Tome II - Fascicule 11 - juillet-septembre 1985


La bataille de Sprimont, le 18 septembre 1794

Michel VIATOUR


La bataille de Sprimont, le 18 septembre 1794 est le dernier épisode marquant de la conquête française de la Belgique et du pays de Liège, assez mal connu, et dont il reste peu de traces visibles ; seul un monument sur les hauteurs de Remouchamps en perpétue le souvenir.

Pour rédiger cet article, je me suis largement inspiré du livre du Docteur Louis THIRY, La Bataille de Sprimont, paru en 1936 et aussi de nombreuses autres lectures relatives à cette époque. Le Docteur THIRY était originaire de Remouchamps.

Avant de raconter cette bataille, faisons un petit retour en arrière et voyons quel était le contexte politique dans cette fin du XVIIIe siècle.

En 1792, les armées du Général Dumouriez avaient déjà envahi les provinces belges et le pays de Liège.

Vainqueur à Jemappes, le 6 novembre 1792, Dumouriez avait finalement rejeté les Autrichiens jusqu'à Aix-la-Chapelle.

Mais l'exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793 avait donné le signal de l'insurrection en Vendée et simultanément l'Europe entière se coalisait contre la jeune République française qui avait été proclamée le 22 septembre 1792.

L'Europe du XVIIIe siècle finissant est très conservatrice et n'a rien compris des idées des philosophes du siècle des Lumières : Voltaire, Diderot, Jean-Jacques Rousseau...

La France est seule, entourée de monarchies absolues où le souverain détient un pouvoir de droit divin ; le peuple est asservi et ne possède aucun droit, même des plus élémentaires ; seuls les nobles et quelques riches bourgeois se partagent honneurs et richesses.

Dans l'armée les charges d'officiers s'achètent et ne sont accessibles qu'à ceux qui peuvent justifier un nombre suffisant de quartiers de noblesse. Il en est de même dans les hautes fonctions du clergé, de la magistrature ou des affaires de l'État.

La Révolution française va bouleverser cet ordre des choses bien établi depuis des siècles, tout d'abord en France, puis les idées de liberté, d'égalité et de fraternité feront tache d'huile... suscitant parmi les monarchies, la crainte, puis l'horreur et, finalement, la haine implacable contre la Révolution française.

Après la proclamation de la République, l'exaspération des autres nations sera portée à son comble lors de l'exécution du roi Louis XVI, monarque déchu, mais restant monarque de droit divin aux yeux de l'Europe conservatrice ; dès lors, ce régicide porte atteinte aux fondements des états monarchiques absolus et apparaît comme un crime contre Dieu lui-même.

D'un simple coup d'oeil à la carte de l'Europe on voit l'isolement de la France et, de tous ces royaumes, on comptera autant d'ennemis qui ne s'entendent pas toujours :

À l'est : le  royaume de Prusse, l'ensemble des multiples principautés germaniques (Saxe, Wurtemberg, Bavière, Palatinat...) et surtout l'empire austro-hongrois d'où provient la reine Marie-Antoinette, épouse de Louis XVI et archiduchesse d'Autriche ; plus loin, aux confins de l'Asie, l'empire russe.

Au sud : l'ensemble des petites principautés et des duchés italiens (Piémont, Venise, Parme, Modène...), les états pontificaux, symbole du caractère divin des rois, les royaumes d'Espagne et de Naples où règnent des Bourbons descendants de Louis XIV.

Au nord et au-delà des mers : l'Angleterre, véritable chef d'orchestre de la croisade anti-républicaine qui, jusqu'aux années 1807-1808, se contentera de financer abondamment les diverses coalitions et d'exciter les uns et les autres contre la France. Ce n'est qu'à partir de 1808 que l'Angleterre interviendra directement sur le continent (Espagne et Portugal).

Mais ceci nous entraîne loin de notre sujet. Donc fin 1792, le général Dumouriez est à Aix-la-Chapelle et bientôt il doit battre en retraite ; il est défait à Neerwinden, près de Louvain, le 18 mars 1793. Les coalisés repoussent les armées françaises au-delà de Lille, Condé, Maubeuge.

La République française eut alors un superbe sursaut comme seules en ont la capacité les forces révolutionnaires et, sous l'impulsion de Lazare Carnot, ministre de la guerre au Comité de Salut public, et grâce à un emprunt forcé, une armée de 300.000 hommes fut levée et armée.

De Strasbourg à Dunkerque, elle fait face au péril extérieur :

160.000 hommes de Dunkerque à Maubeuge,

35.000 hommes en Ardennes,

60.000 hommes sur la Moselle,

45.000 hommes au Rhin.

Face à cette armée : les 150.000 hommes du prince prussien de Cobourg, un corps autrichien de 18.000 hommes sous le général baron de Beaulieu, 65.000 Austro-prussiens à Mayence et un corps de 60.000 Autrichiens augmenté d'émigrés français sur le Haut-Rhin, à Bâle.

Donc, en présence, au début de la campagne de 1794, nous trouvons des forces sensiblement égales en nombre et en disposition.

Les premiers coups sont portés par les Français qui vont attaquer sur un large front, du Nord à la Moselle, dès le début du mois de mars 1794.

La bataille décisive se déroule à Fleurus, en juin 1794, et voit la victoire du général français Jean-Baptiste Jourdan, futur maréchal d'Empire (en 1804), puis comte et pair de France à la Restauration (après 1815).

Dès lors les événements se précipitent : prise de Charleroi le 25 juin ; le général Kleber enlève le camp du Roeulx le 1er juillet ; le 10 juillet, Jourdan fait son entrée à Bruxelles ; Louvain est occupé par Kleber le 15 ; le 17, Jourdan s'empare de Namur ; et le 17, Landrecies est pris par le général Scherer.

Le général Jourdan n'entre à Liège que le 27 juillet, après de violents combats contre les Autrichiens qui se sont retranchés dans le fort de la Chartreuse.

Le faubourg d'Amercoeur subira des destructions considérables et ne sera reconstruit qu'après 1803, grâce à des crédits alloués par Napoléon Bonaparte, 1er Consul, lors de sa première visite à Liège.

En août 1794, l'armée française du Nord consolide ses positions et l'armée du Rhin s'empare de Trèves.

Pendant que l'armée du Nord achève la reprise des places fortes du nord : Valenciennes, Quesnoy..., l'armée de Sambre et Meuse, commandée par Jourdan, va mettre le siège devant Maestricht, principale place forte encore tenue par les coalisés et sur laquelle s'articule tout leur système défensif.

L'armée autrichienne s'est retranchée sur la ligne Meuse-Ourthe-Amblève.

À la veille de la bataille de Sprimont, prélude à la prise de Maestricht, quelles sont les forces en présence ?

1. Du côté français : le gros de l'armée de Sambre et Meuse se trouve entre Hasselt et Liège avec de forts détachements à Bilsen sous le général Kleber, à Strée, près de Huy sous le général Marceau.

D'autre part, le corps du général Scherer, ayant achevé le siège de Valenciennes, est disponible pour reprendre l'offensive et c'est ce corps que nous retrouverons à Sprimont le 18 septembre 1794.

Jourdan dispose d'un effectif d'environ 116.000 hommes.

2. Du côté autrichien : le prince de Cobourg cède le 28 août son commandement au général comte François de Clerfayt de Croy, natif des environs de Binche.

Clerfayt répartit son armée face aux Français, entre Stockem et Montjoie avec des détachements face à Liège et Maestricht, forts de 20.000 hommes et, dans le secteur Esneux-Sprimont, 28.000 hommes dans la magnifique position de "Sur les Heids" (Remouchamps). Il dispose au total de 83.000 hommes.

Donc, en résumé, l'aile droite de l'armée française de Sambre et Meuse est commandée par le général Scherer. En face d'elle, l'aile gauche de l'armée autrichienne est commandée par le général de Baillet, comte de Latour, originaire de Virton.

Le champ de bataille sur lequel ces deux corps d'armée vont s'affronter est situé dans l'angle nord formé par l'Ourthe, à l'ouest et par l'Amblève au sud.

Il fait partie du plus vaste théâtre d'opérations qui va de Venloo à Durbuy dans son axe nord-sud et de Liège à Montjoie dans son axe ouest-est. Les positions autrichiennes, à l'est de cette ligne, tiennent tous les points culminants de la région : aucun mouvement de troupes ne pouvait leur échapper.

D'autre part, les multiples vallons et les rivières Amblève, Ourthe et Vesdre constituent autant d'obstacles dont la défense est aisée et désavantagent donc une armée attaquante.

Les généraux autrichiens avaient donc, dans l'état de la stratégie du temps, une grande confiance dans l'avantage de leur position. Mais cette confiance était exagérée et surtout le général Latour avait sous-évalué la force numérique de son ennemi et espérait que l'attaque française ne se déclencherait pas si rapidement.

De plus, comme nous le verrons tout à l'heure, Latour commit l'erreur de trop disperser ses troupes en un semis de petits postes de Nonceveux jusqu'à Esneux en passant par Sougné-Remouchamps, Rouvreux, Martinrive, etc.

Treize petits postes jalonnent les hauteurs entre Rouvreux et Fraiture, cinq autres de Douxflamme à Chanxhe et les villages de Fraiture et Douxflamme sont solidement tenus.

Le plateau de Sprimont est accessible par quatre vallons fort encaissés et boisés :

- de Remouchamps vers Secheval,

- d'Aywaille vers Florzé,

- de Halleux vers Fraiture,

- d'Amblève vers Rouvreux.

Les Autrichiens avaient établi leurs batteries en conséquence :

- une redoute au nord de Sougné (la route porte encore aujourd'hui le nom de côte de la Redoute et est bien connue des coureurs cyclistes de la course Liège-Bastogne-Liège),

- une ou deux batteries à la lisière sud du bois de Warnoumont,

- une forte position d'artillerie, sept pièces, au sud-est du village de Florzé,

- une redoute construite sur le saillant au lieu-dit "Sur les Heids", au nord-est d'Aywaille,

- plus d'autres pièces réparties dans tous les intervalles où auraient pu s'infiltrer les Français.

Ces dispositions défendent donc la ligne de l'Amblève et sont toutes disposées au nord de cette rivière.

La rive droite de l'Ourthe offre des voies d'accès multiples vers le plateau dont :

- trois chemins montent de Douxflamme et de Rivage vers Fraiture,

- et une longue vallée monte de Chanxhe vers Sprimont.

Côté de l'armée française attaquante, l'accès à la vallée de l'Amblève par la rive gauche (sud) est relativement aisé. Mais l'accès à la vallée de l'Ourthe à partir de la rive ouest (gauche) est très difficile à cause de la présence de nombreux escarpements et seulement deux brèches : le moulin d'Embierir et le Ry d'Oneux.

Les Français disposent de nombreuses batteries d'artillerie sur les hauteurs de l'Amblève et de l'Ourthe aux côtés opposés à ceux tenus par l'armée autrichienne : au plateau de Kin, à Awan, à Oneux, à Sart-lez-Poulseur...

Pour conclure la première partie de mon exposé, on peut dire, en ce qui concerne les forces en présence, que l'armée française est numériquement supérieure mais que l'avantage du terrain est aux mains des Autrichiens.

Que dire maintenant du moral des troupes en présence ?

Un abîme de mentalité sépare les deux armées :

- les Français sont victorieux, animés par un formidable élan révolutionnaire et pratiquent une tactique nouvelle d'attaque par petits groupes de tirailleurs et non en masses serrées. Les Autrichiens pas plus que leurs alliés n'ont encore trouvé de parade efficace.

- les Autrichiens reculent depuis des mois (mars 1794) ; ils sont physiquement et moralement épuisés et les chefs (tous des nobles) craignent par dessus tout de voir se propager au delà du Rhin les principes d'égalité, de fraternité et de liberté véhiculés par l'armée française.

Après la prise de Valenciennes, le général Scherer rejoint le gros de l'armée de Sambre et Meuse et arrive à Durbuy le 11 septembre 1794, en chasse les Autrichiens qui se replient entre l'Ourthe et l'Amblève, bivouaque peut-être une nuit à My.

Le 14, Clerfayt, commandant en chef autrichien, inspecte la position de Sprimont et rentre à son quartier général à Bois-de-Breux, assez rassuré, car la ligne de l'Amblève lui semble solide ; il prescrit aussi d'observer les mouvements français.

D'autre part, Esneux semble également fermement tenu par quatre bataillons d'infanterie et quelques escadrons de hussards.

Les Français ne se pressent pas ; ils surévaluent les effectifs autrichiens et Scherer attend son artillerie.

Jourdan lui envoie un renfort de neuf bataillons et d'un régiment de cavalerie. De plus, le général Marceau quitte son cantonnement de Strée, rejoint avec 12.000 hommes le quartier général de Scherer par Villers-aux-Tours et occupe Comblain.

Entre temps, les colonnes de Scherer, qui se trouvaient à Durbuy, franchissent l'Ourthe à Barvaux et prennent position à Mont Jardin (face à Remouchamps), à Kin, à Awans (lez-Aywaille), à Hoyemont et à Oneux.

Le 16 septembre, c'est au tour du général Jourdan de venir inspecter la position ; il vient de Chockier avec 12.000 hommes supplémentaires. Durant ces journées, Jourdan organise réellement l'incertitude parmi les Autrichiens. Il feint une attaque sur Maestricht tout en provoquant quelques escarmouches autour de Sprimont. De plus, les Autrichiens ignorent la présence de certains renforts français sur l'Amblève; aussi, ils dépêchent leurs troupes de réserve qui se trouvaient dans le pays de Herve vers Maestricht.

Le 17 septembre, la veille de la bataille principale, ordre est donné aux troupes françaises de faire mouvement à l'abri des hauteurs et des bois. Pour retenir l'attention des Autrichiens et pour s'assurer une tête de pont sur la rive droite des deux rivières, un violent engagement a lieu à Douxflamme non loin du confluent Ourthe/Amblève. Des combats acharnés s'y déroulent pendant toute la journée du 17 ; le village est entièrement détruit et incendié mais les Français ne peuvent s'y maintenir.

Mais l'acharnement dont ont fait preuve les Français trompe le général Latour qui fixe son attention sur ce seul point du front. Le gros de l'armée française peut donc prendre position sur la gauche autrichienne sans qu'il s'en aperçoive.

Pendant une grande partie de la nuit, Latour fait fortifier une redoute destinée à empêcher les Français d'accéder au village de Fraiture. Ce travail s'avérera superflu car les attaques du lendemain seront dirigées principalement sur le flanc gauche autrichien.

Le jour se lève sur le 18 septembre 1794 soit, dans le calendrier républicain, le 2e jour complémentaire de l'An II. Les armées sont en place et, peu avant 5 heures du matin, le signal est donné : deux coups de canon sont tirés des hauteurs d'Aywaille au centre de la position française. La droite est face à Sougné-Remouchamps et la gauche vers le confluent de l'Ourthe et de l'Amblève.

L'attaque générale est déclenchée de manière désordonnée car certaines unités de la division Haquin attaquent trop tôt tandis que d'autres, s'étant égarées pendant la marche d'approche, arrivent un peu plus tard sur le champ de bataille.

L'artillerie appuie rageusement l'infanterie qui, de 5 à 9 heures, reste fixée sur la rive droite de l'Amblève, le dos à la rivière, accrochée dans Sougné, les deux armées y subissant des pertes considérables. La moitié des tués et des blessés français durant cette journée le seront dans le village de Sougné.

Même résistance furieuse dans Aywaille qui prend feu, assez soudainement, semble-t-il. On ne sut jamais qui, des Autrichiens ou des Français, en ont été la cause, bien que la tradition en attribue la responsabilité aux Français.

Le pont sur l'Amblève est pris ; les Français traversent la rivière sous le couvert des fumées et commencent à gravir par des sentiers escarpés les rochers de la Heid et parviennent au sommet à la faveur d'un angle mort dans le champ de vision des Autrichiens.

Entretemps, à l'aile gauche, l'armée française, délaissant Douxflamme, progresse vers Chanxhe et, débouchant sur le plateau, prend des postes autrichiens à revers.

Au même moment d'autres unités traversent l'Amblève à Martinrive et ainsi de même en chaque point praticable de la rivière.

Vers 10 heures et demie l'infanterie française s'est infiltrée dans tout le système défensif autrichien.

C'est à ce moment, après de furieux combats, que Sougné est enfin repris par la division du général Haquin, et que d'autres détachements qui avaient traversé l'Amblève à Nonceveux, arrivent par surprise au hameau de Hautregard, capturent le détachement autrichien qui s'y trouve et coupent par le fait même la ligne de communication de l'armée autrichienne avec ses forces de renfort rassemblées dans le quadrilatère Stavelot, Malmédy, Saint-Vith et Vielsalm.

Sur toute la longueur du front, de Remouchamps à Esneux, la situation des Autrichiens est très critique, particulièrement au centre (Aywaille). Les fantassins français traversent en masse la rivière, gravissent la Heid par de multiples sentiers et finalement c'est une ruée de tirailleurs qui débouchent sur le plateau. Ils sont accueillis par les canonniers qui tirent à boulets et à mitraille.

L'infanterie autrichienne lâche rapidement pied ; elle est ramenée au feu par ses officiers. Des combats au corps à corps s'engagent mais ce sont surtout les canonniers qui sont visés par les tirailleurs.

Les pièces sont prises et dès lors, l'issue du combat ne fait plus de doute.

La déroute de l'armée autrichienne est totale lorsque la cavalerie du général Marceau débouche sur le plateau en venant de Presseux et de Lille au moment où celle du général Bonnet rejoint le champ de bataille en venant de Dolembreux.

L'objectif de Scherer était de faire sauter la position de Sprimont mais aussi d'empêcher l'armée de Latour de rejoindre Clerfayt à Bois-de-Breux ; il fallait donc couper la retraite de Latour vers Beaufays et Chênée, donc le pousser vers Verviers par Louveigné.

La manoeuvre rate car les Français se trouvent déjà à Louveigné mais cela n'aura pas de conséquences graves compte tenu de la panique qui règne dans l'armée autrichienne.

Le général Latour se dirige vers Trooz d'où il rejoint le Q.G. de Clerfays.

L'aile droite autrichienne, poursuivie par la cavalerie française, se replie sur Beaufays et, de là, rejoint Chênée et Bois-de-Breux. La retraite se fait dans un grand désordre et, au passage, les villages de La Reid, Becco et autres sont pillés.

Le soir, le général en chef Clerfays donne l'ordre d'acheminer les troupes vers Herve puis, dans les jours suivants, vers Aix-la-Chapelle et le 20 septembre, l'armée autrichienne est complètement retirée sur la Roer.

Les pertes de part et d'autre sont difficiles à chiffrer à partir des rapports français et autrichiens car les uns veulent exalter leur victoire tandis que les autres tentent de minimiser leur défaite.

Le général Scherer parle de 1100 à 1200 tués et blessés français, ce qui est sans doute en-deçà de la vérité mais les chiffres de Latour, qui donnent 7000 tués français sont exagérés ; la vérité est vraisemblablement aux alentours de 4000 tués et blessés français.

Il est vraisemblable que les pertes autrichiennes furent inférieures aux pertes française eu égard à la position qu'ils occupaient, plus favorable à la défense qu'à l'attaque.

Les Français firent sans doute quelque 1800 prisonniers (chiffre difficile à vérifier), 600 selon d'autres sources.

Les résultats de cette bataille furent considérables : Maestricht ne peut plus compter que sur ses seules ressources pour soutenir le siège, les armées autrichiennes étant rejetées sur le Rhin. La conquête de la Belgique et du pays de Liège est donc quasiment terminée.

Les provinces belges et le pays de Liège qui, à cette époque, était toujours un état indépendant, seront définitivement rattachées à la France en 1795 par le décret du 1er octobre 1795 de la Convention nationale.


Annexe

Les généraux cités dans le texte qui précède sont de véritables personnages de roman. Voici ce qu'en disent les dictionnaires.


DUMOURIEZ Charles-François (1739-1823)

Brillant officier de l'armée royale durant la guerre de Sept Ans, plusieurs fois blessé, Dumouriez mena une vie aventureuse, tant comme conseiller militaire à l'étranger que comme mercenaire ou comme agent de Choiseul.

Colonel sous le règne de Louis XVI, il prépara la défense des côtes de Normandie, en particulier celle de la place de Cherbourg, dont il conserva le commandement jusqu'à la Révolution.

Rallié au nouveau régime, très intrigant, fort prisé du clan girondin, Dumouriez reçut le grade de général, puis, en 1792, occupa le poste de ministre des Affaires étrangères.

Mais à la suite de la désertion de Lafayette et de l'insuffisance de Rochambeau à l'armée du Nord, il prit en personne le commandement des forces républicaines, remportant à Valmy le premier succès de la nouvelle armée.

Il récidiva le 6 novembre suivant à Jemappes, prélude à l'occupation totale de la Belgique.

La tête tournée par ces brillants succès, Dumouriez envisagea au mois de mars 1793 de tenter un coup de force contre le régime républicain et de rétablir à Paris une monarchie constitutionnelle. Pour cela, il n'hésita pas à entrer en relation avec le prince de Cobourg.

Battu à Neerwinden le 18 mars, il évacua la Belgique et mit ensuite en état d'arrestation le ministre de la Guerre, venu avec quatre représentants de la Convention, lui demander des explications au sujet de ses dangereuses tractations avec l'ennemi.

Les soldats ayant refusé de se prêter aux man?uvres de leur général, ce dernier passa dans les lignes autrichiennes dans la nuit du 4 au 5 avril, consommant sa trahison,

Proscrit, déchu de tous ses grades, Dumouriez vécut alors dans l'oubli total, s'installant finalement en Angleterre, où le gouvernement lui alloua une modeste rente en échange de ses conseils militaires.


JOURDAN Jean-Baptiste (1762-1833)

Ancien soldat de la guerre d'Indépendance des États-Unis, Jourdan était établi mercier à Limoges au début de la Révolution.

Nommé lieutenant d'une unité de volontaires en 1791, il était commandant deux ans plus tard, époque à laquelle il rejoignit, à la tête du 2e bataillon des volontaires du département de la Haute-Vienne, l'armée de Dumouriez.

Moins d'un an plus tard, Jourdan était nommé général et succédait à Houchard à la tête de l'armée du Nord.

Wattignies fut le premier succès de ce chef talentueux que Carnot avait su distinguer.

L'année suivante, ce fut le triomphe de Fleurus.

L'année 1796 sera toutefois moins favorable, face à l'archiduc Charles, et finalement Jourdan devra remettre son commandement à Hoche.

L'année 1799 sera également une répétition de 1796 et le général se retirera au Conseil des Cinq-Cents.

Malgré son extrême réserve envers Bonaparte après le 18 Brumaire, Jourdan fut néanmoins sollicité par le consul et désigné en 1801 en qualité d'ambassadeur auprès de la République cisalpine.

Conseiller d'État en 1802, maréchal de France deux ans plus tard, il attacha dès lors sa réussite à celle de Joseph Bonaparte, l'accompagnant à Naples puis en Espagne, où il lui servit de chef d'état-major de 1808 à 1814.

Louis XVIII lui décerna les titres de comte et de pair de France, ministre des Affaires étrangères en juillet 1830, Jourdan abandonna son portefeuille pour terminer ses jours comme gouverneur des Invalides.


SCHERER Barthélémy, Louis, Joseph - Délie (Haut-Rhin) 18 décembre 1747, Chauny (Aisne) 19 août 1804

Cadet dans les troupes autrichiennes en 1760, y atteint le grade d'aide-major en 1770. Démissionnaire en 1775.

Admis au service de la France en 1780 comme capitaine d'artillerie.

Passe au service de l'armée de Hollande en 1789-1790, qu'il quitte comme lieutenant-colonel pour rentrer comme capitaine au service de la France.

Aide de camp de Beauharnais à l'armée du Rhin, nommé provisoirement adjudant-général en 1793, général de division en janvier 1794.

Passera l'armée du Nord, puis à celle de Sambre et Meuse, participe aux sièges des places du Nord : Quesnoy, Valenciennes, Conde.

Commande l'aile droite de Jourdan, gagne la bataille de l'Ourthe.

Rappelé à Paris le 3 août 1794, commandant en chef de l'armée d'Italie.

En 1795, commandant de l'armée des Pyrénées orientales, vainqueur à Fulvia le 15 juin 1795.

De nouveau commandant en chef de l'armée d'Italie en septembre 1795, vainqueur à Logano. Démissionne.

Inspecteur de la cavalerie de l'intérieur.

Ministre de la Guerre du 25 juillet 1797 au 21 février 1799.

De nouveau commandant de l'armée d'Italie en mars 1799, vainqueur à Pastreno, vaincu à Magnano, Scherer est accusé de malversations, mais sans suites après le "18 brumaire". "Avait la réputation de s'adonner à la boisson".

Il a son nom sur l'Arc de Triomphe.


KLEBER Jean-Baptiste (1753-1800)

Fils d'un maçon strasbourgeois, il répondit aux sollicitations des recruteurs bavarois, mais ne pouvant espérer s'élever au-dessus du grade de lieutenant en raison de sa modeste origine, il se découragea et regagna l'Alsace.

La Révolution le ramena au métier des armes.

Tout d'abord adjudant-major d'un bataillon de volontaires du département du Haut-Rhin, puis lieutenant-colonel en 1792, Kléber rejoignit l'armée du Rhin et se distingua au siège de Mayence en 1793.

Député en Vendée au cours de la même année, il y gagna son grade de général de division en participant aux succès de Cholet, du Mans et de Savenay.

Dirigé sur l'armée de Sambre et Meuse, il contribua encore à la victoire de Fleurus puis à l'occupation de la Rhénanie.

Déçu de ne pas se voir récompensé à l'égal de Jourdan, de Moreau, de Hoche et de Pichegru, Kléber refusa tout autre commandement.

Bonaparte le tira de cette bouderie en l'emmenant en Egypte, où le jeune général put donner libre cours à son esprit offensif.

Blessé lors de l'assaut contre Alexandrie, le 2 juillet 1798, le bouillant Kléber prit une revanche sur le sort à El-Arich, à Jaffa, devant Saint-Jean-d'Acre et surtout à la bataille du Mont-Thabor, le 16 avril 1799.

Après le départ brusqué de Bonaparte pour la métropole, au mois d'août 1799, le commandement du corps expéditionnaire revint à Kléber.

Mais celui-ci avait rêvé d'autres honneurs. La situation était en effet des plus critiques, face à l'armée turque soutenue par le Britannique Sidney Smith et au milieu d'une population prête à se soulever au moindre échec.

Vainqueur à la bataille d'Héliopolis le 20 mars 1800, Kléber pouvait espérer se maintenir encore un certain temps. Mais il fut poignardé le 14 juin 1800 par un fanatique soudoyé par les Turcs.


MARCEAU-DESGRAVIERS François-Séverin (1769-1796)

Fils d'un magistrat de Chartres, Marceau-Desgraviers s'engagea en 1785 au régiment de Savoie-Carignan.

Lors de la prise de la Bastille, il avait rejoint les gardes nationaux.

Les volontaires d'Eure-et-Loir le désignèrent comme officier en 1791.

L'année suivante, il seconda énergiquement Beaurepaire lors de la défense de Verdun.

Général en 1793, à la suite de brillants succès face aux Vendéens, il se distingua à nouveau l'année suivante à l'armée de Sambre et Meuse, en particulier à Fleurus où il commandait l'extrême droite.

Il fit la campagne de 1794 comme général de division.

Il commandait la 9e division à la bataille de l'Ourthe, Roer et Mayence et fit la campagne de 1795 en Allemagne.

Il était fort estimé de ses soldats, de ses pairs et aussi de ses adversaires.

La preuve en fut administrée au mois de septembre 1796, alors que le vainqueur de la garnison de Mayence couvrait le repli de l'armée de Jourdan vers le Rhin. Blessé près d'Altenkirchen, le commandant de l'arrière-garde de l'armée de Sambre et Meuse fut veillé et ramené dans les lignes françaises par les hussards autrichiens.

Le général Marceau expira deux jours plus tard.

Il a son nom inscrit sur l'Arc de Triomphe.


HAQUIN Honoré-Alexandre - Juilly (Seine et Marne) 19 mai 1742 - Paris 28 janvier 1821

Participe à la victoire de Jemappes le 6 novembre 1792.

Est adjudant-général en mars 1793.

Fait la campagne de 1794 : sièges de Quesnoy, Valenciennes, Condé, bataille de l'Ourthe (18 septembre), bataille de la Roer (2 octobre).

En 1795 et 1796, est à l'armée d'Italie, est fait prisonnier à Favie.

Est député de Seine et Oise en août 1810.

Vote la déchéance de l'empereur en 1814.

Est nommé officier de la légion d'honneur le 2 novembre 1814.


CLERFAYT François de Croy, comte de - Binche 1733 - Vienne 1798

Après des études à Mons, il s'engagea en 1752 comme cadet dans un régiment d'infanterie.

Il gravit rapidement tous les échelons de la hiérarchie militaire : capitaine en 1756, major en 1759, lieutenant-colonel en 1760, colonel la même année, pour arriver au grade de général-major en 1775 et de lieutenant-général en 1784, dans les armées autrichiennes.

Après un bref séjour à la cour de Joseph II, il participa à la campagne de 1789 contre les Turcs.

Il se distingua en Argonne contre Dumouriez en 1791.

Battu à Jemappes, il retraita jusqu'à Aix-la-Chapelle, d'où il reprit l'offensive avec succès.

En 1794, après la bataille de Fleurus, il est nommé généralissime (à la place du prince de Cobourg) et en 1795, feld-maréchal.

Il mourut à Vienne peu de temps après qu'il fut tombé en disgrâce.


LATOUR Maximilien de Baillet, comte de - Château de Latour, près de Virton 1737 - Vienne 1806.

Il appartenait à une ancienne famille qui occupa les plus hautes dignités de l'État depuis l'époque des ducs de Bourgogne.

Il fit la guerre de Sept Ans comme capitaine de grenadiers.

En 1789, il commandait la place de Luxembourg et, en 1790, Joseph II le nomma feld-maréchal-lieutenant.

Il poursuivit l'armée révolutionnaire des Etats-Belgiques-Unis, la tint en échec durant quatre mois et finalement la mit en déroute.

Il participa à la campagne de France en 1792 en qualité de commandant de l'aile droite de l'armée autrichienne.

Lors de la campagne de 1794, Latour battit les Français à Rouvroy, Forchies-la-Marche et Fontaine l'Évêque, mais, bien que vainqueur, il dut couvrir la retraite de Clerfayt et prit finalement position avec son corps d'armée à la Chartreuse de Liège.

Après Sprimont, il assura le commandement de plusieurs grandes unités en Allemagne (1796-1798) avec des fortunes diverses contre les Français.

En 1804, il devint président du Conseil aulique (ensemble des conseillers de la cour de l'empire autrichien) et du département de la Guerre.


Date de mise à jour : Mercredi 28 Octobre 2015