Tome III - Fascicule 10 - avril-juin 1988
Günter SCHALICH
Le coup de main (Handstreich) allemand contre Liège du 5 (soir) et du 6 août ne fut pas un grand succès. Les troupes belges à Liège, supposées peu nombreuses, ont souvent repoussé les attaques des six brigades allemandes. Uniquement la 14e brigade, commandée par Ludendorff après la mort de von Wüssow à Retinne, a percé le cordon de défense et a repoussé les Belges.
L'ordre de retraite du général Leman aux troupes belges a déchargé les Allemands de l'obligation d'écarter l'obstacle principal : les troupes de campagne belges. Il reste seulement 12 obstacles - les forts !
Les Allemands se rendent compte qu'ils ont besoin de l'artillerie lourde. L'artillerie légère et les quelques mortiers des brigades sont impuissants contre ces forts de béton et d'acier.
La première partie de cet article s'occupe du matériel d'artillerie allemand employé contre les forts de Liège. Nous parlerons principalement de l'artillerie lourde, et nous voulons seulement effleurer le sujet de l'artillerie légère. Nous allons aussi expliquer le dispositif d'un régiment d'artillerie allemand.
La deuxième partie de l'article comprend l'action de l'artillerie lourde allemande contre les forts. En cette occurrence, on parlera des toutes nouvelles armes, comme le mortier 'M' et le lance-mines lourd, mais aussi de la batterie mystérieuse du Parc d'Avroy (pour éclaircir cette énigme, beaucoup de recherches ont été nécessaires).
Ce canon était développé du L.F.H. 98, qui avait un système de recul rigide comme le Feldkanone 96 (F.K. 96). Il était nécessaire pour les usines Krupp et Rheinmetall d'introduire le système à recul sur affût. En 1909, l'A.P.K. (Artillerie-Prüfungs-Kommission, c-à-d. commission de vérification de l'artillerie) a adopté l'obusier proposé. À la mobilisation, 1260 de ces obusiers étaient disponibles, c-à-d. 20 % de la force totale de l'artillerie légère.
Calibre longueur du tube angle de pointage en hauteur angle de pointage en direction poids du canon avec culasse poids de l'affût poids de l'obusier mis en batterie poids de l'obusier attelé vitesse initiale de l'obus portée maximum |
105 mm 1625 mm (c-à-d. 16 calibres) de ?10° à +40° 2° à gauche et à droite 365 kg 825 kg 1225 kg 2260 kg 302 m/sec 6300 m |
Le Feldkanone (F.K.) 96 a eu un système à recul rigide. À cause des expériences de l'époque avec les premières pièces à recul sur affût, on a considéré le F.K. 96 comme démodé, mais l'A.P.K. n'a pas tenu compte de ce fait. Grâce à Rheinmetall et son constructeur génial Ehrhardt on a commencé à faire des essais de tir, qui ont duré de 1900 à 1902.
En 1904, l'A.P.K. a adopté le système, et le F.K. 96 fut réadapté avec le système reculant 'Ehrhardt' et le dispositif d'arrêt hydraulique 'Krupp' pour pièce à recul sur affût. La pièce reçut l'appellation 'F.K. 96 n/A' (neue Ausführung, c.-à-d. nouveau modèle).
Calibre longueur du tube angle de pointage en hauteur angle de pointage en direction poids du canon poids de l'affût poids du canon mis en batterie poids du canon attelé vitesse initiale de l'obus portée maximum |
77 mm 2080 mm (27 calibres) de ?12°56'15" à +15°5'45' 4° à gauche et à droite 335 kg 635 kg 1020 kg 1910 kg 465 m/sec 7800 m |
En 1895, on a adopté un obusier de 15 cm 'Krupp', avec culasse à coin plat. Une décision impérative, dite 'Allerhöchste Kabinetts-Order' (A.K.O.), a imposé d'améliorer cet obusier (dénommé s.F.H.). Déjà en 1897, l'A.P.K. s'est mis en relation avec Krupp et l'A.K.B. (Artillerie-Konstruktions-Büro, c-à-d. bureau d'études de l'artillerie) pour la réalisation d'un obusier de 15 cm avec système reculant. Deux ans plus tard on a proposé le V.H. 99 (Versuchs-Haubitze, c-à-d. obusier expérimental), jugé avec bienveillance, mais finalement refusé comme trop lourd.
Tout d'abord il était nécessaire d'alléger le poids du tube et le poids de l'affût. Après on a amplifié le recul de 540 mm à 650 mm. En 1902, le s.F.H., plus tard si bien connu, fut adopté. Peu à peu l'obusier fut affecté à l'artillerie à pied ('Fußartillerie'). Le s.F.H. de 1895 fut affecté aux parcs de forteresse comme artillerie mobile de place.
calibre sur les rayures calibre au fond des rayures longueur du tube longueur de la partie rayée poids du canon avec culasse poids de l'affût angle de pointage en hauteur angle de pointage fin en direction poids de 1'obusier mis en batterie poids de l'obusier prêt à marcher vitesse initiale de l'obus portée maximum |
149,7 mm 152,5 mm L/12 (1.770 mm) L/8 (1.326 mm) 800 kg 1190 kg de 0° à +42° 4° (au total) 2035 kg 2710 kg 325 m/sec 7450 m |
Les usines de Krupp ont réalisé ce canon, qui fut adopté en 1905. Le canon fut une amélioration de ses prédécesseurs et avait une meilleure mobilité, une vitesse de tir plus grande et une équipe de pièce plus réduite. Le canon a travaillé avec un système à recul invariable et avec une culasse à coin vertical.
Calibre longueur du tube longueur de la partie rayée poids du canon avec culasse poids de l»affût angle de pointage en hauteur angle de pointage en direction poids du canon mis en batterie poids du canon prêt à marcher (sans équipe de pièce) vitesse initiale de l'obus portée maximum |
105,2 mm L/29,8 (3155 mm) L/22 (2314 mm) 1345 kg 1410 kg de ?5° à +50° 2° à gauche et à droite 2800 kg 3509 kg 560 m/sec 583 m/sec (Shrapnell) 12.700 m |
Avant 1914, les Allemands ne tenaient pas beaucoup à avoir des pièces lourdes à tir tendu et à grande portée. On s'était éloigné du calibre éprouvé de 15 cm pour réaliser le canon de 13 cm qui fut seulement un canon de compromis.
L'armée a exigé un canon de siège pour tirer sous le radier des coupoles. Des essais furent couronnés de succès. En 1909 on a adopté le canon pour l'artillerie de siège, mais c'est seulement au début de la guerre de 1914 que Krupp a pu fournir quelques canons, qu'on a fait très vite entrer en action.
calibre longueur du tube longueur de la partie rayée angle de pointage en hauteur angle de pointage en direction poids du canon avec culasse poids de l'affût avec berceau poids du canon mis en batterie (sans le 'Gürtel') poids du canon prêt à marcher vitesse initiale de l'obus portée maximum |
155 mm L/35 (4725 mm) L/25,4 (3429 mm) de ?5° à +26° 2° à gauche et à droite 3280 kg 2930 kg 6730 kg 7577 kg 695 m/sec 16.500 m |
La genèse de cette arme bien connue fut de longue durée. Elle fut accompagnée par des améliorations incessantes et d'une concurrence serrée entre Krupp, Rheinmetall et l'A.K.B.
En 1899 on a seulement voulu améliorer l'affût du vieux mortier. Bientôt on s'est rendu compte de la nécessité de réaliser une arme toute nouvelle, car le système reculant et la structure d'un affût sont toujours étroitement liés. On était aussi contraint de satisfaire aux exigences d'une artillerie moderne.
Entre 1905 et 1908 l'A.P.K. a refusé trois mortiers d'essai de Krupp et un mortier d'essai de Rheinmetall. Tout de suite, Krupp et Rheinmetall ont construit deux autres mortiers d'essai, cette fois avec des affûts sur roues et une portée maximum énorme.
Enfin, en 1910, on a adopté le mortier 'Krupp', car cette usine avait une plus grande expérience. Toutefois Krupp était contraint de céder une partie de la fourniture des pièces détachées à Rheinmetall, car ce 'Mörser' n'aurait jamais été construit sans l'ingénieur Ehrhardt.
Le mortier fut affecté à l'artillerie à pied. L'ensemble de la pièce, tiré par des chevaux, était transporté en trois fardeaux :
- un chariot avec les "accessoires" (Gürtelwagen)
- un avant-train
- le tube.
En plus des munitions conventionnelles, cette pièce fut pourvue d'obus anti-béton.
calibre sur les rayures calibre au fond des rayures longueur du tube longueur de la partie rayée angle de pointage en hauteur angle de pointage en direction poids du canon avec culasse poids de l'affût avec bouclier poids du mortier mis en batterie (avec Gürtelwagen) poids du chariot d'affût (sans Gürtelwagen) poids du chariot avec tube poids d'attelage chargé poids d'obus poids du charge explosive |
211 mm 214 mm L/12 (2530 mm) L/8,36 (1763 mm) de +6° à +70° 4° (au total) 2620 kg 3713 kg 7380 kg 4455 kg 4065 kg 640 kg 120 kg 17,58 kg |
Après l'introduction des obus torpilles, la fortification fut contrainte de se munir de béton et de fer. L'armée s'est rendu compte que les pièces existantes étaient impuissantes contre la fortification moderne. Il fallait des pièces très lourdes à trajectoire plongeante et des projectiles perce-cuirasses pour malmener le béton.
L'usine Krupp a fait plusieurs proposions. Un mortier de 30,5 cm fut essayé à partir de 1895. En 1896, il fut adopté. Plus tard, on fit quelques améliorations. En 1914, les Allemands disposaient de 9 mortiers du matériel type B (s.Kst.Mrs.).
Le mortier était transporté sur chemin de fer. Pour arriver à son emplacement de tir, il fallait une voie Decauville. À cause du poids du mortier, les rails devaient être assemblés très soigneusement. Ils devaient reposer sur une plate-forme de trois couches en bois pour servir comme support au pivot central de l'affût.
Le mortier avait un frein de recul hydraulique. Plus tard, ce mortier n'a jamais été transformé en pièce à recul sur affût, car il était plus économique d'appliquer le nouveau système aux constructions nouvelles.
calibre sur les rayures calibre au fond. des rayures longueur du tube longueur de la partie rayée angle de pointage en hauteur angle de pointage en direction poids du canon poids de l'affût supérieur poids de l'affût inférieur poids de la plate-forme poids du mortier mis en batterie (avec plate-forme) poids du chariot avec tube poids du chariot avec affût poids du chariot avec plate-forme poids d'obus perce-cuirasse charge explosive poids d'obus allongé charge explosive vitesse initiale (obus perce-cuir.) vitesse initiale (obus allongé) portée maximum (obus perce-cuir.) portée maximum (obus allongé) |
305 mm 308,5 mm L/8,59 (2620 mm) 1.953 mm de +50° à +60° 30° à gauche et à droite 8500 kg 2700 kg 8500 kg 10.000 kg 30.000 kg 14.500 kg 17.200 kg 16.000 kg 410 kg 11 kg 335 kg 42 kg 310 m/sec 336 m/sec 8200 m 8800 m |
II est curieux de savoir qu'à l'origine, on a voulu construire un matériel du genre lance-mines géant (Minenwerfer), qui devait tirer un obus à paroi mince avec une forte charge explosive. Seulement le 'M' (pour 'Minenwerfer') est resté.
Pendant que Rheinmetall a réalisé les Minenwerfer sous conservation du secret très sévère, Krupp a réalisé un mortier de 42 cm sur affût sur roues, capable de tirer un projectile d'environ 1000 kg avec une portée de plus de 10.000 m.
Le professeur Rausenberger, un autre constructeur génial, y prit une partie prépondérante, comme au matériel 'Y' ou, plus tard, au 'Paris-Geschütz'.
Les premiers essais de tir eurent lieu en décembre 1915. Il s'est avéré, qu'il fallait une plate-forme spéciale pour supporter les roues. Il s'est également avéré, que l'artillerie lourde n'avait pas de tracteurs spéciaux pour tirer le mortier, et on a dû avoir recours aux locotracteurs à vapeur.
À la déclaration de guerre, seulement deux mortiers du type 'M' étaient prêts, et ils sont partis en guerre le 9 août 1914.
calibre sur les rayures calibre au fond. des rayures longueur du tube (au total) longueur de la partie rayée angle de pointage en hauteur angle de pointage en direction poids du canon poids de l'affût poids du berceau poids de la plate-forme poids du mortier mis en batterie poids du chariot d'affût avec attelage et ceinture de roue poids du chariot de bêche avec berceau poids du chariot avec plate-forme poids du chariot d'outillage (chargé) poids du chariot avec tube poids de l'obus allongé L/5»6 charge explosive poids de l'obus 'M' n/A L/5,4 avec ogive durcie et culot intermédiaire charge explosive vitesse initiale de l'obus portée maximum |
420 mm 428,4 mm 5000 mm (L/12) 5795 mm de 0° à +65° 10° à gauche et à droite 13.400 kg 11.900 kg 7920 kg 8460 kg 42.600 kg 18.300 kg 18.120 kg 17.200 kg 17.600 kg 17.800 kg 89.020 kg 810 kg 144 Kg 800 kg 100 kg 333 m/sec 9300 m |
Poids du tube avec culasse Poids de l?affût Poids du pivot central de l?affût Poids de l?obus Vitesse initiale (obus de 1.000 Kg) Portée maximum |
122.400 kg 68.000 kg 68.000 kg 1000 et 1140 kg 604 m/sec 8850 m |
Cette arme fut réalisée sous conservation du secret le plus sévère. Elle fut une autre mauvaise surprise pour l'ennemi au début de la guerre, principalement au début de la guerre des tranchées (fin de 1914), car l'adversaire ne disposait pas encore d'une telle armée.
En 1907, on a donné la commande à Rheinmetall. Après plusieurs essais infructueux avec des armes sans recul, on a réalisé un exemplaire de ce 'Minenwerfer', qui était simple, pas trop lourd et robuste.
En 1910, l'arme fut adoptée, mais fut affectée aux parcs du génie et pas à l'artillerie lourde. En 1914, le génie disposa de 44 lance-mines lourds.
C'est à Liège que le lance-mines lourd est entré en action pour la première fois.
calibre longueur Au tube angle de pointage en hauteur angle de pointage en direction poids du tube poids de l'arme mise en batterie poids de l'arme attelée poids du projectile charge explosive vitesse initiale du projectile portée maximum |
250 mm L/3 (762 mm) De +45° à +75° 20° (au total) 148 kg 660 kg 955 kg 97 kg 50 kg 73 m/sec 563 m |
À titre d?exemple : Schleswig-Holsteinisches Fußartillerie-Regiment Nr.9
Subordination (en temps de paix) Garnison (en temps de paix) État-major I. Abteilung (groupe) Commandant Ordre de mobilisation II. Abteilung (groupe) Commandant Ordre de mobilisation III. Abteilung (groupe) Commandant Ordre de mobilisation Réserve État-Major Ordre de mobilisation I. Abteilung Commandant Ordre de mobilisation II. Abteilung Commandant Ordre de mobilisation III. Abteilung Landwehr (armée territoriale) Commandant Landsturm (arrière-ban) Ordre de mobilisation Ersatz (bataillon de dépôt) Commandant |
VII C.A. ; 5 brigades d'artillerie à pied. Feste Ehrenbreitstein (Koblenz) ; Köln Oberstleutnant Schulenburg (2e armée) deux batteries, chacune à 4 mortiers de 21 cm, avec section de munitions Major Rothmann 2e armée batterie 3 et batterie 4> chacune à 4 mortiers de 21 cm, avec section de munitions Major Bachmann 2e armée batteries 5 à 8, chacune à 4 pièces de 15 cm (s.F.H. 02), avec section de munitions Major von Scheven VIII C.A. Oberst z.D. Staabs (z.D. : mis en non-activité) néant batteries 1 à 4, chacune à 4 mortiers de 21 cm, avec section de munitions Hauptmann Meyer néant batteries 5 à 8, chacune à 4 canons de 10 cm (10 cm Kanone 04), avec section de munitions Hauptmann Denker 2e armée néant batteries 1 à 4, chacune à 4 pièces de 15 cm (s.F.H. 96) Oberstleutnant z.D. Schoening Bataillon d?équipement (sans pièces) VIII C.A. 6 batteries Oberstleutnant z.D. Dorsch |
(À suivre)
Bas Ehrenbuch der Deutschen Schweren Artillerie, Berlin 1952/54
SCHIRMER, Das Gérät der Schweren Artillerie, Berlin 1957
Bulletin "Die Schwere Artillerie" (plusieurs fascicules), Berlin
SCHINDLER, Eine 42 cm Batterie im Weltkrieg, Breslau 1954
HEYDEMANN, Schleswig-Holsteinisches Fußartillerie-Regiment Nr. 9, Oldenburg/Berlin 1921
JUSTROW, Die Dicke Berta und der Krieg, Berlin 1955
L'auteur tient à exprimer sa gratitude à M. Tirtiat, qui a eu l'amabilité de corriger le texte français.
Date de mise à jour : Mercredi 4 Novembre 2015
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