Tome I - Fascicule 6 - avril-juin 1981

Liège et le royaume des Pays-Bas. Une place-forte dans un ensemble défensif (1815-1830)

Christian DURY


L'asbl Centre liégeois d'Histoire et d'Archéologie militaires (en abrégé : CLHAM) annonce le thème de sa prochaine exposition programmée pour le printemps 1982 : du 01 mars au 03 avril en ses locaux à l'hôpital militaire Saint-Laurent de Liège. Elle souhaite pouvoir compter comme précédemment sur l'aide efficace des Forces armées en général, sur la collaboration "scientifique" des mordus du passé militaire en particulier. Voici à présent quelques lignes de force du projet, l'une ou l'autre donnée relative au contexte qui accompagne les faits individuels.


Les origines

À la mort de Louis XIV, la France avait perdu sa prépondérance en Europe. Un certain équilibre fut établi à la Paix d'Utrecht. Le Traité de la Barrière en 1715 accorde le droit aux Provinces-Unies d'entretenir des garnisons dans une série de villes de la frontière méridionale des Pays-Bas. Cette barrière était bien entendu dirigée contre la France et son impérialisme, sa politique de domination et de suprématie.

Durant tout le XVIIIe siècle et le début du suivant, on parlera ainsi du régime autrichien, de la barrière de 1795, de celle de Napoléon. Tout cela au rythme des puissances installées dans nos provinces.

Ont déjà participé à nos activités :

- 4 Bn du Génie à Amay

- CRC Glons

- CMob à Liège

- 5 Bn TTr à Saive

- Arsenal de Rocourt

- NMob 22 à Landen

- 1 Bn Para à Diest

- 3 Wing Tac à Diest


Le Congrès de Vienne (1815)

Cent ans plus tard, les coalitions contre la France de Napoléon terrassent la Révolution de 1789 et ses grands principes de liberté. Le Congrès de Vienne en 1815, avec ses "utopies" et ses "archaïsmes", n'est qu'une tentative nouvelle d'un retour à l'équilibre politique et social en Europe. Quatre "Grands" (Angleterre, Prusse, Russie et Autriche) dominent les débats. La surveillance de la France, un pays dangereux, nécessite la réédification de l'antique barrière. D'où la ceinture de glacis neutralisés qui l'enserrent de toutes parts : royaume des Pays-Bas, Prusse rhénane, Palatinat bavarois, royaume de Bade, Confédération neutre de Suisse (accrue de Genève, du Valais et de Neufchâtel), royaume de Piémont-Sardaigne.


Les re-constructions de la période hollandaise

Indépendamment de leur présence dans des villes de second rang (par exemple Soignies), les Hollandais ont entrepris des travaux militaires plus ou moins importants dans 19 villes : Ostende, Gand, Termonde, Anvers, Nieuport, Ypres, Menin, Audenarde, Tournai, Ath, Mons, Charleroi, Namur, Huy, Liège, Philippeville, Dinant, Mariembourg et Bouillon.

Il était prévu de fortifier davantage, le cas échéant : Malines, Aerschot, Diest et Hasselt.

En effet, il faut préciser que les anciens occupants avaient laissé tomber en ruines les remparts dont l'onéreux entretien devait être assuré par les "Belges" ; que Joseph II avait prévu de démanteler les ouvrages à l'exception d'Anvers.

Car, qui plus est, dès le milieu du XVIIIe siècle il ne faisait plus de doute que les bâtiments ne pouvaient désormais plus servir que de casernement ou de réserve de choses.

C'est ainsi que toute une liste de points devaient être actualisés : fortifications, portes, ponts, palissades, artillerie, magasins (poudrières et entrepôts), casernes, hôpitaux, corps de garde, constructions gouvernementales, ateliers, casemates, égouts et conduites d'eau, provisions, eau, garnison, troupes, inondations, etc...

À Bouillon, "le génie batave remet la place en état et procède à des appropriations minimes, mais aussi à des destructions : on démolit le vieux donjon central et l'antique chapelle castrale".

À Charleroi, la nouvelle forteresse est construite au cours des années 1816-1821.

À Mons, l'enceinte médiévale, qui avait résisté jusque-là, est démolie. On édifie une forteresse "moderne" qui ne servira jamais.

À Namur, le curieux trouvera encore une forge construite durant la période hollandaise.

Philippeville est restaurée entre les années 1816-1818.

Tournai est rénovée de 1817 à 1821. Sa défense extérieure est renforcée par la création de deux redoutes. Cinq nouvelles casernes sont élevées autour de la cour, elles remplacent des anciennes.

On pourrait à loisir multiplier les exemples. Ce serait aussi inutile que le furent ces forteresses qui "ont dévoré des millions du trésor sans apporter en quoi que ce soit la sécurité au pays". D'après le mémoire de 1851 du Général Trumper, la totalité des sommes employées à relever les forteresses fut de 191.212.453 francs.


Le démantèlement

À part les événements de 1830, l'année de la Révolution belge et de la fin de la domination hollandaise, les citadelles de la nouvelle barrière n'ont pas connu le feu : guère de combats importants, elles tombèrent à peu près intactes dans les mains belges. Qu'en firent nos ancêtres ?

Désuètes, elles ne devaient pas subsister bien longtemps.

Beaucoup disparurent entre les années 1850 et 1870. Il n'en reste aujourd'hui que fort peu de choses.


Hier, aujourd'hui? demain ?

Beaucoup pensent encore que le patrimoine architectural est démuni d'une valeur "autre" que foncière. C'est vrai en partie seulement. C'est pourquoi, avant de conserver l'un ou l'autre vestige, il est nécessaire de disposer d'inventaires qui, seuls, permettront de trancher en connaissance de cause. De sauvegarder à titre exemplatif tel ou tel témoignage architectural. C'est avec ménagement qu'il faut se résoudre à sacrifier sur l'autel de la rénovation domaniale tout édifice de valeur. Car, ne reviendrait-il pas moins cher, en définitive, de réadapter les bâtiments militaires plutôt que de les raser, puis de reconstruire ?

La conjoncture est mauvaise. Ne pourrait-on imaginer que la rançon inévitable du progrès soit moins lourde à payer ? Quitte à s'entendre avec d'autres départements ministériels, les communautés, les régions ou les communes ? L'exposition à venir voudrait sensibiliser l'opinion à ce problème. Fin 1981, la Chartreuse à Liège risque de disparaître à tout jamais...

Cette exposition sera la deuxième que le CLHAM mettra sur pied. En effet, "Liège, 1000 ans de fortifications militaires" a été présentée au public du Millénaire de la principauté de Liège du 16 décembre 1980 au 31 janvier 1981. À cette occasion, un recueil d'articles a vu le jour qui porte le même titre. On y trouve les mises au point suivantes : A. GANY, Avant-propos ; P. ROCOUR, Introduction à l'exposition ; C. DURY, Le patrimoine monumental militaire de la Belgique : état de la question et plans de recherche ; C. GAIER, Considérations pratiques sur l'attaque et la défense des anciennes places-fortes ; P. HOFFSUMMER, L'évolution du système défensif au château de Franchimont ; M. BOUCHAT, Le château de Colonster ; F. BALACE, Description détaillée des forts de la Meuse en 1914 ; P. TOUSSAINT, Le fort d'Eben-Emael ; H. BERNARD, 150 ans d'indépendance. Comme de nombreuses autres publications et les cartes I.G.N. de la partie est de la Belgique, ce livre peut être acquis au siège du CLHAM. Il coûte 200 francs. Par correspondance : en versant la même somme au compte n° 001-083 3067-10 du CLHAM et en indiquant le motif du versement.

Le CLHAM souhaiterait instamment recevoir les réactions à ce qui précède. Chacun peut le contacter en s'adressant à son secrétariat qui se fera un plaisir de documenter les curieux sur les activités passées, présentes et à venir... surtout.

Date de mise à jour : Mardi 27 Octobre 2015