Tome III - Fascicule 3 - juillet-septembre 1986


Construction des forts de la Meuse de l'époque Brialmont (1888-1891)

André GANY


Avant-propos

Cette notice a essentiellement pour but de faire connaître au public intéressé la manière dont a été réalisée la double ceinture de fortifications autour de Liège et Namur en 1888-1891, telle que l'ont conçue et voulue les autorités militaires belges de l'époque.

La vérité historique oblige à reconnaître qu'il s'est agit là d'une véritable révolution technologique et stratégique.

Mariant pour la première fois en fortification le béton de ciment et la coupole blindée en une réalisation de grande ampleur, notre pays a fait à l'époque figure de pionnier.

Dans les pages qui suivent, l'intérêt s'est porté sur les différentes facéties de la construction des massifs bétonnés. C'est ainsi que seront évoqués successivement les plans initiaux, les problèmes d'approvisionnement en matériaux et ciment, les techniques employées pour le coffrage et le bétonnage...

Cette construction qui constitue une sorte de "première" mondiale est due essentiellement à la ténacité, à l'ampleur de vue et à la compétence technique du Lieutenant-Général Brialmont, à l'appui inconditionnel du Roi Léopold II, aux efforts des exécutants civils et militaires qui ont mis tout leur savoir-faire au service de ces ouvrages essentiels pour la défense de la Belgique.

Je tiens à remercier les personnes et organismes suivants pour leur aide précieuse :

  • Monsieur Degrijse, Conservateur adjoint au Musée royal de l'Armée ;
  • Colonel BEM van Ruychevelt, Directeur du Service de l'Historique des Forces Armées belges ;
  • Le Service général des Constructions militaires dans le chef de ses 3e et 8e Directions régionales ;
  • Le Centre liégeois d'Histoire et d'Archéologie militaires.


Chapitre 1 - Les prémisses


1. Préambule

L'artillerie allemande avait fait après 1883 au polygone de Cummersforf des tirs avec obus-torpilles prouvant qu'aucune des voûtes (en maçonnerie) construites jusqu'alors ne résistait au choc et à l'explosion de ces obus.

Mais rien ne transpira du résultat de ces épreuves.

En 1886, les effets d'un tir exécuté contre le fort de la Malmaison avec des mortiers rayés de 220 lançant des obus de 5 calibres de longueur chargés de mélinite parurent si effrayants qu'on en conclut que le temps de la fortification permanente était passé...

Pour arriver à une conclusion pratique, on jugea nécessaire d'exécuter de nouveaux tirs avec les mêmes bouches à feu et les mêmes projectiles contre une voûte en béton de ciment de 1,50 m d'épaisseur construite sur le polygone de Bourges. Ces expériences n'étaient pas terminées quand, le 1er janvier 1887, nous fûmes chargés de faire les projets de têtes de pont de Liège et de Namur...

Mais nous en savions assez pour être convaincu que désormais on ne pourrait plus créer des forts en état de résister aux nouveaux moyens d'attaque sans employer du béton de ciment de Portland pour les voûtes et sans protéger au moyen de coupoles sinon la totalité au moins une grande partie de l'armement (1).

(1) Lieutenant-général BRIALMONT, Progrès de la défense des États et de la fortification permanente depuis Vauban, 1898.


2. Décision gouvernementale

Les prémisses de la construction des fortifications sur la Meuse remontent à la parution en 1882 d'un ouvrage du Général Henri Alexis Brialmont consacré à la Situation militaire de la Belgique. Le Général y propose en effet la création d'une ceinture de forts modernes autour des villes de Liège et Namur afin de contribuer à la défense de la neutralité de la Belgique.

Le 31 décembre 1886, le Ministre de la Guerre invite le Général Brialmont à lui faire des propositions fermes à ce sujet.

Le 1er février 1887, le Lieutenant-Général Brialmont, Inspecteur général des Fortifications et du Corps du Génie transmet au Ministre de la Guerre les plans-type du fort qu'il propose d'adopter pour les têtes de pont de Liège et Namur.

Y est joint un devis estimatif de la dépense à faire pour la construction de ces ouvrages.

Voici la description des défenses que Brialmont propose au Gouvernement : "Les forts eux-mêmes sont fort simples : un massif central, en béton, protégeant le bureau de tir - centre nerveux du fort - ainsi que des magasins et des coupoles pour canons de 15 et de 12 et des obusiers de 21. Autour de ce massif, un triangle, également en béton, couvrant des galeries dans lesquelles les fantassins attendent l'assaut à l'abri du canon, est surmonté d'un rempart d'où les défenseurs, à coups de canons-revolvers, mitrailleuses et fusils, faucheront l'assaillant cloué sur place par les "barbelés" ceinturant l'ouvrage. Aux angles du rempart triangulaire, des coupoles à éclipse joignent leur feu à celui des fantassins pour la défense rapprochée. Si, d'aventure, le bombardement de l'ennemi a eu raison des barbelés, l'assaillant, descendu dans le fossé, y sera pris de flanc par le canon des canonnières ou caves à canons. Enfin, un personnel d'observation, répandu dans les clochers du voisinage, sur les points dominants, près des carrefours, suit, téléphone à la main, la marche de l'adversaire, afin de déclencher au moment propice le tir du fort".

Ce système défensif résiste aux pièces de 220 utilisées par les armées allemandes et françaises à cette époque.

Le 1er juin 1887, après des débats difficiles et houleux, le Parlement belge approuve le concept défensif et vote les crédits nécessaires à sa réalisation, soit 24 millions de francs-or.

En fait ce montant sera rapidement revu à la hausse, compte tenu des expériences de la Malmaison et de Bourges pour s'établir à 54 millions de francs-or, le 10 avril 1888.

Près de 4 ans plus tard, les travaux étant terminés, le décompte final plafonnera à 71,6 millions de francs.


3. Mise en adjudication des travaux

Le 1er mars 1888, Brialmont transmet les pièces nécessaires à la mise en adjudication au Ministre de la Guerre par note manuscrite. Cette note contient essentiellement les devis et cahier des charges plus quatre bordereaux de prix (il s'agit en effet, d'un marché à bordereaux de prix !).

Le cahier des charges numéroté 20869 reçoit l'approbation du Ministre le 1er avril de la même année.

Appel est alors fait aux soumissionnaires belges et étrangers.

L'ouverture des offres a lieu le 8 mai 1888 à Liège au siège de la 4e Direction des Fortifications.

Dans l'entre temps, l'implantation exacte des différents ouvrages est définie et les terrains nécessaires sont acquis par actes de vente passés devant les Gouverneurs de province intéressés et transcrits à la Conservation des hypothèques.

On procède également aux travaux de topographie et de sondage indispensables.


4. Firme adjudicatrice

Le 1er juillet 1888, l'entreprise est adjugée dans son entier aux entrepreneurs français Adrien Rallier, Letellier Frères et Jules Baratoux.

Cette firme installe immédiatement son PC à Liège.

Dès le 12 juillet, les premières instructions de service sont diffusées et le premier "coup de pelle" est donné le 28 juillet suivant.


Chapitre 2 - Construction des forts


1. Objet et nature de l'entreprise - Ampleur des travaux

a. L'objet de l'entreprise, aux termes du cahier des charges, consistait dans la construction de 12 forts défendant la vallée de la Meuse autour de Liège, à savoir : les forts de Pontisse, Liers, Lantin, Loncin, Hollogne et Flémalle, situés sur la rive gauche du fleuve ; et ceux de Barchon, Évegnée, Fléron, Chaudfontaine, Embourg et Boncelles, situés sur la rive droite ; et de 9 forts défendant les vallées de la Sambre et de la Meuse autour de Namur, à savoir : les forts de Malonne, Saint-Héribert, Suarlée, Émines, Cognelée et Marchovelette, établis sur la rive gauche de la Meuse ; et ceux de Maizeret, Andoy et Dave, établis sur la rive droite.

Ces forts répondaient à deux schémas différents, le schéma triangulaire et le schéma quadrangulaire selon la configuration géomorphologique des sites choisis.

b. Les travaux comportaient essentiellement :

- les déblais et remblais nécessaires pour l'établissement des ouvrages d'art et la confection des glacis ;

- la construction d'ouvrages d'art comprenant des locaux voûtés pour logements, magasins et batteries, des massifs en béton pour protéger les coupoles, des gaines de communication, des revêtements en décharge et des murs de soutènement ;

- la construction de puits, citernes, égouts, aqueducs, etc. ;

- le détournement de chemins pavés et empierrés existant à l'emplacement des forts.

L'ensemble comportait approximativement, en dehors des fournitures diverses de pierres de taille pour escaliers, couronnements de murs, encadrements de portes, etc., ainsi que de ferrures pour les bâtiments, et de pavages ou empierrements pour les routes à détourner, les quantités suivantes :

Désignation des sections

Terrassements

Maçonneries

de béton

de ciment

Maçonnerie de briques

Enduits

au mortier

de ciment

Aires

au mortier

de ciment


(M³)

(M³)

(M³)

(M³)

(M³)

Liège (rive gauche)

775.000

295.740

4.920

164.500

21.150

Liège (rive droite)

705.000

305.400

7.800

171.200

21.180

Namur (rive gauche)

820.000

328.000

6.130

195.760

20.180

Namur (rive droite)

420.000

145.000

2.758

76.000

9.330

Totaux

2.720.000

1.074.140

21.608

607.460

71.840



2. Les contraintes

a. L'entreprise des forts de la Meuse posait un certain nombre de problèmes spécifiques.

- Celui tout d'abord des quantités très importantes de matériaux à mettre en oeuvre.

- Celui ensuite de la dispersion géographiques des sites choisis pour l'implantation des forts, sites généralement placés sur des points dominante du terrain le plus souvent éloignés des voies de communication traditionnelles.

- Mais la condition la plus défavorable était la courte durée imposée pour l'achèvement des deux enceintes.

Cette durée n'était que de trente mois, sur lesquels l'entreprise ne pouvait guère disposer que de quinze mois de travail effectif pour l'exécution des maçonneries, parce que cette opération devait être précédée de terrassements considérables, et de la mise en oeuvre des installations nécessaires aux services des approvisionnements.

Examinons successivement chacune de ces contraintes.

b. Approvisionnement en matériaux

- Les sables et galets provenaient généralement de draguage en rivière (Meuse, Ourthe, Sambre).

Il a donc été nécessaire de prévoir une flottille suffisante de dragues, remorqueurs et barges.

Le gravier était livré à l'emplacement des forts par le moyen de transport le plus rapide et le moins coûteux.

- La fourniture des ciments qui s'élevait au chiffre énorme de près de 300.000 tonnes, soit 30.000 wagons de 10 tonnes chacun, et devait être livrée dans les délais nécessaires pour arriver à terminer les travaux en trente mois posait évidemment un énorme problème. Cinq usines dont deux françaises, la Compagnie nouvelle de ciments de Portland du Boulonnais et la Société des ciments français de Boulogne-sur-Mer et de Desvres, et trois belges, la Société de Niel-on-Ruppel, MM. Dufossez et Henry, et MM. Locose et Lévie, de Cronfestu, ont concouru à cette fourniture. Il a fallu répartir la fabrication suivant ce que chaque producteur pouvait fournir, et en tenant compte de la situation topographique des usines, de manière à économiser les transports.

- Pour les bois, on devait tabler sur un cube approximatif de 800 mètres pour chaque fort, sans compter les réemplois.

- Il fallait, en outre, les bois et planches nécessaires pour les nombreux baraquements à édifier dans chaque fort, pour les estacades et les ponts de la ligne stratégique et des plans inclinés. L'Entreprise eut recours, pour ces approvisionnements, aux fournisseurs du pays, et fit venir du Havre à Anvers, par expéditions complètes, les bois qui lui appartenaient.

- Les briques, qui devaient être employées à la construction des 22.000 mètres cubes de maçonneries pour murs et égouts, ont été commandées sur les lieux ou fabriquées à proximité des forts, quand on y a rencontré des couches de bonne qualité.

- Les carrières de l'Ourthe ont donné la pierre de taille nécessaire.

- L'eau enfin était puisée sur place ou amenée depuis la rivière la plus proche par conduites de refoulement.

c. Approvisionnement en matériaux

L'importance considérable des travaux à exécuter sur chaque chantier, tant pour les terrassements que pour le coulage du béton, la répartition des chantiers sur des circuits, l'un de 60 kilomètres à Liège, l'autre de 40 kilomètres à Namur, feront aisément concevoir la nécessité qui s'imposait dès l'origine, à l'entreprise de réunir un matériel considérable.

Il s'agissait en effet de construire et d'exploiter pour le service des approvisionnements, 100 kilomètres environ de chemin de fer à voie de 1 mètre (dénommé "Voie stratégique") et d'assurer l'exécution de terrassements s'élevant à plus de trois millions de mètres cubes, concurremment avec la fabrication et le coulage d'environ 1.200.000 mètres cubes de béton.

Le matériel réuni et mis en oeuvre sur les chantiers ne comportait pas moins de 60 locomotives, 75 locomobiles ou machines fixes et 2.000 wagons.

Une bande de terrain de 12 mètres de largeur reliant les forts entre eux à l'exception des forts d'Embourg et de Boncelles (Liège), et des forts de Saint-Héribert et de Malonne (Namur), devait être mise gratuitement par l'État à la disposition de l'entreprise dans un délai de trois mois à compter du jour où elle aurait pris cours.

Les entrepreneurs étaient autorisés à exécuter à leur frais, sur cette bande de terrain, les travaux nécessaires pour y établir telles voies qui leur conviendraient, pour desservir les différentes sections des travaux.

Par suite des retards survenus dans la livraison de la bande de terrain qui devait assurer la communication entre les différents forts, le terme d'achèvement des travaux a ultérieurement été prorogé de six mois, et porté au 28 juillet 1891.

d. Application au cas de la position fortifiée de Namur

- Les forts de Malonne et de Saint-Héribert que leur situation entre Sambre et Meuse séparait du reste des ouvrages, et pour lesquels le cahier des charges spécifiait d*ailleurs l'isolement au point de vue de la route militaire, ont été pourvus d'installations spéciales.

Elles ont consisté en un chemin de fer aérien de 1.000 mètres de développement élevant les matériaux nécessaires aux deux forts de la vallée de la Sambre en face de la station de Flawinne sur le chemin de fer de Charleroi à Namur à la cote (85 m) jusqu'au fort de Malonne à la cote (200). Les sables et galets extraits du lit de la Sambre étaient rangés, après triage, le long de la rivière, sur la rive gauche en aval de l'écluse de Flawinne, et le chemin de fer aérien franchissait la partie canalisée pour atteindre les pentes des bois de la Vecquée, où se trouve le fort.

Les ciments y étaient montés par le même procédé et étaient pris aux magasins installés par l'entreprise à la gare de Flawinne. La capacité de transport du chemin de fer aérien atteignait 800 tonnes par jour.

Ces divers matériaux se déchargeaient sur les voies de la gare du chemin de fer aérien pour le service du fort de Malonne, ou bien étaient directement déversés dans des grands wagons s'ils devaient être employés au fort de Saint-Héribert. Une voie ferrée établie à ses frais par l'entreprise et dont le développement atteignait 7 kilomètres, reliait les deux chantiers.

- Pour le fort de Suarlée, l'entreprise a trouvé plus avantageux de profiter du voisinage de la gare de Rhisnes, sur la ligne de Namur à Bruxelles, que de recourir à un prolongement de la route militaire au delà du fort d'Émines. Le raccordement était à voie normale et avait 2.500 mètres de longueur ; il amenait au fort sans transbordement, les ciments qui venaient par la voie ferrée. Celle-ci transportait également les sables et galets qu'elle prenait par un raccordement aux cavaliers de dépôts établis sur le quai de Namur en amont du pont du Luxembourg, et alimentés par les installations de draguages fonctionnant sur la Meuse en aval de la ville, vers Samson.

- En ce qui concerne les trois forts d'Émines, Cognelée et Marchovelette, l'approvisionnement des ciments s'effectuait à l'aide d'un raccordement de la voie stratégique avec la ligne de Namur à Tirlemont près de Cognelée. Ce dernier fort possédait des ateliers et des magasins généraux, et servait de centre d'approvisionnement au groupe.

Les sables et galets étaient fournis par le dépôt établi à Namur.

- Les 3 forts de la rive droite (Maizeret, Andoy et Dave) ne formaient qu'un seul groupe. L'approvisionnement des sables et galets se faisait à l'aide d'un plan incliné qui venait prendre les matériaux déposés en cavaliers à Samson sur la Meuse, et les amenait au fort de Maizeret. Ils étaient ensuite transportés aux deux autres forts par la voie stratégique. Quant aux ciments, ils arrivaient au dépôt de Naninne situé sur le chemin de fer de Namur à Arlon, auquel est raccordée la voie stratégique.

Le fort de Maizeret, qui servait de tête de ligne, était pourvu d'ateliers de réparations.

- Quant à l'alimentation d'eau, elle était assurée : à Malonne par une prise dans la Sambre avec refoulement en conduite forcée; à Saint-Héribert par un captage et refoulement des eaux souterraines de la vallée qui fait face au fort; à Suarlée et à Émines par le puits Sainte-Barbe creusé dans le plateau de Frizet, avec refoulement; à Cognelée par une nappe d'eau souterraine dont on refoulait une partie pour desservir le fort de Marchovelette ; à Andoy et Dave, par une prise d'eau en Meuse via Maizeret.

e. La main d'oeuvre

Hormis les cadres propres à l'entreprise, toute la main d'oeuvre banalisée a été recrutée localement.

Les journaux namurois de l'époque citent les chiffres de 3.000 à 5.000 ouvriers pour l'ensemble de la position fortifiée de Namur soit 4 à 500 par fort. La grosse majorité des charpentiers, menuisiers, maçons, mécaniciens, terrassiers... était belge mais 14 % de la main d'oeuvre était composée d'étrangers.

Le salaire journalier oscillait entre 3 et 5 fr.

La présence d'une telle quantité de personnes étrangères dans les villages des alentours n'a pas été sans inconvénient pour la population locale (vol, maraude, bagarres,...).

Le nombre d'accident s'est élevé à 38 dont 10 tués. Causes habituelles : éboulement, explosion, effondrement de voûtes ou passerelles...


3. Exécution des travaux

a. Organisation générale

Les caractères communs que présentaient les travaux à exécuter dans les 21 forts ont conduit les entrepreneurs à étudier pour les chantiers une organisation générale susceptible de réaliser à la fois la facilité de conduite pour le service central, la rapidité dans l'exécution, et l'emploi économique des moyens d'action.

Les principes généraux adoptés pour toutes les installations du matériel de fabrication sont exposés de la manière suivante dans l'ordre de service donné par M. Adrien Hallier à ses agents, en date du 12 juillet 1888 :

Ordre de service du 12 juillet 1888.

M. Pavy, ingénieur principal de la construction des forts de la rive gauche de Liège,

M. Plumey, ingénieur principal de la construction des forts de la rive droite,

M. Raimbault, ingénieur principal de la construction des forts d'Embourg et de Boncelles,

M. Vasset, ingénieur principal de la construction des forts de Namur,

Sont invités à faire étudier de suite sur chaque fort les emplacements qui sont nécessaires pour l'installation des chantiers et les dépôts des matériaux en approvisionnement.

On devra chercher à se tenir sur chaque fort, tout d'abord à la gorge pour les installations de fabrication du béton, et ensuite sur l'un des côtés du fort, celui qui pourra le mieux s'orienter par rapport à la voie d'accès des approvisionnements.

Il faudra aussi voir dans les forts, où il y a des excédents de terrain, si on ne pourrait pas se servir de ces excédents.

On devra, en règle générale, chercher absolument à utiliser les glacis. Pour cela il est nécessaire de s'entendre avec les officiers chefs de chantiers pour les dépôts de terre que le Génie compte faire sur les glacis en dehors des remblais qui seront quelquefois nécessaires pour le règlement de ces glacis; règlement qu'on pourrait au besoin faire de suite s'il était nécessaire avant l'établissement de nos installations.

On devra également, tout en se tenant sur les glacis, se placer à une cote assez élevée pour permettre l'arrivée des dépôts aux installations pour les bétons, sans rampe ascendante autant que possible.

Le plan des installations sur chaque fort se compose :

1° D'une installation pour la fabrication des mortiers et bétons. Cette installation devra autant que possible se trouver à la gorge de l'ouvrage, et être établie à la même cote de niveau que la crête de la contrescarpe au moins et plus haut si possible.

2° D'un magasin pour les ciments pouvant contenir la consommation pour huit jours, établi à proximité de la fabrication des mortiers et bétons, et en bordure de la voie générale d'approvisionnements.

3° D'un petit magasin pour les huiles et graisses.

4° D'un hangar pour charronnage et pour une petite forge.

5° Des emplacements pour les dépôts de sable et galets (importance de ces dépôts : 15.000 m³).

6° Les projets pour chacun des forts devront être remis à la Direction à Liège le 1er août au plus tard, et copies de ces instructions devront être adressées ce jour à MM. Pavy, Plumet, Raimbault et Vasset.

Signé : Adrien Hallier

Liège, le 12 juillet 1888.

b. Exécution des terrassements

Le cube des terrassements par fort a varié entre 100.000 et 175.000 mètres cubes, sans les reprises (Brialmont avait prévu 142.000 m³ dans ses plans-type).

La progression à observer dans l'exécution de cette partie du travail était particulièrement commandée par celle de l'exécution du béton, mais elle dépendait encore des délais possibles, de l'importance des cubes de déblais, de remblais et d'excédents, de la nature des déblais et du matériel disponible, le même genre de matériel ne pouvant être simultanément employé dans chaque fort.

Tout d'abord, il convenait d'éviter autant que possible les reprises, et par suite, de mettre les déblais à leur emplacement définitif, ce qui revenait à n'attaquer les terrassements qu'à l'emplacement même des maçonneries, et à n'enlever les excédents que le plus tard possible.

Le matériel de fouille se réduisait aux moyens ordinaires, pelles, pioches, pics, barres à mines, burins, pinces, etc. Le matériel de transport se composait de petits plans inclinés avec wagonnets à voie de 0,40 m, actionnés par des treuils à vapeur. On a également fait usage de rampes à voie de 1 mètre remontées par des locomotives de 7 à 15 tonnes en service : ces locomotives remorquaient des rames de wagons cubant en général 2 mètres et chargés à la pelle. Dans certains terrains on eût pu employer des excavateurs. Mais le plan des forts ne comportant pas de longs alignements comme les chemins de fer et les canaux, leur emploi aurait été onéreux pour un cube relativement restreint.

Le corps des remblais des glacis et des remparts se faisait avec les décombres, les terres ordinaires et les rocailles. Toutes les terres de remblai ont été soigneusement pilonnées.

c. Fabrication du béton

(1) Le mode de confection prescrit par le cahier des charges comportait le mélange à sec des quantités de sable, de galets et de ciment correspondant à un quart de mètre cube environ, et dans les proportions fixées par les dosages indiqués, puis l'addition au mélange de l'eau nécessaire ; enfin, le travail à la griffe ou au rabot.

La fabrication mécanique était également autorisée, au choix de l'entreprise, sous les conditions suivantes :

1° La vitesse d'écoulement du béton sortant des appareils, et l'arrosage des matières premières devaient être réglés dans chaque fort par l'officier surveillant ;

2° Les matières composant le béton devaient être mélangées à sec avant d'être introduites dans l'appareil.

Composition des bétons : p.m. (ceci fait l'objet d'une autre communication).

(2) L'importance du cube de béton à fabriquer et la brièveté des délais imposaient naturellement la fabrication mécanique. Mais il y avait lieu de discuter si l'on prendrait le système de bétonnière dite anglaise qui est implicitement indiquée par les prescriptions ci-dessus, ou si l'on adopterait le mode de fabrication employé déjà par les entrepreneurs au Havre, et comportant deux périodes distinctes, l'une pour la fabrication du mortier, l'autre pour son mélange à la pierre cassée ou aux galets.

On sait que la bétonnière anglaise consiste essentiellement en un cylindre incliné animé d'un mouvement de rotation. Le mortier n'est pas préparé préalablement : les trois éléments du béton, c'est-à-dire le sable, le ciment et les galets sont introduits simultanément par une trémie placée à l'extrémité supérieure du cylindre le mélange s'effectue donc directement entre eux sous l'influence du mouvement de rotation, et de l'eau, et le béton confectionné est recueilli à l'extrémité inférieure du cylindre.

Avec le second type, la fabrication se divise en deux périodes consécutives : on commence par mélanger à sec le sable et le ciment, et on introduit ces matériaux dans un malaxeur à axe vertical mû par la vapeur, et pourvu de palettes, de râteaux et d'hélices. Pendant la trituration, un filet d'eau arrose le mélange, qui, sous l'action des palettes et les hélices, se convertit en mortier. Ce dernier est recueilli à la sortie du malaxeur par des wagons doseurs. On procède alors à la seconde opération qui consiste à mélanger le mortier et le galet, dosés l'un et l'autre en proportions convenables. Un premier mélange se fait au-dessus du couvercle même de la bétonnière; il se complète par la chute des matières dans celle-ci, qui est constituée par un cylindre vertical armé intérieurement de chicanes disposées en hélice. La hauteur de chute nécessaire pour obtenir une bonne répartition du mortier autour du galet est de 2,40 m.

Apparemment sûrs de la supériorité incontestable des matériaux fabriqués par le second procédé, les entrepreneurs n'ont pas hésité à proposer ce dernier au Génie militaire, malgré l'élévation du prix de revient (la diminution des mains-d'oeuvre de fabrication avec la bétonnière anglaise assurait une économie évaluée à 0,75 fr par mètre cube de béton).

Le Génie militaire, après avoir examiné mûrement les propositions qui lui étaient faites par les entrepreneurs, les a autorisés à faire uniquement usage de la bétonnière française combinée avec l'emploi préalable d'un type de malaxeur vertical perfectionné par eux, et c'est dans ces conditions qu'ont été fabriqués tous les bétons qui forment l'ossature des forts.

(3) Les installations à chaque fort comportaient un grand réservoir d'eau en maçonnerie, construit sur le glacis auprès du hangar à malaxeurs. Ce réservoir fournissait l'eau nécessaire aux chaudières, à la fabrication du mortier, au lavage des galets, etc. ; les hangars comprenaient le magasin à ciment et le baraquement des malaxeurs, qui étaient, comme nous l'avons dit, au nombre de trois, desservant un nombre égal de bétonnières placées sur une estacade.

Les sables et galets étant triés, les mains d'oeuvre qui étaient toujours exécutées par les mêmes ouvriers, se réglaient comme suit : le sable chargé sur des wagonnets, était amené dans le hangar aux malaxeurs, et versé sur le plancher en face de l'appareil. Le ciment, dosé en proportions voulues, était tiré du magasin contigu, et mélangé au sable ; puis on jetait le mélange dans les malaxeurs où une conduite à débit réglable distribuait l'eau nécessaire. Le mortier sortant des malaxeurs était rechargé dans des wagonnets jaugés et pouvant, suivant les besoins, rouler sur une voie posée entre les malaxeurs et les bétonnières.

Les galets jaugés en wagonnets à claire-voie passaient, avant d'arriver aux bétonnières, au-dessus d'un puisard qui recevait les eaux du dernier lavage exécuté avant l'emploi. L'eau provenant d'un réservoir était lancée avec force sur les galets et assurait leur nettoyage.

La voie d'amenée des galets parallèle a celle du sable arrivait sur l'appontement des bétonnières qui se trouvaient ainsi placées entre un wagonnet de mortier et un wagonnet de galets. Les deux wagonnets étaient alors déversés simultanément dans la bétonnière où le mélange mortier/galets s'opérait. Le béton ainsi fabriqué était alors prêt à l'emploi.

d. Préparation des coffrages

- La première question à résoudre était celle de la nature des matériaux à utiliser pour la confection des coffrages.

Après avoir envisagé l'emploi de panneaux en tôle l'entrepreneur a préféré recourir au bois pour tous ses coffrages. Le bois s'avérait en effet meilleur marché et son réemploi était plus aisé.

- Plutôt que d'établir des coffrages sur toute la hauteur du massif à couler on a préféré d'abord coffrer et bétonner jusqu'à la naissance des voûtes. Après prise du béton on posait les cintres préfabriqués et l'on réalisait le parement à l'aide des bois décoffrés des pieds-droits. Ceci permettait en outre de remblayer immédiatement derrière les piédroits et de raccourcir les étançons.

- Les cintres et les madriers ont fait l'objet de réemploi dans le même fort et dans des forts différents.

e. Bétonnage

(1) Le programme de bétonnage était naturellement le problème capital à résoudre.

Il s'agissait en effet d'assurer l'exécution du bétonnage avec un maximum de rapidité compatible avec les capacités de production des bétonnières, les capacités de transport et les possibilités de mise en place, de manière à réaliser une masse monolithique aussi parfaite que possible.

(2) Les maçonneries qui devaient être faites en béton comprenaient : les murs de contrescarpe, les locaux de contrescarpe, ceux d'escarpe subdivisés en locaux d'escarpe d'aile droite, du centre et d'aile gauche et reliés au massif central, le massif central avec les coupoles, enfin les coffres de flanquement réunis au massif central par une galerie de communication passant sous le fossé.

(3) La progression du coulage comportait les opérations suivantes :

- Remplissage des fondations ;

- Exécution des piédroits ;

- Exécution des voûtes sur 0,80 m environ d'épaisseur à la clef et remplissage du tympan ;

- Achèvement de l'ouvrage.

(4) Nous allons maintenant décrire les diverses opérations du coulage du béton.

- Le remplissage des fondations a été exécuté dans les fouilles préalablement à la pose de tous coffrages. À cet effet, la voie d'enlèvement du béton, était prolongée jusque dans la fouille par un plan incliné taillé dans le talus. À d'autres endroits, les wagonnets étaient déchargés par un ou plusieurs couloirs établis sur le talus même et desservis par une voie spéciale posée au fond de la fouille.

- L'exécution des piédroits s'effectuait aussitôt la première opération terminée. On disposait leurs coffrages sur tout le périmètre à remplir, et le béton y était amené par wagonnets circulant sur des ponts légers.

- L'exécution des voûtes a donné lieu à une modification importante des procédés prévus par le Génie militaire. Pour se conformer aux prescriptions du Cahier des charges qui indiquaient que la construction des voûtes devait se faire sans interruption sur toute leur épaisseur (2 à 4 mètres), il aurait été nécessaire d'encoffrer complètement les ouvrages jusqu'à leur couronnement. Ce procédé présentait de graves inconvénients, d'abord au point de vue de l'insécurité et de la lenteur qui en seraient résultées pour le travail proprement dit, de l'importance des charpentes qu'il aurait nécessitées, et surtout à celui de la bonne confection des maçonneries.

On aurait en effet dû employer dans ce cas des charpentes et des cintres de dimensions très fortes pour supporter et soutenir en élévation des masses de béton de 4 à 5 mètres d'épaisseur : c'eût été une véritable forêt de bois au milieu de laquelle le travail aussi bien que la circulation eussent rencontré des obstacles réitérés. De plus, les bétons déversés sur les cintres depuis la rampe d'amenée auraient ébranlé les échafaudages, et l'on aurait toujours eu à redouter un renversement subit des coffrages sous la charge d'une masse aussi importante de maçonnerie. Enfin la lenteur dans le coulage aurait nui à l'homogénéité du massif.

L'entreprise proposa au Génie militaire et fit accepter par lui un procédé beaucoup plus rapide et donnant toute sécurité pour la prise en masse du béton.

Ce procédé consistait à encoffrer seulement sur une hauteur suffisante pour donner aux voûtes une épaisseur de 0,80 m à 1 mètre à la clef suivant le cas.

Il permettait de disposer les chantiers de manière à exécuter plusieurs voûtes par jour, et de faire les reprises exclusivement sur les piédroits. Puis, quand le béton avait fait sa prise entière, on n'avait qu'à faire le remplissage jusqu'au niveau du couronnement.

À ce moment, il existait des points d'appui convenables pour soutenir les coffrages, toute préoccupation relative à la sécurité des charpentes était écartée, et l'on pouvait ainsi déployer toute l'activité nécessaire pour couler rapidement la masse totale.

Le cahier des charges prescrivait d'autre part d'exécuter le coulage en divisant les ouvrages d'art en parties de grandeur telle que la maçonnerie pût être montée jusqu'à la hauteur des naissances des voûtes en une seule journée de travail. Chaque couche de béton devait être mise en place sur une épaisseur de 0,20 m, avant que la couche précédente eût fait prise, et les bétonnages de chaque tâche journalière devaient être terminés par des gradins horizontaux de raccordement.

Le Génie militaire estimait que le coulage dans les parties délimitées pour le travail journalier, devait être effectué par tranches horizontales successives de l'épaisseur indiquée, soit 0,20 m. Cette méthode aurait été très défavorable au point de vue de la constitution du monolithe désiré. Elle aurait, en effet, conduit à ébranler le béton pendant qu'il faisait prise, par le pilonnage successif des couches déposées les unes sur les autres, et par le transport des matériaux à la surface des couches qui n'auraient pas encore pris leur consistance. En outre, les reprises auraient été trop nombreuses en raison de la faible épaisseur prescrite pour chacune des couches.

Aussi, au lieu de couler par tranches horizontales, les entrepreneurs ont-ils proposé et obtenu de procéder par déversement des wagonnets suivant le talus naturel du béton. Les ouvriers dameurs placés sur le talus et au pied, formaient ensuite des gradins qu'ils étendaient sur toute la hauteur du talus et dans le sens de la longueur, au fur et à mesure du déversement des wagonnets.

On damait les parties coulées jusqu'à ce qu'un peu d'eau affleurât la surface; les angles et les coins se garnissaient à l'aide de petits pilons ayant 0,08 m de diamètre au gros bout.

À la reprise du travail, on grattait et on lavait à grande eau les gradins horizontaux laissés en attente.

f. Décoffrage

Le cahier des charges prescrivait de laisser en place pendant quinze et même vingt-quatre jours (en hiver) les cintres et les coffrages après l'achèvement des maçonneries qui portaient ou soutenaient.

Grâce à la bonne qualité du béton, ces délais ont pu être notablement réduits, et il a suffi généralement de quatre jours pour le décoffrage des piédroits, et de huit jours pour celui des voûtes.

Après l'enlèvement, tous les parements secs ont été passés à la brosse dure, les bavures enlevées, et les trous bouchés au mortier de ciment.


4. Progression des travaux

- La première campagne (fin de 1888) a été généralement consacrée à l'établissement de la voie stratégique, puis, pour chaque fort, aux travaux préparatoires, tels que la déviation des routes d'accès, le décapement des terres végétales, ainsi que les fouilles pour la fosse aux eaux ménagères et le fossé du front de gorge, de manière à préparer le remblai des glacis destinés à recevoir les approvisionnements de matériaux et l'installation des bétonnières.

En même temps, on procédait à la construction des plans inclinés et de leurs débarcadères et voies d'approche, et à celle des chemins de fer aériens.

Enfin, on construisait toutes les installations nécessaires aux chantiers, magasins, cantines, hangars, ateliers de réparations, remises de locomotives, etc.

- Pendant la seconde campagne (année 1889), l'entreprise a continué les travaux précédents, exécuté les installations de fabrication du béton, et, successivement, les terrassements des fossés, des divers locaux et des massifs centraux avec remblais des glacis ou décharge, puis commencé sur plusieurs forts le coulage du béton.

- La troisième campagne (janvier 1890 à octobre 1891) a été employée à l'achèvement des terrassements et des bétonnages, à la confection des remblais sur les maçonneries, à l'exécution des enduits, et généralement au parachèvement des ouvrages.

- Cette grande entreprise a donc été exécutée dans de parfaites conditions de régularité, malgré les énormes difficultés de tout genre qu'elle présentait, et les rigueurs exceptionnelles de l'hiver de 1890-1891.

Elle a pu être achevée dans les courts délais imposés par le cahier des charges, et les 21 forts qui constituent les têtes de pont de Liège et de Namur ont été remis au Gouvernement belge, le 29 octobre 1891.


5. Reportage photographique

Les travaux dont il a été largement question ci-dessus ont fait l'objet d'un reportage photographique très complet et absolument remarquable pour l'époque.

Durant les années 1889 et 1890 plus de 200 photos des différentes phases de la construction ont été faites.

Elles complètent et confirment les documents écrits relatant les travaux.

Regroupées en atlas, ces photos ont été remises au Lieutenant-Général Brialmont par les soins de l'entrepreneur dès la fin des travaux.

Transmis au Musée de l'Armée peu après la fin de la Première Guerre mondiale, les 5 atlas photographiques y sont encore heureusement conservés aujourd'hui.


Références

1. Archives du Service historique des Forces Armées belges.

2. Archives des 3e et 8e Directions régionales des Constructions militaires.

3. RICHOU G., Construction des Forts de la Meuse, Paris, Librairie Polytechnique, Ch. Béranger éditeur, 1902.

4. Album contenant les vues photographiques prises pendant la construction des forts, Musée Royal de l'Armée.

5. Cours de fortification de l'École Royale Militaire (Bibliothèque de la Défense nationale).

6. Archives du CLHAM (Centre liégeois d'Histoire et d'Archéologie militaires).


Date de mise à jour : Jeudi 29 Octobre 2015