T IV - Fasc 8

Tome I Tome II Tome III Tome IV Tome V Procédure de Cde

Remonter
Mai 40
La PFL

 

Tome IV - Fascicule 8 - Septembre 1990

SOMMAIRE

Editorial

Le courrier des lecteurs

La visite guidée du 20 octobre 1990

Le C.L.H.A.M. au Fort 4 à Mortsel

Henri MASURELLE - Les 18 et 19 mai 1940 au Fort d'Embourg

CESAR - Nöel à Bastogne

G. PIRENNE - Le chemin de la captivité

Julien HERMAN - Ma campagne de mai 40

Emile COENEN - La Position Fortifiée de Liège

Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site

Editorial

Les absents ont toujours tort ...

Cet adage s'est une fois de plus vérifié, et à deux occasions au cours du trimestre écoulé.

Ce samedi 20 octobre dernier, nous étions exactement douze (dont trois dames) à avoir rallié la région Tongres - Maastricht, lieu de combats célèbres de mai 40. Et pourtant le CLHAM avait mis tous les atouts dans son jeu: temps merveilleux, guides choisis, programme varié ...

La matinée a été consacrée à une série d'exposés et de visites dans le secteur tenu à l'époque pas le 20e Régiment d'Artillerie, Monsieur Thonus, administrateur du CLHAM s'y est révélé un guide expérimenté et passionné de son sujet. L'arrêt à Vroenhoven fut particulièrement apprécié.

Après un excellent repas à Kanne, monsieur Pirenne - ancien de 40 - nous a relaté sur place les péripéties du sautage du pont de Kanne à la barbe de l'ennemi, à l'aube du 10 mai 40. Moment émouvant que de l'entendre évoquer ces heures tragiques.

Il restait à un autre administrateur du CLHAM, monsieur Lebeau, de conclure la journée par une visite captivante du siphon du Geer et de deux ouvrages peu connus du fort d'Eben-Emael: canal Nord et Bloc 2.

Une semaine après, une intéressante conférence consacrée aux forteresses préhistoriques et agrémentée de diapositives réunissait une quinzaine de membres autour de l'orateur du jour, le Président du CLHAM.

Belle occasion d'apprendre à connaître Maiden-Castle et Bérisménil, Jericho et Mycènes, Thirynthe et Massada.

Oui décidément, les absents ont toujours tort ...

A. Gany

Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site

LE COURRIER DES LECTEURS

La visite guidée du 20 octobre 1990

Monsieur André FRANCART a adressé au président du C.L.H.A.M, une lettre dont voici le principal:

"Je me permets de vous exprimer par la présente mes sincères remerciements à l'occasion de la visite organisée par le CLHAM ce samedi 20 courant."

"J'ai pu enrichir mes connaissances dans ce domaine grâce aux exposés des orateurs chevronnés."

"Cette journée restera gravée dans ma mémoire par le recueillement et parfois l'émotion envers ceux qui ont souffert moralement et physiquement durant ce conflit."

Signalons que Monsieur Francart, pour participer à la visite, a fait le déplacement depuis ... MARCINELLE.

Une question à 5 centimes: Qui a inventé le fil de fer barbelé?

La réponse de Monsieur Armand COLLIN est précise:

"Je puis vous répondre avec certitude, selon une documentation en provenance des USA."

"Le fil de fer barbelé a été inventé par un fermier américain, Joseph F. GLIDDEN, qui, le premier, fit usage de ce type de clôture afin de protéger ses terres des incursions du bétail étranger à son exploitation."

"Il prit un brevêt pour ce type de clôture en 1874."

"La première utilisation officielle de ce type de défense d'un territoire date de 1885, année où des barrages d'interdiction furent mis en place par l'Etat du Kansas."

Une missive de NAPOLEON

Un de nos amis et correspondant dans le Var (Midi de la France), région tellement touchée par des incendies quasi tous d'origine criminelle, nous envoie un document encore inédit à ce jour.

Il s'agit d'une missive signée par l'Empereur Napoléon ler, adressée à M. le Préfet du Var au lendemain de la fameuse bataille de Wagram (6 juillet 1809) au cours de laquelle il écrasa les armées de l'Archiduc Charles.

Un courrier venu de France venant de lui apprendre que le Département du Var était depuis peu le théâtre de violents incendies criminels (à l'époque, il s'agissait principalement de vengeances paysannes), l'Empereur fait immédiatement mander son secrétaire. Au milieu des soucis, présents et à venir, il jette ses ordres d'un trait ... trois phrases, mais tout y est! Que pourriez-vous ajouter, si vous en aviez la possibilité?

Notre ami nous signale encore que - par ses soins - des dizaines de photocopies de cette missive furent apposées aux vitrines d'une petite ville du Var. En un premier réflexe, la Police Municipale demanda aux commerçants de retirer ce qu'elle jugeait "un appel séditieux" ...

Curieuse attitude de cette Police qui ignore que "ceux qui ignorent les leçons de l'Histoire sont condamnés à les revivre"!

Du reste, arguant de la signature et du fait historique, nombre de commerçants refusèrent d'obtempérer.

Voici donc la copie de cette missive.

Cliquer pour agrandir

Réponse en rapport avec la question de M. HARLEPIN concernant l'artillerie lourde allemande sur voie ferrée.

Le Major e.r. DAVREUX nous adresse un complément de réponse à la question parue dans le bulletin Tome IV fascicule 5 de mars 1990.

L'artillerie lourde allemande sur voie ferrée.

Les quelques notes publiées (1) en réponse à Monsieur Harlepin (2) donnaient  un point de vue de source allemande. Ces notes se limitaient aux matériels en usage en 39-40.

(1) Bulletin du CLHAM Tome IV - Fasc 7.

(2) Bulletin du CLHAM Tome IV - Fasc 5.

Une autre explication de la nécessité du contrepoids est avancée par F. T'Sas mais cette fois pour 1914-1918.

A propos du 38 cm S.K.L. 45 Max (3), il écrit (4):

"Au-dessus des tubes, à l'endroit des tourillons, se trouvait fixé un contrepoids important dont la présence n'a pas été bien expliquée. Selon les uns, cette surcharge aurait facilité le pointage en hauteur de ces canons très pesants. Nous n'en croyons rien vu que, durant le pointage, ces tourillons de 460 mm de diamètre sur 355 mm de longueur étaient supportés par deux axes secondaires, plus petits, de 200 mm de diamètre sur 190 mm de longueur. Il ne semble donc pas que le pointage en hauteur ait présenté des difficultés. Nous pensons, au contraire, que ces grosses pièces, étudiées et construites avant la guerre, ont été utilisées par la suite avec des explosifs sensiblement plus puissants que ceux pour lesquelles elles avaient été conçues. Dans ces conditions, ces contrepoids ne devraient-ils pas neutraliser une réaction imprévue, tendant à arracher les tourillons de leurs encastrements, lors de tirs à des distance sensiblement plus importantes que celles envisagées lors de la "construction de ces bouches à feu?"

(3) Abréviation S.K. pour Schifskanone.

(4) Revue Belge d'Histoire Militaire, Mars 1972, Vol XIX, p 455.

Concluons en ajoutant que les ouvrages allemands sont peu explicites au sujet de ce Gegengewicht et nous n'en saurons sans doute pas plus que sur la raison d'être des fenêtres de la Batterie Todt"

La visite guidée du 20 octobre 1990

Cliquer pour agrandir

A Genoelselderen, devant l'entrée du château qui abritait en mai 1940 le PC de la 7e DI et du CADI (Commandant de l'Artillerie Divisionnaire), J. Thonus fait le point à l'aide d'une carte à grande échelle préparée par ses soins.

Cliquer pour agrandir

L'abri du pont de Vroenhoven. A droite de celui-ci, la route franchit le pont sur le canal Albert et pénètre en Hollande. Au centre de la photo, le sapin cache partiellement la porte (obturée par de la maçonnerie) par laquelle un assaillant (aéroporté) allemand pénétra dans le sas d'entrée et arracha la mise à feu des charges explosives, empêchant in extremis la destruction du pont.

Cliquer pour agrandir

A Kanne, avant d'aller se jeter dans la Meuse à Maastricht, le Geer passe sous le canal Albert grâce à un siphon dont nous voyons ici l'entrée.

Cliquer pour agrandir

Au pont de Kanne, Monsieur Pirenne explique la disposition des lieux le 10 mai 1940, lorsqu'il fit sauter le pont alors qu'il était entouré de troupes allemandes aéroportées.

Cliquer pour agrandir

(Photos P. BEAUJEAN)

Cliquer pour agrandir

Coupe schématique du fort.

Cliquer pour agrandir

Dans la tranchèe du Canal Albert, le Bloc Canal Nord.

Cliquer pour agrandir

La face orientée vers le sud.

Cliquer pour agrandir

La face orientée vers le nord. Dans le fond de la trouée de Caster, les écluses de Lanave.

Cliquer pour agrandir

La face Nord du bloc II

Cliquer pour agrandir

Un plan pour s'orienter

(Photos J. LEBEAU)

Le CLHAM au Fort 4.

Jules Lebeau

A l'initiative de la "Simon Stevinstichting", le CLHAM a eu l'occasion de visiter le Fort 4 à Mortsel, le 6 octobre.

Ce fort, toujours occupé par la Défense Nationale, est un des 8 forts de la ceinture de la ville d'Anvers érigée entre 1859 et 1865.

Il est du type de fort en site aquatique avec réduit au front de gorge.

C'est un fort polygonal, comportant des caponnières et un réduit central important dénommé "De Kat". Ce réduit central est à lui seul un fort dans le fort, en quelque sorte un donjon moderne.

Ce type de fort avait un grand nombre de bouches à feu (± 70 pièces) qui ne pouvaient pas tirer à de grandes distances. Cet armement se composait de canons à âme lisse de calibres 24 et 12 livres dont le tir ne pouvait pas atteindre le fort voisin.

En 1914, cette ceinture de forts âgés d'un demi-siècle, et, par la nature de leur armement, qui était en grande partie à ciel ouvert, ne joua aucun rôle dans la défense d'Anvers.

Le fort de Mortsel est dans un parfait état de conservation et est classé comme site protégé.

Une douzaine de membres ont répondu à l'invitation et c'est sous la conduite du Colonel e.r. Gils que nous avons visité cette fortification. Il est à signaler que les explications données étaient très enrichissantes tant sur le plan historique que sur le plan technique.

Quelques photos en diront plus sur cette visite.

Cliquer pour agrandir

Le Colonel Gils durant son exposé sur une très belle maquette du fort

Cliquer pour agrandir

Commande du pont-levis. Remarquons l'excentrique qui maintenait la chaîne du contrepoids

Cliquer pour agrandir

Le fossé intérieur

Cliquer pour agrandir

Vue sur la cour du réduit.

Cliquer pour agrandir

Vue sur la cour du réduit.

Cliquer pour agrandir

Une galerie du réduit.

Cliquer pour agrandir

Caves à canons d'une batterie basse.

Cliquer pour agrandir

L'intérieur d'une cave à canons.

Cliquer pour agrandir

Emplacement pour lampe d'éclairage d'une poudrière.

Cliquer pour agrandir

Amorce d'une galerie de contre-mine.

(Photos J. Lebeau)

Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site

Noël à Bastogne

Bastogne est certes une très jolie ville. Ou du moins l'était, car en ces sombres journées de décembre 44, elle n'était que décombres.

On avait beau nous raconter que le brouillard empêchait l'aviation d'intervenir, que c'était, en quelque sorte, un accident; que c'était le dernier, mais alors le tout dernier soubresaut de la bête; nous étions bel et bien piégés. L'ennemi, que l'on croyait défait, entourait la ville de toutes parts. Il n'attendait que l'occasion pour nous exterminer. D'ailleurs, ses parlementaires l'avaient bien dit à Mc Auliffe "Nous vous laissons une dernière chance. Rendez-vous. Vous serez bien traités (c'est toujours ça qu'ils disent). Sinon, nous vous détruirons". Notre brave général les avait proprement envoyés à la moutarde en leur lançant un "Nuts" qui n'avait guère cours dans les salons mondains.

Ouais. En attendant, nous, on ne voyait pas le bout du tunnel.

Il faisait bigrement froid. Depuis hier, la neige s'était mise à tomber. Ce n'était pas plus mal, remarquez, même que ça cachait un peu les ruines. Objectivement, c'était assez joli. Subjectivement, c'était un désastre. Il faisait froid partout et, dans le poste de secours que je m'étais bricolé dans une cave, cette poussière de neige s'insinuait partout, maculant les pansements et souillant les blessures. Les soldats pestaient contre cette blancheur qui les rendait si visibles.

"Pour une nuit de Noël, ça va être une nuit de Noël! ..." C'était Walson qui parlait. Il avait un vocabulaire un peu limité, mais c'était un bon infirmier.

"Hein, docteur, que ça va ..." - "Suffit, Walson. Si tu n'as rien d'autre à dire ..." Tout aussitôt, je regrettai d'avoir été un peu vif. Walson était un brave homme. Depuis 24 heures, il soignait sans arrêt les pauvres types qui s'étaient fait avoir. Il n'avait pas dormi, presque pas mangé. Depuis 24 heures, il n'avait marmonné que des "Misère de misère!" en soufflant sur ses doigts gourds. Et maintenant, il me regardait avec de grands yeux étonnés.

"Ecoute, Walson ..."

C'est à ce moment-là que Tuck fit son apparition. Un civil un peu loqueteux le suivait à deux pas. La porte, en s'ouvrant, déchira la couverture qui la colmatait, vaille que vaille. Allons bon. Encore une catastrophe.

"Mon capitaine, vlà un gars qui a besoin d'un docteur. Sa femme va avoir un môme. Vrai, c'est comme ça. Je lui ai dit que c'était pas le moment." Tuck avait un rire bizarre. Ce n'est pas pour rien que les soldats de la compagnie l'appelaient Donald Tuck. Mais tous les gradés ont un surnom et il ne s'en formalisait guère. "Il dit - si j'ai bien compris - que c'est pas loin d'ici, à la sortie du patelin, vers Martelange."

Non. Ce n'était pas possible. Non et non! Un accouchement! La nuit de Noël. Sous la neige. Avec, sans doute, un âne et un boeuf, avec des angelots casqués chantant des cantiques, et avec une étoile camouflée au-dessus de la grange ... On ne me la fait pas. J'ai lu des trucs comme ça quand j'étais gosse. Mais ici, aujourd'hui, non. C'est un coup monté, un gag du plus mauvais goût.

Je n'irai pas.

D'ailleurs, à la sortie vers Martelange, les routes n'étaient pas sûres. On y signalait des patrouilles. Et puis quoi, patrouilles ou pas patrouilles, je ne jouerais pas dans cette pièce. Les auteurs de la blague en seraient pour leurs frais.

Le civil, visiblement, n'avait rien compris. Ses yeux inquiets allaient de Tuck à Walson. Penaud, il évitait mon regard.

Puis, il devint volubile. A mon tour de n'y rien comprendre. Mon français scolaire était très loin. Mais l'homme devenait véhément. J'allais lui expliquer que c'était impossible, que je ne pouvais quitter le poste de secours, que d'ailleurs, je n'y croyais qu'à moitié ... Je me souvins à temps que je ne parlais pas la langue. Alors, par pure paresse, j'enfilai ma parka et je le suivis. C'est comme ça, me disais-je, qu'on devient un héros.

La marche était difficile. Les rues étaient encombrées de gravats et de toutes sortes de décombres. La neige fraîche n'arrangeait pas les choses. Vingt fois, je perdis l'équilibre et vingt fois, l'homme me rattrapa. Bientôt nous fûmes à la limite de la ville mais le bonhomme ne fit pas mine de s'arrêter. Comme je voyais deci-delà quelques soldats américains, je ne m'inquiétai pas outre mesure. Nous traversâmes des champs parsemés d'épaves. Des chars, des camions.

La neige s'était remise à tomber, accompagnant un petit vent aigrelet qui nous mordillait les oreilles. Nous marchions courbés pour offrir moins de prise aux intempéries.

Du doigt, l'homme m'indiqua l'entrée d'une cave. Sans doute y avait-il ici, naguère, une riante fermette, pleine de vie et de chaleur. Nous entrâmes.

Elle était là, couchée sur un lit de camp. Une faible bougie éclairait l'endroit. Située près du plafond, l'unique fenêtre était occultée par une couverture marquée "Wehrmacht". Il ne s'agissait pas d'un accouchement. Un éclat avait vilainement entamé le bras droit. La femme, en perdant son sang, s'en allait doucement. Il n'y avait pas grand-chose à faire. Un garrot, quelques recommandations, un peu de morphine, la promesse de revenir. De toute manière, elle n'en avait plus que pour une heure, peut-être deux. Je fis de mon mieux. En sortant, j'oubliai volontairement mes cigarettes sur la table. Le pauvre homme allait en avoir besoin.

A présent, il faisait complètement noir. La neige avait cessé de tomber. Quelques étoiles piquetaient chichement un ciel d'encre. Pas de lune. Il me suffisait de marcher tout droit jusqu'à la grande ruine que j'avais vue en venant. Puis tourner à droite. Un quart d'heure, au maximum.

Quelques coups de feu éclataient au loin, comme à regret. L'horizon rougeoyait doucement du côté de Martelange. J'avais froid et j'étais de mauvaise humeur. Qui donc avait tué cette malheureuse? Les nôtres? Les Allemands? Allez donc savoir. Un éclat, ça n'a pas de nationalité. Ca ne choisit pas ses victimes. C'est bête, indifférent, ça n'a pas d'opinion. Mais ça fauche des vies, comme ça, sans savoir. La guerre! Misère de misère ... Je pensai à Walson.

En arrivant près de la grande ruine, j'entendis des voix. Enfin. Des sentinelles, sans doute. Il s'agissait de se faire reconnaître, ces gaillards avaient la gâchette facile. Qui sait, peut-être avaient-ils une gourde de whisky? "Voulez-vous une rasade, mon capitaine?" - "Non, non, je ne voudrais pas vous en priver" - "mais si voyons par ce froid ..." - "Vous en avez assez? - "Puisqu'on vous le dit ... Mon gosier se réjouissait déjà.

En m'approchant, je vis qu'ils étaient cinq. Ils avaient - folle imprudence - allumé un petit feu que leurs longues capotes, en l'entourant, masquaient quelque peu. Ils parlaient à voix basse. Je dis "Hello° et ils me firent une petite place.

Il y eut un moment de silence. Le foyer crépitait faiblement. Déjà, je sentais sa chaleur me caresser les jambes; je me trouvais bien. L'un des hommes me tendit sa gourde en me disant quelque chose que je ne compris pas. Je bus goulûment. Ce n'était pas du whisky, mais c'était diablement bon.

Les soldats se remirent à discuter.

C'est alors que mes cheveux se dressèrent sur ma tête. Ces hommes parlaient en allemand! Adieu Bastogne, adieu Tuck, adieu Walson! Ma guerre s'arrêtait ici. Bientôt, je connaîtrais les camps, les barbelés. Ou pire encore. On racontait tant de choses.

Faire demi-tour, m'enfuir à toutes jambes? Il n'y fallait point penser: en campagne, je n'avais aucune chance. Alors quoi? Faire comme si j'étais un des leurs? Oui, à condition de ne pas parler, ça pouvait peut-être marcher. Mais pas longtemps. Je rendis la gourde. Puis, nerveusement, je sortis un paquet de cigarettes (j'avais des réserves). J'en offris autour de moi. Catastrophe! Des cigarettes américaines ... Tant pis. Le mal était fait. Avec l'obscurité, peut-être que ... J'allumai mon briquet et donnai du feu à mes deux voisins. Le troisième, ne voulant pas quitter sa place, me prit le briquet des mains et servit ses camarades.

Je vis alors avec terreur les grandes lettres jaunes qui ornaient le briquet: US ... J'étais pressé d'en finir. Le plus calmement que je pus, je tirai quelques bouffées. Puis je dis "Hay!" et je fis demi-tour.

Je n'avais pas fait vingt mètres que j'entendis courir derrière moi. Voilà. Le point final. Ca devait arriver. Une main se posa sur mon épaule; je me retournai lentement. L'homme me tendit ma trousse de secours. Il sourit et me dit distinctement: "You forgot your case, Sir ..."

Je ne crois guère aux miracles. Mais il y a des jours où je doute.

CESAR

Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site

Pour toute question, remarque, suggestion ou problème concernant ce site Web,
envoyez un      après avoir lu "Correspondants" et "VOS recherches, VOS questions"
Dernière mise à jour: 31 mai 2012