Tome IV - Fascicule 6 - avril-juin 1990


Le major IFM Paul Dufour et les siens. 54 noms sur notre monument

Colonel IMM F. GÉRARD, commandant l'As MECA


Notre monument

54 noms sont gravés sur le bronze de notre monument.

Quelle fut la fin tragique de ces membres de la MAE et de la FRC qui tombèrent pour leur pays pendant la Deuxième Guerre mondiale ?



De grands armuriers

Avant la guerre, nos deux établissements, fidèles à la réputation des grands armuriers liégeois, avaient doté l'armée belge d'un armement de qualité : les armes conçues dans leurs bureaux d'études, réalisées dans leurs ateliers, soumises à un contrôle sévère, comptaient parmi les meilleures de l'époque.

Citons :

  • le canon FRC antichar de 47 mm : utilisé sur affût tracté, sur véhicule chenillé Vickers Carden Lloyd ou en casemate, notamment au profit des forts de Liège ou de Namur, ce canon était de premier ordre, capable de percer tous les blindages de l'époque et était supérieur au canon antichar allemand de 37 mm ;
  • le canon FRC antichar de 60 mm : d'une portée de 3000 m, il était l'un des premiers à tirer des obus de rupture dont la vitesse initiale avoisinait les 1000 m/s ;
  • le mortier FRC d'infanterie de 76 mm, capable de soutenir avantageusement la comparaison avec les meilleurs matériels étrangers ;
  • le canon FRC de 120 mm existant en version tractée pour l'artillerie de campagne et sous coupole pour les forts d'Eben-Emael et de Battice.

Mais nos établissements ne se spécialisaient pas seulement dans l'étude et le développement d'armements, ils exerçaient aussi d'autres missions au profit des unités.

Pour les armes de calibre inférieur ou égal à 25 mm, la MAE était responsable :

  • de cinq ateliers régionaux de réparation des matériels (AR) : Bruxelles, Anvers, Gand, Mons, Liège pour les tâches de maintenance ;
  • de deux services de matériels de tir (SMT) : Bourg-Léopold et Elsenborn ;
  • d'équipes de réparation itinérantes détachées dans les dépôts, camps et unités pour les tâches de maintenance ;
  • du centre général d'inspection de l'armement léger ;
  • de l'écolage  (formation des Maîtres-Armuriers) ;
  • du centre d'épreuves et de réception des armes et des petites munitions.

La FRC effectuait aussi des réparations, des transformations de l'armement lourd et elle exerçait sa responsabilité sur :

  • divers ateliers de réparation des matériels (ARM) répartis à travers tout le Royaume (Brasschaat, Bruges, Bastogne, Liège, Casteau, Namur, Lierre) ;
  • des équipes de réparation itinérantes, intervenant surtout au profit des forts et des armements situés dans tout le pays, notamment le long du littoral et dans les Ardennes ;
  • le centre général d'inspection des matériels ;
  • l'écolage et la formation des ajusteurs et militaires spécialistes des ARM ;
  • le contrôle et les réceptions dans les usines.

C'était l'âge d'or des établissements techniques militaires.

Pour illustrer les diverses activités de ces établissements, on trouvera ci-après la première page du cahier spécial des charges établi par la FRC le 8 octobre 1937, en vue de l'adjudication de 17 lots d'obus selon des plans établis par son bureau d'études. Il s'agissait d'une commande pour un total de 189.000 obus destinés à des armements de 47, 75, 120, 150 et 155 mm : du travail pour les contrôleurs de la FRC.



La haute valeur des matériels était non seulement le fruit de la compétence des techniciens mais aussi de l'harmonieuse coopération entre le bureau d'études, les ateliers de fabrication et le service contrôle.

En 1940, la MAE et la FRC comptent environ 900 et 1700 hommes.

Les activités techniques sont conduites par des officiers appartenant au corps des ingénieurs des fabrications militaires, corps créé par la loi du 8 mai 1924. Ces officiers ont très souvent acquis une formation complémentaire dans les universités du pays. Les contacts avec l'École royale militaire et l'Université de Liège sont d'ailleurs très fréquents, notamment sur le plan des essais de résistance des matériaux.

Dès la mobilisation, plusieurs officiers de réserve ont rejoint la MAE et la FRC.

Il y a très peu de sous-officiers, pas de caporaux, de soldats de carrière, de miliciens.

Le personnel de maîtrise et les ouvriers sont formés de techniciens civils, diplômés des écoles industrielles de la région. Beaucoup de civils ont le statut d'ouvriers militaires salariés (OMS) (1) : ils sont soumis aux lois et règlements militaires. Les autres agents ont le statut d'ouvriers civils salariés (OCS). Il y a aussi des agents temporaires, recrutés suivant les nécessités du travail.

(1) Note de la rédaction : Monsieur Jean Mathieu vient, fin 1989, d'être admis à la retraite. C'est le dernier OMS, non seulement de l'Arsenal MECA, mais aussi de toute l'armée belge.

Si nous avons rappelé ici les multiples activités techniques exercées par la MAE et la FRC, c'est pour mettre en évidence l'extraordinaire qualification de leur personnel.

On comprendra aisément pourquoi les Allemands voudront à tout prix mettre un tel potentiel à leur service !


La guerre

Le 10 mai 1940, tous les membres civils montrent leur détermination à servir leur pays aux côtés des militaires et portent tous, et avec grande fierté, un brassard aux couleurs nationales : les OMS portent la lettre "O" sur leur brassard pour les distinguer des OCS.

Le Blitzkrieg surprend les armées alliées, les divisions de Panzers enfoncent le front et roulent à toute allure vers Dunkerque. Dans les airs, la Luftwaffe règne en maître, les Stukas attaquent inlassablement les colonnes militaires qui circulent sur les routes encombrées.

Le personnel de la MAE et de la FRC reçoit l'ordre de rejoindre respectivement Brive-la-Gaillarde (Corrèze) et Roanne (Loire) afin d'y poursuivre leurs activités.

Nos convois par train et par route sont bombardés à plusieurs reprises à Bierset, Oreye, Landen, Tirlemont, Eu et Dieppe.

Le 12 mai 1940 est déjà une journée tragique pour la FRC qui déplorera ses quatre premières victimes tombées sous le feu de l'aviation ennemie.


Brive et Roanne

Beaucoup d'ouvriers âgés ou blessés suite aux attaques aériennes ont voulu rejoindre Brive et Roanne à tout prix : en train, à pied, à vélo, en réquisitionnant des véhicules privés, debout sur le marchepied ou couchés sur le garde-boue des voitures. Les premiers sont déjà arrivés à destination le 14 mai.

Dès le 26 mai, la plus grande partie de ce personnel hautement qualifié est mis à la disposition de l'atelier de construction de Brive (ACB), de la manufacture d'armes de Tulle (à 25 kilomètres de Brive) et de l'atelier de construction de Roanne (ACR).


MAE

1914-1918

1940

Calais et Birmingham

Brive-la-Gaillarde, Tulle


(Corrèze)

FRC

1914-1918

1940

Calais et Sainte-Adresse

Roanne

(Le Havre)

(Loire)

As Ch

1914-1918

1940

Calais et Sainte-Adresse

Surgères

(Le Havre)

(Charente-Maritime)


Dès leur arrivée, les Belges sont accueillis très chaleureusement. Mais les journées de travail sont très longues. À Roanne, par exemple, le travail commence à 05.15 heures et ne s'arrête qu'à 19.15 heures ; il n'y a que deux heures de repos à midi. Le dimanche, le travail finit à 12 heures.

La semaine compte donc plus de 78 heures de travail !

Parmi ces hommes courageux, citons deux exemples :

Henri VLEKKEN

Né à Liège le 29 octobre 1894, Henri Vlekken est un combattant de 1914-1918, invalide de guerre et titulaire de 8 chevrons de front.

Après avoir fait toute la campagne avec l'armée belge, il entre à la MAE. Mais sa santé s'altère au fil des années et, fin 1939, il subit une très longue incapacité de travail due aux séquelles de la Grande Guerre.

Le 10 mai 1940, son état ne s'est pas amélioré mais Henri Vlekken se présente quand même à son établissement.

Il suivra ses camarades sur les routes périlleuses vers le sud de la France. Il arrivera finalement à rejoindre la Corrèze par ses propres moyens mais dans un tel état d'épuisement qu'il devra être hospitalisé immédiatement. Malgré les soins, miné par tant d'efforts inhumains, il expira le 4 juin 1940 et sera inhumé à Brive.

Raymond TITS

Né à Waremme le 19 juin 1912, ouvrier à la FRC, il arrive à l'atelier de construction de Roanne, bien décidé à engager toutes ses forces dans la lutte contre l'Allemagne.

Il participe aux travaux que le personnel de la FRC effectue au profit de l'armée française.

Le 12 juin 1940, il meurt brûlé vif, suite à l'incendie accidentel du char qu'il réparait.

À la fin du mois de juin 1940, nos deux établissements comptent déjà 15 victimes.

Après la défaite de la France, la plus grande partie du personnel rejoint la Belgique, la mort dans l'âme. Certains se replient vers Tarbes mais rentreront au pays en septembre. Une nuit qui s'étendra sur de longues années les attend.

Les ouvriers des deux établissements sont d'abord répartis dans les administrations communales, le chemin de fer, la police, les pompiers, le secours d'hiver...

Le colonel IFM Bertrand, directeur de la MAE, et le major IFM Marchal, directeur de la FRC, rassemblent les membres des deux établissements, leur rappellent leur devoir et leur interdisent de travailler pour l'occupant.


La résistance au travail obligatoire

Jusqu'en mars 1942, les autorités allemandes essayent de convaincre les ouvriers belges de partir librement travailler en Allemagne. Le 6 mars 1942 et surtout le 6 octobre de la même année, ces autorités promulguent deux ordonnances instaurant le travail obligatoire en Belgique.

Un sentiment de résistance naît progressivement au sein des travailleurs et le nombre de réfractaires ne cesse de croître : ceux-ci reçoivent l'aide d'un grand nombre d'organisations tant secrètes qu'officielles.

Après les défaites de Stalingrad et d'El Alamein, Hitler est obligé de mener la guerre totale et l'Allemagne devra puiser de plus en plus dans le potentiel humain des pays occupés.

Étant donné leur compétence en armement, les techniciens de la MAE et de la FRC vont être particulièrement sollicités par l'occupant, afin de travailler dans l'industrie allemande au profit du gigantesque effort de guerre entrepris par Berlin.

Bien renseignés, les Allemands vont chercher à s'attacher par tous les moyens cette main-d'oeuvre hautement qualifiée dans la fabrication et la réparation des armes, non seulement pour la DWM (Deutsche Waffen und Munitions-Fabrik, c'est-à-dire la Fabrique nationale d'armes de guerre de Herstal, directement administrée par l'Allemagne) mais surtout dans les usines du Reich.

Pour échapper aux recherches de l'ennemi, une grande partie du personnel s'engagera dans la clandestinité.


Exemple de tracts distribués par le Front de l'Indépendance


L'armée de l'ombre

Le commandant IFM Paul Dufour deviendra un membre actif du réseau Bayard. D'autres officiers, sous-officiers, volontaires et civils rejoindront l'armée secrète (AS), qui ne portera ce nom qu'en 1944 et qui existait en fait depuis l'été 1940 avec les initiatives du colonel BEM Robert Lentz et du commandant BEM Charles Claser, fondateurs de la Légion belge.

L'AS est la seule formation typiquement militaire de toute la Résistance car son cadre sera essentiellement composé de militaires d'active et de réserve. Ce mouvement mènera l'action clandestine par le sabotage et la constitution de forces militaires qui devront frapper l'occupant au moment fixé par le commandement allié.

Le colonel IFM Bertrand sera l'un des chefs liégeois de l'OMBR, organisation militaire belge de la Résistance ; ce mouvement armé dont le commandant national est Georges Allaert, comptera 3112 résistants dans le pays mais sera très éprouvé par les nombreuses arrestations de ses membres.

Suivant l'exemple du directeur, beaucoup d'ouvriers rejoindront le réseau.

Jean BROCK

Né à Liège, le 1er septembre 1898, Jean Brock est ouvrier maçon à la FRC. Père de famille nombreuse, il avait 2 garçons et 4 filles ; il aurait pu ne prendre aucun risque : les mille et une difficultés de la vie sous l'occupation devaient, en effet, déjà lui poser beaucoup de problèmes.

Un tel raisonnement montrerait cependant une méconnaissance totale des sentiments que l'occupant nazi avait développés chez cet homme profondément épris de liberté. Dès qu'il apprend que la Résistance s'organise, il décide, avec son fils Joseph, âgé de 21 ans, de rejoindre l'OMBR.

Père et fils vont alors déployer une activité incessante et effectueront ensemble de nombreuses et dangereuses missions contre l'ennemi, principalement en exécutant d'audacieux actes de sabotage contre les installations vitales utilisées par l'occupant.

Hélas, l'étau de la Gestapo se resserre lentement sur eux : le 23 novembre 1943, alors qu'ils se rendent en opération de sabotage, ils sont interceptés place Coronmeuse, à deux pas de la FRC, et aussitôt abattus par la Gestapo.

Le 21 novembre 1948, les Anciens de l'OMBR Liège-Ardennes ont élevé à cet endroit, un monument à la mémoire des deux vaillants résistants liégeois.

Capitaine CDM Marcel WASTELAIN

Né le 10 juin 1906 à Morlanwelz, il entre à la MAE comme sous-lieutenant comptable du matériel, le 26 décembre 1932. Le 26 décembre 1935, il est nommé lieutenant CDM.

Pendant la guerre, il exerce diverses activités patriotiques contre les Allemands. Il est arrêté par l'occupant le 13 avril 1942, comme otage, et emprisonné au Camp de Wolfenbüttel, où il sera fusillé le 1er juin 1944.

Le 27 avril 1946, il sera commissionné à titre posthume, au grade de capitaine CDM à la date du 26 mars 1944.

Le quartier de la MAE portera le nom du capitaine CDM Wastelain par décision du Ministre de la Défense nationale (Ordre général n° 89 du 20 février 1950).

Sous-lieutenant Georges PIETTE

Né à Liège le 27 décembre 1907, il entre le 10 octobre 1928 au 8e régiment d'artillerie. Le 29 août 1939, il fait mutation pour la FRC.

Rentré de France le 12 septembre 1940, il est arrêté le 25 février 1944 par les Allemands pour s'être livré à de nombreuses activités patriotiques, déporté au camp de concentration de Gross-Rozen où il perdra la vie le 6 décembre 1944.

Maurice LEMAL

Ouvrier à la FRC, Maurice Lemal est le cofondateur de la section liégeoise des Milices patriotiques. Il se dépensa sans cesse pour amener ses camarades à rejoindre les rangs de ce mouvement.

Un extraordinaire sentiment patriotique fit de cet ouvrier un chef compétent qui dirigea remarquablement de petits groupes dans des actions diverses contre l'ennemi.

Les Milices patriotiques constituées initialement par de nombreuses formations militaires actives et bien organisées, reçurent des renforts considérables grâce au recrutement de réfractaires.

Sous le commandement national du commandant aviateur de réserve Maurice Quinet, le mouvement s'était donné comme mission de déclencher, au moment propice, de nombreuses opérations de guérilla sur l'ensemble du territoire dans le but de couper les communications de l'ennemi et d'anéantir ses formations isolées.

Le nombre de résistants armés reconnus ayant servi dans les Milices patriotiques est de 22.006 : un tiers des effectifs tomba entre les mains de la Gestapo ! Après le débarquement en Normandie, le mouvement accroît considérablement ses actions de sabotage.

Maurice Lemal participe lui aussi aux opérations et redouble ses activités. Hélas, la Gestapo l'arrête en juin 1944 alors qu'il se rendait une fois de plus en mission. Il fut aussitôt déporté en Allemagne et incarcéré dans le sinistre camp de concentration de Neuengamme (2) d'où il ne revint pas.

(2)   Le camp de concentration de Neuengamme fut construit en 1938. 95.500 prisonniers venant de tous les pays d'Europe y furent déportés. Le camp est surtout connu pour sa terrible évacuation lorsque les Alliés s'approchèrent du camp : les prisonniers durent marcher vers Bergen-Belsen, Lübeck, Sandbostel. Certains firent 700 km à pied, moururent de faim ou furent abattus par les SS. Il n'y eut que 500 survivants.

Son activité dans la Résistance fut féconde ainsi qu'en témoigne la citation qui lui valut d'être décoré, à titre posthume, de la Croix de Guerre 1940-1945 et de la Croix de Chevalier de l'Ordre de Léopold II avec palme :

"Promoteur et cofondateur des Milices patriotiques à Liège, attaché au commandement provincial, Maurice Lemal se révéla un recruteur courageux et un chef audacieux.

Son activité dans la Résistance fut remarquable et il assura avec courage et compétence la coordination des différents secteurs ainsi que la liaison avec l'échelon supérieur. Arrêté par la Gestapo au cours d'une mission, il fut déporté en Allemagne et y trouva la mort."

Bel hommage rendu par cette citation à cet ouvrier devenu, du fait de l'occupation allemande, un chef valeureux !

Jacques DELCHEF

Jacques Delchef est né à Liège le 30 juillet 1901. Il entre à la FRC en 1929 comme ouvrier à la division des affûts.

En janvier 1941, il retrouve son ami de la FRC Maurice Lemal en s'engageant dans les Milices patriotiques. Homme d'action, témoignant d'un courage sans limite, il accomplira de périlleuses missions de sabotage et des opérations ayant pour but de pourvoir au ravitaillement des maquisards.

En juin 1944, au moment où les actions contre l'occupant deviennent de plus en plus nombreuses, il est arrêté par la Gestapo. Déporté aussitôt au camp de concentration de Neuengamme, il y trouva la mort le 19 décembre 1944.

Jacques Delchef a été décoré, à titre posthume, de la Croix de Guerre 1940-1945 et de la Croix de Chevalier de l'Ordre de Léopold II avec palme.

La MAE et la FRC perdront 15 des leurs, arrêtés et déportés dans les prisons ou les camps de concentration où ils succomberont aux privations, aux sévices de leurs bourreaux allemands à Gross-Rozen, Wolfenbüttel, Neuengamme, Buchenwald (3), Sandbostel (4), Potenhaven, Wesseling, Lechelich et d'autres endroits restés inconnus.

(3) Buchenwald : camp de concentration construit en 1937. Plus de 50.000 personnes y moururent victimes des atrocités allemandes. Le camp fut libéré le 13 avril 1945 par les troupes américaines.

(4) Sandbostel : camp extérieur au camp de concentration de Neuengamme.

Parmi les victimes de la MAE et la FRC, figurent 15 patriotes déportés dans les camps de la mort du Reich :


Gross-Rozen

Wolfenbüttel

Neuengamme

Buchenwald

Sandbostel

Potenhaven

Wessel

Lechelich

Endroit inconnu

Cdt IFM Paul Dufour, SLt Georges Piette

Lt CDM Marcel Wastelain

Jacques Delchef, Maurice Leman, Arthur Van Duck

Jean Berbuto

Dieudonné Demarteau

Jules Vlieghe

Raymond Lindekens

Charles Fastré

Joseph Bocca, Jules Deses, Lucien Hosmans, Dieudonné Maréchal


Un seul d'entre eux reviendra de cet enfer, Joseph Bocca, de la FRC, mais c'est pour mourir chez lui, à Rocourt, le 29 juin 1946, des suites des terribles souffrances physiques subies dans l'univers Nacht und Nebel.

En Belgique, quatre ouvriers tomberont sous les balles allemandes, à Liège, Hannut et Fexhe-le-Haut-Clocher.

Jules CLOSTER

Le 9 septembre 1944, le VII corps de la 1ère armée américaine, sous le commandement du général Hodges, libère enfin la Cité ardente.

Le personnel de nos établissement ne restera pas inactif et participera aux combats pour Liège : quatre d'entre eux, vêtus de la salopette du maquisard et du brassard aux couleurs nationales, tomberont les armes à la main en luttant pour la reconquête de leur cité.

Parmi eux, Jules Closter, ouvrier de la FRC, né le 23 juin 1912, soldat de l'armée de la libération (AL) depuis 4 ans.

Ce mouvement fut créé à Liège dès la fin de 1940 par cinq patriotes, dont le ministre Antoine Delfosse. Tout en gardant son centre de gravité dans la région liégeoise, l'AL s'étendra petit à petit dans le pays.

À l'instar de l'armée secrète, l'armée de la libération prépare le soulèvement général au moment voulu : l'objectif final est de frapper l'ennemi à revers lors de sa retraite, de harceler ses colonnes en repli et d'accentuer sa débandade entre la Meuse et la frontière.

Jules Closter veut être parmi les premiers Liégeois à frapper les colonnes allemandes qui refluent vers l'est : il se souvient des routes périlleuses vers Roanne sur lesquelles il a été mitraillé par les Stukas, des quatre années d'occupation, du démantèlement de sa fonderie et surtout de ses camarades disparus. L'heure est enfin venue pour lui de monter au combat.

Ses armes aussi sont prêtes, soigneusement entretenues et réglées par un orfèvre en la matière.

Il tombera le 8 septembre, la veille de la libération de sa ville, et n'aura pas le bonheur inestimable de voir le drapeau belge flotter aux côtés de la bannière étoilée sur Liège libérée.

Tout comme son ami de la FRC Henri DUPONT qui est tombé le 4 septembre 1944.

Tout comme deux ouvriers de la MAE : Jean JADOT, tué le 7 septembre et Julien VROONEN, grièvement blessé le 7 septembre et qui succombera à ses blessures le 24 septembre 1944...

Grâce à eux, soldats de l'armée de l'ombre, nos établissements étaient aussi présents dans la glorieuse libération de la Belgique.

Nul doute qu'ils ont bien mérité le titre de Valeureux Liégeois...


L'Hommage de Grands

Le Livre d'or de la Résistance belge, ouvrage publié par la Commission de l'Historique de la Résistance instituée par le ministre de la Défense nationale, a dressé dans l'immédiate après-guerre une première liste des résistants : nous y avons retrouvé sept membres de nos établissements.

Si tous les résistants de la MAE et de la FRC ne s'y trouvent pas, c'est tout simplement parce qu'au moment de la publication de l'ouvrage, certaines commissions officielles de reconnaissance de la qualité du Résistant venaient seulement de commencer leurs travaux.

Nous détaillons ci-dessous les renseignements concernant nos Résistants tels qu'ils figurent dans le Martyrologue de l'ouvrage :


Paul Dufour (Liège)

Jean Brock (Liège)

Jules Closter (Liège)

Joseph Cuox (Wihogne)

Jacques Delchef (Liège)

Dieudonné Demarteau (Herstal)

Arthur Vandijck (Grivegnée)

décédé à Gross-Rozen

abattu à Liège

tué par l'ennemi à Liège

tué à Fexhe-le-Haut-Clocher

décédé à Neuengamme

décédé à Sandbostel

décédé à Neuengamme


Nous empruntons à cet ouvrage le texte de l'"Ordre du jour" que le général Dwight D. Eisenhower adressa "Aux officiers et hommes de toutes les organisations belges de Résistance" au moment où la Belgique était presque totalement libérée. Le commandant en chef du SHAEF rend hommage à ceux qui ont contribué aussi largement à la libération du pays : un hommage adressé aussi à nos Liégeois armés.



Le message se termine par "toutes nos activités, tant à l'atelier qu'au front, doivent être dirigées contre notre ennemi commun".

Dans ses Mémoires, Churchill accordera également une mention toute spéciale aux agents de la Résistance belge.


Belgian L of C Troops Workshops

"Tant à l'atelier qu'au front... " : le message du général sera entendu par le personnel de la MAE et de la FRC.

En effet, dès que le pays est libéré, certains OMS vont se porter volontaires pour former en Grande-Bretagne deux "Belgian L of C Troops Workshops" : ils revêtiront l'uniforme britannique et y subiront le dur entraînement en vue de participer à la destruction finale de l'Allemagne. Ils suivent l'instruction à l'armée britannique à partir d'avril 1945, mais ils n'auront pas l'occasion de combattre, suite à la capitulation sans conditions de l'Allemagne et rentreront en Belgique en juillet 1945 pour former le 31e REME.

Un des leurs, Jean GELLON, de la MAE, perdra la vie en juin 1945 des suites d'un accident de roulage en Angleterre.


Les armes secrètes de Hitler

Cependant la libération de la Belgique par les Alliés ne mettra pas encore fin à la liste déjà longue des victimes de la MAE et de la FRC.

Du mois d'octobre 1944 au mois de mars 1945, 1500 V1 et V2 frapperont l'arrondissement de Liège tandis que le coeur de la ville sera atteint par quelque 200 engins. Au total, 20.500 demeures seront rendues inhabitables et il y aura plus de 2800 maisons complètement détruites.

Mais il y aura surtout 1649 victimes liégeoises, parmi lesquelles figurent 5 membres de nos établissements techniques. Un ouvrier de la MAE trouvera la mort à Anvers le 8 janvier 1945 lors du bombardement de la métropole par les V1 et les V2.

Adjudant de 1ère classe Camille ROMAIN

Né à POULSEUR le 3 décembre 1891, il s'engage à l'armée belge le 2 octobre 1911. À l'issue de la Première Guerre mondiale, il est nommé caporal. Il devient sergent le 19 août 1919. Le 26 juin 1939, il est nommé adjudant de 1ère classe.

Membre de la FRC, il rejoindra l'armée secrète le 15 septembre 1941 et participera activement à la lutte armée contre les Allemands.

Il échappera aux recherches de l'ennemi mais, le 14 octobre 1944, il trouvera la mort, lorsque Liège sera frappée par les V1.

Il s'est vu décerner :

  • la Médaille Commémorative de la Guerre 1914-1918 la Décoration Militaire de 2e Classe
  • la Médaille de l'Yser
  • huit Chevrons de Front
  • la Croix de Guerre avec Palme
  • la Décoration Militaire de le Classe
  • la Médaille d'Or de l'Ordre de Léopold II
  • la Décoration Commémorative du Centenaire
  • les Palmes d'Or de l'Ordre de la Couronne
  • la Médaille de Chevalier de l'Ordre de Léopold II


Un héros du SEDEE

L'engagement du personnel ne s'arrêtera pas avec la libération de tout le territoire national : il est indispensable de débarrasser la région des mines, bombes, obus innombrables laissés dans tout le pays.

Maréchal des logis spécialiste Pierre THOME

Le maréchal des logis spécialiste Pierre Thome est né à Bouge le 28 février 1907. Membre de la FRC, il entre dans la Résistance armée dès son retour de France.

Le 29 décembre 1944, il s'engage au SEDEE (Service d'enlèvement et de destruction des engins explosifs et obstacles) afin de participer au déminage, travail dangereux mais indispensable à la libre circulation des personnes et des véhicules.

En avril 1945, il procède à l'enlèvement de mines et d'obus dans les environs de Bastogne : l'offensive des Ardennes y a laissé une quantité considérable d'engins non explosés ! Pierre Thome sait que dans cette région truffée de bombes, il risque sa vie à chaque instant : il a déjà perdu trop d'amis lors de ces missions qui exigent un sang-froid hors du commun et qui ne pardonnent aucune erreur.

Le 12 mai 1945, il effectue le déminage et le nettoyage de la commune de Sibret, à 5 km au sud-est de Bastogne. À 10.45 h, il a déjà dégagé un grand nombre d'obus et de mines. C'est en transportant une caisse d'engins qu'il perdra vie suite à une effroyable explosion survenue au moment où il la dépose à terre.


54 victimes

À la fin de la guerre, après avoir anxieusement attendu, et en vain, ceux qui avaient été déportés en Allemagne, la Manufacture d'armes de l'État et la Fonderie royale de canons comptèrent leurs morts : 54 victimes ayant donné, avec l'enthousiasme de leur jeunesse ou la raison de leur âge, le meilleur d'eux-mêmes afin que le pays soit débarrassé du péril hitlérien.

Le plus jeune, Barthélemy Darchambeau, avait 29 ans ; le plus âgé, Joseph Mottet avait 60 ans (du moins selon les renseignements disponibles car pour certains membres nous ne possédons ni la date de naissance ni celle du décès).

19 membres de la MAE, 35 membres de la FRC, tombés en Belgique, en France, en Allemagne, en Angleterre... pour notre liberté.

Tel est le lourd tribut payé par deux unités non combattantes dont les effectifs comptaient une majorité de civils.

Tous ces militaires et ces ouvriers qui se sont engagés en grand nombre afin de débarrasser le pays du joug allemand ont droit à toute notre admiration : ils font honneur au drapeau belge de leur brassard.

Nous donnons ci-après la liste complète des 54 membres de la MAE et de la FRC tombés entre 1940 et 1945, ainsi que les renseignements, souvent incomplets, que nous avons pu obtenir à leur sujet.


Nom et Prénom

Établissement

Naissance

Décès

Observations

DUFOUR Paul

Maj IFM (MAE)

6 mars 1896

Janvier 1945

Arrêté par la G.F.P. pour son activité patriotique, fut déporté et mourut au camp de concentration de Gross-Rozen

WASTELIN Marcel

Capt CDM (MAE)

10 juin 1906

1er juin 1944

Arrêté par l'occupant pour son activité patriotique, fut déporté en Allemagne et fusillé à Wolfenbuttel

SOLOT Camille

Capt CDM (FRC)

28 juillet 1900

13 mars 1945

Décédé d'une affection contractée par suite des mauvaises conditions de vie dans lesquelles il vécut afin d'échapper aux recherches de l'ennemi

PIETTE Georges

SLt Aux (FRC)

27 décembre 1907

6 décembre 1944

Arrêté pour son activité patriotique, fut déporté en Allemagne. Il mourut au camp de concentration de Gross-Rozen

ROMAIN Camille

Adjt 1ère Cl (FRC)

3 décembre 1891

14 décembre 1944

Tué par une bombe volante alors qu'il était en service commandé

THOME Pierre

MDL spécialiste (FRC)

28 février 1907

12 avril 1945

Passé au service de déminage après la libération. Victime du devoir, fut tué à Sibret à la suite d'explosion d'engins

BERBUTO Jean

MAE

4 mai 1900

Août 1944

Arrêté par la G.F.P. et déporté au camp de concentration de Buchenwald où il mourut

BERLEUR Louis

FRC

29 juillet 1899

22 mai 1945

Tué en service commandé des suites d'un accident de roulage

BERTRAND Marcel

FRC

15 juillet 1903

12 mai 1940

Tué en service commandé à Bruges lors de l'évacuation de la FRC

BOCCA Joseph

FRC

8 octobre 1911

29 juin 1946

Déporté par les Allemands pour refus de travail, contracta une grave affection dont il mourut un an après son retour

BORLE Laurent

FRC

23 janvier 1893

12 juin 1940

Décédé à Roanne suite aux pénibles conditions de l'évacuation

BROCK Jean

FRC

1er septembre 1898

23 novembre 1943

Membre de l'OMBR abattu par la Gestapo, place Coronmeuse à Liège

CHAUMONT Guillaume

FRC

12 mai 1900

12 mai 1940

Tué à Landen lors de l'évacuation par suite d'un bombardement ennemi

CLOSTER Jules

FRC

23 juin 1912

8 septembre 1944

Membre de l'Armée de Libération, tué lors des combats pour la libération de Liège

CUOX Joseph

FRC

31 août 1906

3 juin 1944

Abattu par la Gestapo à Fexhe-le-Haut-Clocher

DARCHAMBEAU Barthélemy

MAE

11 août 1916

12 août 1945

Estafette motocycliste au 2e atelier d'armée, décédé suite à un accident de roulage survenu en service commandé à Tervuren

DE BLOCK Charles

MAE

1er juin 1895

8 juin 1945

Tué par bombe volante à Anvers

DEBY Henri

FRC

11 octobre 1882

15 juin 1940

Décédé à Roanne

DEJARDIN Pierre

FRC

14 juin 1896

10 janvier 1943

Décédé suite aux conditions pénibles de l'évacuation

DELCHEF Jacques

FRC

30 juillet 1901

19 décembre 1944

Membre des Milices Patriotiques, arrêté par la Gestapo, fut déporté au camp de concentration de Neuengabe d'où il ne revint pas

DEMARTEAU Dieudonné

MAE

3 février 1909

27 avil 1945

Arrêté par la Gestapo et déporté au camp de concentration de Sandbostel où il mourut

DESES Jules

FRC



Déporté en Allemagne pour refus de travail, y décéda

DESOLEIL Jean

MAE

2 février 1892

3 juin 1940

Décédé à Brive

DOTHEE Antoine

MAE


Juin 1940

Décédé à Brive

DUPONT Henri

FRC

9 mars 1889

4 septembre 1944

Tué à Jemeppe-sur-Meuse au cours des combats pour la libération de la ville de Liège

FASTRE Charles

FRC

13 janvier 1895

2 janvier 1945

Arrêté pour refus de travail et déporté à Lechenich où il décéda

FRANCSON Gaston

MAE

9 juillet 1886

17 avril 1941

Décédé suite à l'évacuation

FRANTZEN Théodore

FRC

22 janvier 1886

Mai 1940

Tué à Grandville lors de l'évacuation à la suite d'un bombardement ennemi

FRENAY Jean

FRC

3 janvier 1907

23 juin 1940

Tué à Calais lors d'un bombardement

GAROT Olivier

FRC

21 avril 1894

12 mai 1940

Tué à Hannut lors de l'évacuation à la suite d'un bombardement ennemi

GELLON Jean

MAE


Juin 1945

Décédé suite à un accident de roulage en Angleterre, alors qu'il était en service commandé

GELON Léopold

FRC



Tué par bombe volante à Anvers

GERAERTS Jean

FRC

14 septembre 1890

12 mai 1940

Tué à Hannut lors de l'évacuation à la suite d'un bombardement ennemi

GERON François

FRC

9 oct 1899

12 mai 1944

Tué au cours d'un bombardement de la Luftwaffe

HOSMANS Julien

MAE



Arrêté par les Allemands pour son activité patriotique, déporté en Allemagne d'où il ne revint pas

HOSSAY Isidore

FRC

13 septembre 1897

11 septembre 1944

Tué à Liège au cours d'un bombardement ennemi

KERREMANS Pierre

FRC

15 septembre 1888

12 mai 1940

Abattu par les Allemands à Hannut

JADOT Jean

MAE

10 novembre 1896

7 septembre 1944

Tué au cours des combats pour la libération de Liège

JUVIGNE Léon

FRC



Tué par bombe volante

LECLERCQ Sébastien

FRC


7 septembre 1944

Fusillé par les Allemands

LEJEUNE Louis

FRC



Tué par bombe volante

LEMAL Maurice

FRC



Cofondateur des Milices patriotiques, fut arrêté par la Gestapo, envoyé au camp de concentration de Neuengamme où il mourut

LINDEKENS Raymond

FRC

10 décembre 1901

8 mars 1945

Arrêté pour refus de travail et déporté à Wesseling d'où il ne revint pas

MARCHANDISSE Fernand

MAE

16 juin 1882

13 juin 1940

Décédé suite à l'épuisement dû aux conditions pénibles de l'évacuation

MARECHAL Dieudonné

MAE



Arrêté par les Allemands pour son activité patriotique, fut déporté dans les camps de concentration où il mourut

MARTIN Jules

MAE

17 juin 1900

16 mai 1940

Tué à Vissoul lors de l'évacuation à la suite d'un bombardement ennemi

MOTTET Joseph

FRC

6 mars 1880

21 juin 1940

Décédé à Mably (Loire) suite à l'épuisement dû aux conditions pénibles de l'évacuation

TITS Raymond

FRC

19 juin 1912

12 juin 1940

Décédé à Roanne à la suite d'un accident en service commandé (carbonisé dans un char qu'il réparait)

VANDURME André

MAE

29 septembre 1903

4 novembre 1942

Décédé des suites de l'évacuation

VANDYCK Arthur

FRC

22 juin 1898

13 novembre 1944

Arrêté par les Allemands pour son activité patriotique, fut déporté au camp de concentration de Neuengamme où il mourut

VERCHEVAL Maurice

FRC


26 septembre 1944

Tué par bombe volante

VLEKKEN Henri

MAE

29 octobre 1894

4 juin 1940

Décédé à Brive suite à l'épuisement dû aux conditions pénibles de l'évacuation

VLIEGHE Jules

MAE

1er mars 1894

18 décembre 1944

Arrêté par les Allemands pour son activité patriotique, fut déporté au camp de concentration de Potenhaven où il mourut

VROONEN Julien

MAE

15 mai 1910

24 septembre 1944

Blessé grièvement le 7 septembre 1944 au cours des combats pour Liège, il mourut quelques jours après la libération de la ville



Une oeuvre inachevée

En rédigeant ces lignes afin de faire connaître l'attitude héroïque du major IFM Dufour et des siens, nous avons cependant le sentiment d'avoir réalisé une oeuvre inachevée...

Inachevée, car nous n'avons pas pu retracer la vie de tous ces 54 hommes qui sont tombés pendant ces années tragiques. Pour certains d'entre eux nous n'avons pas pu obtenir beaucoup de renseignements : plus de 40 ans après leur décès, les témoignages sont rares, la plupart des documents les concernant ont disparu...

Inachevée, par manque d'informations, nous n'avons pas pu rendre hommage à ceux de l'Arsenal du Charroi, dont nous sommes aussi les fiers héritiers.

Inachevée enfin, car personne n'a raconté l'histoire de ceux de nos établissements qui ont participé à la lutte contre l'occupant et qui ont eu la chance d'échapper aux bombes, aux pelotons d'exécution, aux camps de concentration.


Inauguration du Monument

Le 1er décembre 1949 (5)

(5) Note de la rédaction : la même année, le 28 mars, avait eu lieu l'inauguration de l'arsenal d'armement. Le ruban symbolique tendu à l'entrée du Quartier avait été coupé par Monsieur Defraiteur, Ministre de la Défense nationale, en présence de nombreuses personnalités. La cérémonie avait eu de larges échos dans la Presse.


1.   54 noms

C'est au début de l'année 1949 que la Commission habilitée à statuer sur les cas de 76 militaires et civils décédés pendant la guerre, retint 54 noms, après une enquête sévère portant sur les circonstances de leur décès.

On décida de construire un monument à la mémoire des 54 victimes : un comité fut créé afin de rassembler les fonds nécessaires, provenant en partie du personnel de l'Arsenal et en partie de quelques personnes amies, extérieures à l'établissement.

Signe des temps, alors que la FRC avait fabriqué différentes statues pour Liège (Grétry, le Cheval de halage, le Dompteur), Bruxelles (les Libertés, la Clémence, la Force), Anvers (Rubens, les Trophées), les plaques et l'insigne IFM en bronze ont été coulés par la Fonderie Cognioul, une entreprise de Charleroi.


2.  La cérémonie

L'inauguration du monument est prévue pour le 1er décembre, journée de l'Arme REME et fête de la Sainte Barbe et de la Saint Eloi.

Le monument avait été conçu et entièrement construit par des membres de l'Arsenal.

Le programme de la journée commence par une messe célébrée à la mémoire des victimes, en l'église de Rocourt, par Monsieur l'Aumônier principal Kerremans.

Dans le Quartier s'effectue ensuite la mise en place des hommes et des véhicules. L'École des candidats gradés REME a fourni un détachement de 30 hommes. 120 membres civils de l'Arsenal, en tenue de travail, portant le béret et le brassard, prennent également place dans le dispositif.

L'Arsenal aligne 32 véhicules : 10 pièces d'artillerie, 4 chenillettes, 4 Daimler, 6 Staghound, 2 Matador et 6 Sherman. 6 véhicules à roues du 33 REME participent également à la cérémonie.

Le corps REME a envoyé diverses délégations, celles de l'As Ch, de l'As Mat, de l'ASIAT, de l'école REME.

La Promotion du major IFM Dufour, la 79 Artillerie Génie a tenu à rendre hommage, par sa présence, à l'ancien sous-directeur de la MAE...

Les enfants des écoles communales et libres de Rocourt ont également été invités à l'Arsenal.

À 10 heures, les autorités militaires, civiles et religieuses, les membres du personnel, les délégués d'associations patriotiques et les parents des victimes se rassemblent près du monument.

La presse civile et militaire est également présente (en annexe 6, l'article paru dans le journal La Meuse).

Dans la tribune, on note la présence de M. Tschoffen, Ministre d'État, de Monseigneur Kerkhofs, Évêque de Liège, de 17 généraux, de 3 sénateurs et de 2 députés...

À 10.15 h, les clairons saluent l'arrivée du Lieutenant-Général Van Sprang, représentant le Ministre de la Défense nationale.

Le lieutenant-colonel IFM Dupuis(6), Commandant de l'As ARM, évoque d'abord la bravoure et la courageuse résistance des 54 membres de la MAE et de la FRC tombés pour la Patrie.

(6) Officier d'artillerie, issu de la 82e promotion Artillerie et Génie, Antoine Dupuis avait été affecté au régiment de forteresse et avait servi aux forts de Fléron et de Suarlée. Admis dans le corps des IFM, il avait rejoint la FRC et acquis le diplôme d'ingénieur radio-électricien de Montefiore. Il avait participé en tant que chef du bureau d'études au développement du mortier 76 mm, du célèbre canon 47 mm et du canon de casemate de 60 mm.

Résistant armé, il avait été arrêté par la Gestapo et interné comme prisonnier politique d'abord, comme prisonnier de guerre ensuite.

Après avoir commandé l'arsenal d'armement, le général-major IFM Dupuis deviendra chef du Service général des achats, commandant du Centre d'études militaires, puis assurera, de 1950 à 1958, au sein de l'OTAN, la présidence du Comité d'étude des aciers pour armes.

Le lieutenant-général Van Sprang dévoile ensuite le monument, puis exalte à son tour le sacrifice des victimes et rappelle le souvenir du major IFM Paul Dufour et du capitaine CDM Marcel Wastelain, dont les noms seront respectivement donnés aux Quartiers de l'As ARM et de la MAE.

Après la bénédiction du monument par Monseigneur Kerkhofs, deux ouvriers procèdent à l'appel des morts.

De nombreuses couronnes de fleurs sont déposées par les Autorités, les familles et les diverses délégations.

Au nom des familles, la veuve d'une des victimes prononce ensuite quelques mots de remerciements aux organisateurs de l'émouvante cérémonie.


3.  Le défilé

Puis les autorités et les invités assistent au défilé de la Musique de la Brigade aéroportée, des enfants des écoles de Rocourt, des associations patriotiques, du détachement de l'école REME, du détachement des membres civils de l'As ARM, des véhicules à roues du 33 REME et, enfin, des 32 véhicules de l'As ARM.


4.  Vin d'honneur

Après la visite des installations, un vin d'honneur est servi aux Autorités et aux familles : on évoque longuement la mémoire des 54 héros.

C'était le 1er décembre 1949...


Liste des abréviations

ACA

Atelier Central d'Armement

ACB

Atelier de Construction de Brive

ACR

Atelier de Construction de Roanne

AIA

Association royale des Ingénieurs issus de l'école d'application

AL

Armée de Libération

AR

Atelier Régional de Réparation des Matériels

ARM

Atelier de Réparation des Matériels

AS

Armée secrète

As ARM

Arsenal d'Armement

As Ch

Arsenal du Charroi

AsIAT

Arsenal des Instruments et des Appareils de Télécommunications

As Mat

Arsenal du Matériel

As MECA

Arsenal du Matériel Mécanique et de l'Armement

BB

Brise et Brotte (noms de guerre des fondateurs du service Bayard)

BEM

Breveté d'état-major

CDM

Comptable du matériel

DCA

Défense Contre Aéronefs

DCMG

Direction centrale du Matériel de Guerre

DWM

Deutsche Waffen und Munitionsfabrik

ERM

École royale militaire

er

en retraite

FRC

Fonderie royale de Canons

GFP

Geheime Feldpolizei

IFM

Ingénieur des fabrications militaires

IMM

Ingénieur du matériel militaire

L of C

La signification de L of C étant inconnue, il est fait appel à nos lecteurs pour expliquer cette abréviation

MAE

Manufacture d'Armes de l'État

OCS

Ouvrier civil salarié

OMB

Organisation militaire belge de la Résistance

OMS

Ouvrier militaire salarié

REME

Royal Electrical and Mechanical Engineers

SEDEE

Service d'enlèvement et de destruction des engins explosifs et obstacles

SGARA

Service général des Agents de Renseignements et d'Action

SMT

Service des Matériels de Tir

SRA

Service de Renseignements et d'Action

US RA

Union des Services de Renseignements et d'Action

V1, V2

Vergeltungswaffe 1, 2 (arme de représailles)



In Memoriam

Nous sommes partis de la pierre et du bronze de notre monument pour aller à la recherche de 54 noms, de 54 vies généreuses : nous avons ainsi pu découvrir l'extraordinaire richesse de la part de l'homme...

Tous les mois, les militaires de l'Arsenal se retrouvent face au Mémorial pour le salut au drapeau.

Chaque année, à l'occasion de la Sainte Barbe et de la Saint Eloi, devant le personnel civil et militaire réuni, le chef de corps et le président de l'Amicale des Anciens fleurissent le monument et rendent ainsi hommage à ceux de la MAE et de la FRC qui, sans aucun doute, ont écrit la plus belle page de l'histoire de l'Arsenal.

Tous les jours aussi, nous passons régulièrement devant notre Mémorial : puissions-nous nous souvenir de leur exemple, de leur motivation sans limite.

En nous inspirant de l'admirable ouvrage de Henri Bernard : "La Résistance 1940-1945", nous conclurons à l'intention des membres de l'arsenal du matériel mécanique et de l'armement, héritiers de ces grands établissements techniques et fiers à juste titre d'une aussi noble ascendance : puissions-nous ne pas oublier que notre pays doit beaucoup à ces hommes-là : à celui qui fut mitraillé sur les routes qui menaient à Brive et Roanne ; à celui qui prit tout les risques pour protéger ses ouvriers ; à celui qui regarda dans les yeux les soldats du peloton d'exécution ; à celui que les Allemands laissèrent pour mort dans leurs chambres de torture ; à celui qu'ils exécutèrent sans jugement parce que la défaite approchait ; à celui qu'on assassina à Gross-Rozen, à Neuengamme, à Buchenwald ; à celui qui revint pour mourir dans un sanatorium ; à celle aussi, dont les cheveux ont blanchi en une nuit ; à celui qui tomba, les armes à la main, la veille de la libération de sa cité ; à celui dont le corps a été déchiqueté par la mine qu'il tentait de désamorcer.


Bibliographie

BERNARD Henri, La Résistance 1940-1945 ; ouvrage dont nous sommes largement inspiré pour décrire les divers mouvements de Résistance.

Livre d'Or de la Résistance belge, éditions Leclercq.

VAN ECK Ludo, Le Livre des Camps, éditions Kritak.

BERNARD Henri, L'Armée secrète 1940-1945.

GÉRARD-LIBOIS J., GOTOVITCH José, L'An 40, la Belgique occupée.

HALKIN L. É., À l'ombre de la mort.

LÉONARD Pierre (Col.), Histoire de l'Arsenal du Matériel Mécanique et de l'Armement.

SLt élève MELIGNON ERM, Résistance au travail obligatoire, 1970.

SLt élève LEGAT ERM, La Bibliographie du Commandant BEM Charly Claser, 1963.

LEMOINE André H., V1 sur la Belgique.

Bulletin mensuel de l'AIA, n° 63, mars-avril 1986.

Allocutions du Colonel IFM Mottard (1966, 67, 68, 69, 70).

Allocutions du Colonel IFM Legros (1971, 72, 73).

Centre de Documentation et Bibliothèque centrale de la Défense nationale.

Centre de Documentation historique.

Archives de l'As MECA.


La suite de l'ouvrage paraîtra dans un prochain bulletin et comprendra les récits d'anciens membres de la MAE et de la FRC.


Date de mise à jour : Mardi 24 Novembre 2015