officier de tir au Fort de Tancrémont
Le Colonel Devos, commandant du fort de Tancrémont pendant la guerre, a publié dans La Belgique militaire du 10 mai 1979, une note intitulée : Tancrémont - 10 mai 1940 - L'effort de titan que réalisèrent les hommes du fort pour le mettre en état de remplir sa mission. Ce récit était dédié par l'auteur à tous ceux qui, le 10 mai 1040, faisaient partie de la garnison du fort de Tancrémont et particulièrement à la mémoire de ceux qui ne sont plus.
Le fort est établi tout près de la chapelle du "Vieux bon Dieu de Tancrémont", au lieu dit "mamelon 300" de l'éperon schisto-gréseux qui sépare les vallées de la Vesdre et de la Hoëgne.
Il domine d'un côté la ville de Pepinster et de l'autre l'agglomération de Theux-Juslenville. Sur les cartes militaires, il porte souvent le nom de fort de Pepinster. Pour ceux qui connaissent moins bien la région, nous préciserons qu'il est situé en bordure de la route qui relie Banneux à Pepinster.
Ce fort fait partie de la position fortifiée de Liège. Le R.F.L. (ou régiment de forteresse de Liège) comprenait huit forts réarmés, soit du nord au sud :
1. Pontisse
2. Barchon
3. Évegnée
4. Fléron
5. Chaudfontaine
6. Embourg
7. Boncelles
8. Flémalle
et quatre nouveaux forts :
1. Eben-Emael
2. Aubin-Neufchâteau
3. Battice
4. Tancrémont (Pepinster)
Sougné-Remouchamps ?
Comblain ?
13-01-1935 - Les Sarrois votent le rattachement à l'Allemagne.
07-03-1936 - Franchissement du Rhin par les troupes allemandes.
14-10-1936 - Première classe de soldats miliciens appelés à Tancrémont.
14-03-1938 - Annexion de l'Autriche.
01 au 07-10-1938 - Annexion des Sudètes.
14-03-1939 - Hitler envahit la Tchécoslovaquie.
23-03-1939 - Hitler entre à Memel (Lituanie).
07-04-1939 - Mussolini envahit l'Albanie.
26-08-1939 - Rappel des miliciens à Tancrémont.
31-08-1939 - Hitler entre à Dantzig.
01-09-1939 - La Pologne est envahie.
13-01-1940 - Chaude alerte en Belgique (avion abattu à Mechelen-sur-Meuse).
10-05-1940 - À 00h00, la Belgique est envahie. Les Allemands entrent à Gemmenich.
Jusqu'au début de la mobilisation, il était plutôt question d'une défense aussi proche que possible de la frontière. Les intervalles des forts d'avant-garde seraient occupés.
À mesure que les mois passaient et que la ligne KW (Anvers-Wavre-Namur) se préparait et se fortifiait, la mission du fort changeait. En mai 1940, il devait soutenir, en appui direct, Ies troupes chargées de mener le combat retardateur et permettre leur décrochage.
Il était un fort d'arrêt. Il disposait pour cela :
Armement
4 canons de 75 mm (soit 2 coupoles de 2 canons jumelés)
3 mortiers de 81 mm
4 canons de 47 mm
26 mitrailleuses jumelées et réversibles
7 fusils mitrailleurs
6 mitrailleuses contre avions
Les effectifs
15 officiers et 2 candidats officiers ; parmi ceux-ci, 1 chirurgien et deux médecins (équipe chirurgicale), 1 aumônier
54 sous-officiers dont 7 dits d'élite
500 brigadiers et soldats dont 10 hommes du génie, 10 télégraphistes, 11 brancardiers
60 hommes et 2 officiers quitteront le fort pour Liers (miliciens de la classe 40)
Réserves de munitions
Coupoles de 75 mm : 7000 obus.
Mortiers de 81 mm : 7000 bombes.
Grenades : 4000.
Mines anti-chars : disposées autour des deux prises d'air extérieures
Charges de dynamite : pour faire sauter les bâtiments si l'ennemi y prenait pied
Fusées éclairantes : des milliers pour surveiller les approches du fort la nuit. Phares dans les coffres flanquant.
Réserves de vivres
Théoriquement 30 jours. Portées à 45 jours.
Transmissions
Réseau de téléphone enterré de la P.F.L.
Liaisons souterraines avec les fortins.
Appareil radio émetteur-récepteur pour liaison avec avions.
Appareil émetteur-récepteur "Radio-Bell" de grande puissance, portée 3000 km en surface, seulement 30 km en souterrain, avec forts amis.
D.L.O. Sous-officiers, brigadiers détachés près des troupes de couverture.
1er Lanciers à Cokaifagne
Haut-Regard (La Reid) - Theux.
Les yeux et les oreilles
7 postes d'observation intérieurs
À l'extérieur
Du sud au nord,
Abri BV7 à Jévoumont
Abri de Mont (avec canon de 47 mm)
Fort
Abri de Vesdre (avec canon de 47 mm)
Abri VM3 à Cornesse
Abri VM29 près de Wegnez
Poste d'observation de campagne
Positions de repli
Mousset
Haute Fraipont
Les Villers
Mamelon 311
La formation de tous les observateurs s'est faite en temps de paix et pendant la mobilisation. Chaque poste d'observation a été doté d'un jeu de cartes sur lesquelles les parties vues et cachées étaient reportées avec clarté et précision. Pour mieux connaître et repérer le terrain, tous les secteurs avaient été parcourus en vélo avec les observateurs, de façon à faire l'épreuve réciproque et à leur montrer comment, du terrain, on voyait leur abri.
Les principaux objectifs probables (carrefours importants, ponts, haies, maisons) avaient été déterminés avec soin. Il fallait absolument avoir dans ces abris des hommes de confiance, courageux, bien au courant de leur mission. Il fallait donc éviter toute mutation pendant la mobilisation.
Dans le journal de campagne du MDL Reul, chef de poste à BV7, il était écrit : "Dès le 17 mai, je détruis les documents de l'abri. Ceux-ci d'ailleurs ne nous ont pas servi à grand chose. Les officiers de tir possédaient une telle connaissance du terrain qu'il suffisait de leur indiquer telle haie, telle maison, tel carrefour, sans coordonnées, pour que l'ouragan d'acier s'abatte immédiatement sur l'objectif repéré et avec quelle précision, un vrai régal pour nous, aux premières loges".
La grande différence entre l'artillerie de campagne et l'artillerie de forteresse réside dans la stabilité de sa position dont les coordonnées sont parfaitement déterminées. Pendant le temps de paix, on peut donc étudier tout le secteur dans les moindres détails, fixer tous les objectifs probables et exécuter tous les calculs, à l'avance, En conséquence, une fiche a été établie pour chacun des objectifs. Sur cette fiche se trouvait :
- une reproduction de la carte aux environs de l'objectif
- une vue perspective
- une vingtaine de colonnes avec les éléments de tir pour chacune des 2 coupoles et une série de conditions météorologiques différentes : direction du vent, vitesse du vent, etc...
Pendant toute la campagne de mai 1940, les conditions météorologiques sont restées extrêmement constantes (au beau fixe) alors que du 4 au 8 mai, les conditions étaient mauvaises, ce qui a fait postposer l'attaque. Tous les calculs des tirs avaient été préparés pendant la mobilisation et achevés au cours d'un travail acharné pendant l'alerte de janvier 1940. Les canons étaient d'une précision extraordinaire. Leur affût est parfaitement stable pendant le tir ce qui n'est pas le cas avec l'artillerie de campagne amenée à changer fréquemment de position.
Dès le 14 janvier, il commence à neiger et, pendant 2 mois jusqu'au 15 mars, une neige abondante recouvrira toute la région. On ne reçoit plus aucune visite des autorités supérieures quand, dans le courant du mois de février, le Roi fit une visite tout à fait impromptue au fort.
La voiture de Sa Majesté avait stoppé à l'entrée du quartier du temps de paix et la sentinelle n'avait eu que le temps de prévenir le chef de poste qui, tout ému, avisa le Capitaine Devos par téléphone. Après les salutations du Capitaine, le dialogue s'engage immédiatement comme suit :
- Comme Commandant du Fort, avez vous des problèmes ?
- Oui, Sire.
- Importants .?
- D'importance vitale,. Sire.
- Et qu'avez-vous fait ?
- Des rapports et un rappel. Sire.
- Commandant, je vous écoute...
Et une longue conversation marqua dès lors l'inspection du glacis d'abord et du massif central ensuite :
- bois de sapins des Mazures beaucoup trop proche des 2 prises d'air
- l'eau dégouline sur tous les murs
- deux alternateurs entraînés chacun par un groupe électrogène de 105 CV (insuffisants)
- eau potable polluée et insuffisante
- refroidissement des moteurs par eau perdue (après 3 jours, manque d'eau)
- une seule cheminée d'évacuation des fumées (3 bouches)
- pas de citerne à gasoil, 170 fûts de gasoil dans les galeries
- recul de la lisière du bois en octobre-novembre 1939
- remplacement des 2 groupes électrogènes de 2x105 CV par 4x130 CV (dont 1 de réserve)
- eau de refroidissement en circuit fermé. Tuyauteries dans les couloirs. Radiateurs placés dans la caserne souterraine et dans le bureau de tir. Les murs sèchent. Le fort devient habitable.
- deux stations d'épuration comportant : 1 appareil stérilisateur à hypochlorite de soude, 1 appareil adoucisseur à acide lactique, 1 appareil filtre adoucisseur
- deuxième cheminée d'évacuation terminée avant le 9 mai, puits non rémblayé
- fermeture de toutes les embrasures des abris d'observation extérieurs
Pour effectuer certains de ces travaux, il avait été nécessaire de construire au préalable une passerelle dont la voie piétonnière était doublée d'une voie de décauviIle. Partant de l'esplanade du casernement du temps de paix, cette passerelle enjambait la ceinture de tétraèdres servant d'obstacles anti-chars, le réseau de barbelés large de 6 m pour arrêter les pionniers ennemis et le fossé évasé en site sec de 10 m de largeur et 6 m de profondeur à cet endroit, séparant le glacis du massif contral. Les hommes avaient donné à cette passerelle le nom de "passerelle d'assaut" qui privait évidemment l'ouvrage de la protection qu'offraient tous ces obstacles de défense passive.
Nuit du 9 au 10 mai à 00.00 Hr exactement. Message spécial du R.F.L. Alerte avec mot de passe autorisant à ouvrir l'enveloppe entreposée dans le coffre-fort du bureau de tir. Les officiers de garde descendent au bureau de tir. Ouverture de l'enveloppe "top secret". On y lit : "Yser-Albert". C'est la guerre.
Il faut brûler les casernements du temps de paix. une demi-heure après, on reçoit confirmation par le P.C. du Major commandant le groupe : les Allemands, sont prêts à franchir la frontière à Gemmenich, ils ont dégagé tous les obstacles sur les routes d'accès.
Tous les hommes descendent chacun leur literie (paillasse et couverture). Déménagement de tout ce qui est nécessaire à la vie du fort dans les cuisines, les cantines. Déménagement de tous les dossiers du Commandant et des officiers entreposés dans les bâtiments du temps de paix.
Matin du 10 mai
Dès 5 Hr du matin, de nombreuses escadrilles d'avions allemands survolent le fort à haute altitude.
À 7 Hr du matin, les casernements du temps de paix sont incendié.
La maison du garde du château des Mazures saute.
- Puits pour exécuter la citerne à gasoil percé le 9 mai dans l'après-midi.
- Passerelle en bois au-dessus des tétraèdres, des barbelés, du fossé.
- Remblayage du puits de la 2e cheminée.
- Fermeture de la brèche dans la galerie.
- Remblayage du 2e puit pour la citerne.
- Destruction de la passerelle en bois.
- Egalisation des terres sur le massif central.
- Dégagement conplet du champ de tir des différents organes.
- À 1 Hr, les portes de la poterne sont fermées aux cadenas.
- Tirs de réglage.
Après-midi
- 14 Hr : Toutes les troupes occupant les intervalles des forts se sont retirées
- Les Lanciers situés au sud ont exécuté les destructions : pont de Marteau (chemin de fer), pont de Polleur (sur la Hoëgne), pont de Limbourg. Nos D.L.O. les accompagnent .
- 17 Hr : Le Lieutenant Poswick du 1er Lanciers remonte à cheval le chemin Julenville-Tancrermont. Il s'arrête au fort. Événements d'Elsenborn.
- Ensuite calme complet. Fausses nouvelles.
- Les colonnes de réfugiés passent encore sur les routes voisines du fort.
- Tir de réglage.
- Fin de matinée, 4 Allemands sur une locomotive de manoeuvre.
- 14 Hr : On apprend la reddition du Fort d'Eben-Emael.
- 15 Hr : Tour d'horizon à la coupole IV. Colonne ennemie monte vers Creppe et sur la route Desnié-Haut-Regard-Route La Reid. Déclenchement immédiat de tirs sur tous ces objectifs.
- 10 Hr : Premier gros bombardement par batterie ennemie.
- 12 Hr : 3 blessés très graves au Mousset.
- 18 Hr : Attaque surprise du fort par pionniers allemands venus de Banneux et du bois des Mazures. Charges creuses sur prise d'air P. Pendant 1 Hr 30 très chaude alerte : baptême du feu.
- Nuit. Extrême vigilance. Fusées éclairantes
- Nuit: tirs intermittents à "boites à balles" dans le bois.
- Journée calme.
- Nuit, canon allemand au-dessus de la rampe de la prise d'air P, pour détruire l'embrasure du FM. C'est lui qui est détruit.
- On ramène dans le fort des morceaux d'obus de gros calibre.
- Fût de chlorure de chaux crevé à BV7.
- Les Allemands ont repéré des boîtes de raccordement au réseau téléphonique enterre.
- Pièces d'artillerie motorisée sur la route Polleur-Franchimont.
- Les Allemands occupent le hameau de Jévoumont.
- Mr. Delfosse et le jardinier du château viennent réconforter les hommes de BV7.
- Les Allemands ont une crainte du fort. Ils n'ont pas repéré BV7
- Un civil rode autour de BV7 ("Joseph, la guerre est finie ! Vive la BeIgique !").
- La fausse ligne téléphonique sauve BV7.
- Prise de l'abri de Vesdre.
- Reprise des tirs sur l'itinéraire des crêtes : Vert Buisson, Johoster, Haut-Regard.
- Nouvelle patrouille allemande pour découvrir BV7.
- Message du Roi aux Forts de Liège : "Officiers, sous-officiers, soldats. Résistez jusqu'au bout pour la Patrie. Je suis fier de vous !".
- Attaque de la maison Crahay par une centaine de soldats.
- Connexion de VM29 coupée. Abri abandonné.
- Tirs vers La Reid-Haut-Regard
- Parlementaires allemands avec les Commandants d'Embourg et de Chaudfontaine. Pas de discussion
- Abri de Mont attaqué. Dégagé par tir.
- Beaucoup de bobards circulent dans le fort.
- Après-midi, BV7 signale rassemblement allemand sur BV6
- Ils foncent sur BV7. Charges creuses. Lances-grenades. Hanquinet tombe sans connaissance.
- Tir du fort. Mise en fuite des Allemands (tranchée, porte cadenassée).
- Deux hommes restent et essaient de mettre une 2ème charge creuse dans le tube lance-grenades.
- Mise on marche du ventilateur, bruit insolite violent. Mise en fuite des Allemands. L'alerte a été chaude.
- Bombardement du fort sans arrêt entre 1 Hr et 4 Hr du matin (obus de 210 nm)
- BV7 tient toujours. Canons de 37 et Mi mis en batterie la nuit. Tirs nourris sur la cloche de visée et sur le béton.
- Entre 2 tirs, nos hommes repèrent les emplacements ennemis.
- Tir du fort : mise en fuite de tous les Allemands (les balles perdues pleuvent sur les toits de Spixhe).
- Les Allemands annoncent au hameau : "Die kleine Festung ist ganz kaput".
- Vers 9 Hr, liaison coupée avec le fort puis rétablie.
- À 12 Hr, nouvelle coupure, définitive cette fois.
- À 18 Hr, sortie des hommes de l'abri en rampant, aucun guetteur ennemi. Ils se faufilent dans l'herbe haute jusqu'au bois, dévalent sur Spixhe, revêtent des vêtements civils. Ces braves et courageux sont. sauvés.
- Les Allemands sont à Abbeville.
- Le fort encaisse obus sur obus.
- À 16 Hr, les observateurs de Haute Fraipont se dispersent.
- Le fort d'Aubin-Neufchâteau est attaqué violemment, il ne lui reste plus qu'un canon. Il tombe dans la journée.
- Tôt dans la matinée, reddition du Fort de Battice. Il nous dit : "Au revoir et bonne chance".
- 11.45 Hr, nouvelle visite des parIementaires (3 officiers allemands, 1 officier belge avec drapeau blanc) : "Que voulez-vous ?" - "Vous engager à vous rendre..." "Le fort est entier. Retirez-vous. Nous continuons la lutte"...
- 15 Hr : nouvelIe visite de parIementaires (3 officiers allemands, le Capitaine Guéry, Comd le Fort de Battice (nous le reconnaissons bien), 1 adjudant du même fort). Le Commandant Devos, dans la cloche du bâtiment I, crie : "Commandant Guéry, retirez-vous, le fort ne se rend pas".
- Nos services de renseignements fonctionnent admirablement, VM3 tient toujour.
- L'abri de Mont est abandonné.
- Le fort est bombardé par les Stukas. Grâce au terrain schisto-gréseux, entonnoirs de 2 m de profondeur seulement. Tancrémont reste seul dans la P.F.L.
- Tirs de harcèlement sur les itinéraires principaux.
- Tirs sur les objectifs signalés à VM3 par les services de renseignement, sur batteries ennemies , sur rassemblements de troupes, hors de nos vues.
- Les bombardements sur le fort continuent.
- On nous fait savoir que les Allemands préparent une attaque de grande envergure sur le fort.
- Jeudi, les Allemands lancent un assaut violent sur BV7. II est vide depuis 3 jours.
- Les incursions allemandes dans les environs de Cornesse sont de plus en plus nombreuses.
- Sur ordre du Commandant, VM3 ne peut plus continuer sa mission. Les hommes se dispersent.
- Les TTR, qui travaillent depuis 3 jours à leur poste émetteur-récepteur, entrent par hasard en contact avec le Fort de Maizeret (Namur). Celui-ci tombe dans la soirée.
- Taincrémont est complètement isolé. Plus aucun poste extérieur.
- Arrmée de campagne probablement sur la Lys.
- Vigilence partout.
- C'est toujours l'axe Haut-Regard qui est pris sous le feu de nos canons; chars, camions, motos, tout est canardé.
- Toujours des bombardements par l'artillerie ennemie, par Stukas.
- On essaie de mettre le feu au bois des Mazures, lancement de flèches avec pistolets "lance fusées".
- On tire sur Louveigné, Wegnez et Haut-Regard.
- Même scénario que le 26.
- Il faut garder le moral. C'est la mort ou la captivité.
- Une charge creuse explose dans le bois (par accident probablement)
- LesTTR ont réussi à augmenter la portée de leur poste, 1er message entendu: "Laissez passer parlementaires sur la route vers Dixmude".
- On tire à boîte à balles toute la nuit, dans le bois (pour déjouer une attaque surprise).
- Quelques heures après, nous apprenons la capitulation de l'Armée.
- Consternation.
- 12 Hr, le Commandant du fort envoie au G.Q.G. de l'armée belge un message demandant Ia conduite à tenir. Réponse : "Reçu votre message 12 Hr. Puis silence.
- Le chef d'E.M., le G.M. Michiels, que nous retrouvons à l'OFLAG de Wolfsberg en Carinthie, affirne n'avoir jamais eu connaissance de ce message.
- "Le Conseil de défense" du fort se réunit le soir (organe consultatif du Commandant).
- Difficulté de maintenir le moral des hommes. Des civils reviennent. Des Allemands les accompagnent. Drapeaux blancs. La guerre est finie. "Ne détruisez plus nos villes", etc... On tire en l'air pour les disperser.
- 19 Hr : Entrevue avec les Allemands pour solliciter ordre du G.Q.G. Parlementaires belges sortent : 1 SLt, 1 MDL, 1 soldat. Retour. Entrevue fixée au lendemain 29 à 9 Hr du matin.
- Nuit calme mais mouvementée dans le fort
- Continuer la lutte ?
- 9 Hr, entrevue du Commandant et du Général Spang (maison de Tancrémont) "Vous n'avez rien à demander, vous avez tout au plus à prier. Si vous continuez la lutte vous et vos hommes, vous vous mettez hors-la-loi et votre fort sera complètement détruit. Tout est d'ailleurs prêt pour cela, l'attaque sera foudroyante".
Réponse du Commandant :
"Je ne suis pas obligé de vous croire. Vos menaces ne me font pas peur. Le fort est intact. La garnison saura se défendre"
L'officier allemand est stupéfait. Il se calme peu à peu. Il répète seulement qu'il n'est plus possible d'obtenir un ordre du G.Q.G. "Il n'y a plus qu'une seule autorité en Belgique", dit-il, "celle de l'Allemagne. Le Roi est prisonnier et son dernier acte au pouvoir a été la capitulation de toute l'armée belge".
Soudain, se dégantant, le Lt.-G. Spang, se met en position devant le Commandant Devos et lui déclare solennellement :
"Je jure sur mon honneur d'officier général allemand que le Roi des BeIges a capitulé sans conditions et donné l'ordre à toute l'armée de cesser les hostilités".
Sur cette affirmation, le Commandant Devos décide de consulter à nouveau son Conseil:de Défense. Il fixe au Général allemand rendez-vous à 11 Hr au même endroit. Après délibération, le Conseil en question entérine, la mort dans l'âme, que Tancrémont doit se conformer à l'ordre royal de reddition.
Aussitôt, ordre est donné de mettre hors service 3 groupes électrogènes sur 4, les armements, les cartes, les tables de tir, les documents secrets.
Le Fort de Tancrémont se rend le 29 mai à 11 Hr, soit un jour et demi après la signature de la capitulation de l'armée belge.
Le Général Spang, aussi ému que le Capitaine Devos abandonne toute raideur et, tenant dans sa main celle de l'officier belge, tente de le réconforter. Il le félicite pour la belle défense du fort, lui dit qu'il avait bien mérité de son pays, puisqu'il s'était rendu sur ordre, que la fortune dans les armes ne peut sourire à tout le monde, etc...
Lachant la main de son interlocuteur, l'officier supérieur se tourne vers le Colonel, allemand qui faisait partie de la délégation et lui donne une série d'ordres :
1. Tous les officiers faisant partie des troupes de siège (infanterie, artillerie) seront rassemblés et rangés à l'entrée du fort. Ils rendront les honneurs aux officiers à la sortie de l'ouvrage.
2. Les officiers du Fort de Tancrémont pourront conserver leurs armes blanches.
3. Le drapeau allemand ne sera hissé sur Ie fort qu'après la sortie du dernier homme.
Le Fort de Tancrémont avait tenu 400 heures et mis de nombreux soldats allemands hors de combat (on dit 2.000).
Et ce fut le départ en captivité...
Le vendredi 17 octobre 1975, à 20.15 Hr, la R.T.B. diffusait la première partie d'une émission historique de Jacques Cogniaux "Les prisonniers de Guerre".
Afin de répondre à la question "Comment devient-on prisonnier?", le réalisateur avait longuement interviewé le Colonel A. Devos, ainsi que deux défenseurs de notre batterie.
Dans la Presse du lundi suivant, on pouvait lire sous le pseudonyme "Vidi" :
"Nous avons surtout retenu de cette période de notre Histoire, que nous découvrions pour la première fois, un symptôme évident de notre ignorance : la résistance du Fort de Tancrémont jusqu'au 29 mai. A-t-on tiré de ce fait exceptionnel toute l'information utile et l'a-t-on diffusée ? Non pas pour susciter un nouveau Verdun, mais pour que soient mieux connus ces "vainqueurs dans la défaite".
C'est pour répondre à cette attente qu'un des interviewés, le poète ensivalois, René Gillis, s'est mis en peine de satisfaire la curiosité de tous ceux qui désirent connaître à ce sujet "ce que la Télévision Belge n'a pas dit".
L'ouvrage a été publié en 1978 avec la bienveillante autorisation de Monsieur Paul Vanden Boeynants, Ministre de la Défense Nationale, qui, par ailleurs a bien voulu donner au dernier point de résistance militaire belge en 1940 le titre de "Monument Historique National". II est remis actuellement à l'Amicale et on peut le visiter.
DEVOS A., Tancrémont - 10 mai 1940, in La Belgique militaire, n° 133, 1979, pp. 3-10.
DE WERGIFOSSE A., Les 409 heures de Tancrémont, Verviers, s.d.
GILLIS R., 29 mai 1940. Tancrémont tient toujours !, Olne, 1970, 185 p.
Date de mise à jour : Vendredi 6 Novembre 2015
Rejoignez notre Newsletter pour être tenu informé de l'actualité du CLHAM
Regard sur l'histoire de l'artillerie (4), par Joseph THONUS.
La chute des forts d'Eben-Emael et de Boncelles vue par la propagande nazie, par Pierre TOUSSAINT.
Pour une étude de l'Histoire et de l'Archéologie militaires, par Pierre ROCOUR.
Découvrez notre 11ème parution
Découvrez notre 10ème parution
Découvrez notre 9ème parution
Découvrez notre 8ème parution
Découvrez notre 7ème parution