LE FORT DE HUY A TRAVERS LES SIECLES J. LEBEAU L'histoire, dressée suivant l'ordre des temps,nous rapporte que l'éperon rocheux dominant le confluent de la Meuse et du Hoyoux fut occupé très tôt. Il est fait allusion à des fortifications dues à Antonin-le-Pieux (1), à Saint Jean l'Agneau, à Basin de Valois, mais la première mention écrite, date d'un acte de 890. (1) Antonin-le-Pieux: Empereur romain né en 86, régna de 138 à 161 Itinéraire d'Antonin: Important travail géographique ancien dont on ignore la date de publication. C'est une énumération des lieux de l'empire romain et de leurs distances. Muraille d'Antonin (Vallum Antonini) Mur de défense construit sous Antonin en Grande-Bretagne entre le golfe de la Clyde et le golfe de Forth. Il en subsiste des vestiges, connus sous le nom de Graham's Dyke. Au cours des siècles, le château prit de plus en plus d'importance. C'était un poste avancé de la Principauté de Liège qui défendait l'accès de la vallée de la Meuse. Au XVIIe siècle, cette puissante place-forte se prolongeait à l'ouest par la tour TARDAVISEE, le Fort Rouge,le Fort PICARD puis le Fort Joseph et la SARTE. A la fin du XVIIe siècle, une période douloureuse se présenta pour la ville de Huy et son château. Le roi de France, Louis XIV,y tint plusieurs sièges qui donnèrent lieu à des destructions. En 1715, le traité de la Barrière mit fin à ces guerres et les fortifications anciennes furent démolies. Le piton rocheux resta vide jusqu'à son arasement un siècle plus tard par les Hollandais. En 1815, notre pays, par le traité de Vienne, fut rattaché aux Pays-Bas et dut se préserver d'un retour possible de partisans de Napoléon Ier. C'est ainsi que le Lieutenant-Colonel Ingénieur CAMERLINCK conçut les plans du fort actuel qui devait à nouveau défendre l'accès de la vallée de la Meuse comme au temps de la Principauté de Liège. Le 6 avril 1818, le prince Frédéric d'Orange assista à la pose de la première pierre; la façade principale au Sud est construite vers la France. Le fort est bâti en forme de triangle de 148 x 107 x 44 mètres de coté et est à une altitude de 45 mètres au-dessus du fleuve. Les travaux de construction durèrent cinq ans et coûtèrent un million cent vingt mille Florins. Seul l'ancien puits du XIIe siècle, amélioré sous Erard de la Marck au XVIe, fut conservé pour alimenter en eau une garnison de 600 hommes dont 100 canonniers. Durant 12 années, aucun événement militaire ne vint troubler la vie de la garnison. En 1830, 1a bourgeoisie hutoise était orangiste en grande majorité; par contre, le peuple ne l'était pas, Aussi le 4 septembre, celui-ci, entraîné par un batelier surnommé MAME, et à l'annonce de l'arrivée des troupes hollandaises, forca-t-il la garde du fort à lui remettre la clef d'entrée de la grande porte. Un drapeau aux couleurs liégeoises avec les mots "LIBERTE - SECURITE" fut arboré sur le plateau. Les Hollandais ne revinrent plus à Huy. Le fort fut désaffecté en 1831 (jusqu'en 1848) pour devenir. prison d'état. Les 17 principaux condamnés de l'échauffourée de Risquons-Tout y furent incarcérés, isolément dans des cellules et sans visite.(2) (2) Le 29 mars 1848, deux mille ouvriers se présentent à la frontière près de Mouscron, en route pour Bruxelles où ils veulent proclamer la république. Ils furent dispersés par l'infanterie du Général Fleury-Duray et leurs chefs traduits en Cour d'Assises virent leur peine commuée en réclusion. Le dernier quitta Huy en janvier 1855. En 1876 - 1880, 1e fort fut repris par le Général BRIALMONT sur la liste des ouvrages du système défensif de la Meuse et ne fut pas modernisé. En août 1914, le fort ne joua aucun rôle; les troupes allemandes entrèrent le 15 à Huy et prirent possession du fort. L'armée allemande y établit un camp de discipline pour ses propres troupes, réfractaires ou déserteurs; ceux-ci y étaient soumis par leurs gardes à un régime très strict. En novembre 1918, le fort servit de centre d'hébergement pour des prisonniers russes et c'est en 1920 que l'Ecole régimentaire du 14e de Ligne prit possession du bâtiment pour s'y installer jusque 1932. C'est alors que la Défense Nationale autorisa l'utilisation du plateau à des fins touristiques jusqu'en 1937 pour le réoccuper ensuite. En 1940,1e fort ne joua aucun rôle militaire et fut occupé par l'armée allemande. Dés septembre 1940, le fort devint un camp de détention pour civils anglais ou étrangers et ensuite un bagne où séjournèrent plus de 7.000 opposants au régime de l'occupant. Dix y moururent de mauvais traitements et cinq y tombèrent sous les balles du peloton d'exécution. Le 5 septembre 1944, les détenus qui n'avaient pas été envoyés vers les camps de concentration en Allemagne furent libérés. La Résistance occupa le fort et, le 12 septembre 1944, le Ministère de la Justice y installa un centre d'internement pour inciviques et collaborateurs. Depuis le 31 décembre 1946, le fort a repris sa vie paisible d'attraction touristique. Actuellement, le fort, propriété de la ville de Huy, est avec le site environnant, classé par Arrêté Royal du 1er octobre 1976. Le château de Huy au XVIe siècle
Le fort de Huy jadis
Le fort, actuellement Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site Un document de 1889 – Le livret militaire d'un milicien infirmier Pierre Beaujean Dans un bulletin antérieur, nous avons examiné le livret d'un armurier, engagé pour six ans, effectuant son service à l'artillerie de 1870 à 1876. Cette fois, le livret concerne l'infanterie. La mise en page et le texte en sont un peu différents de ceux de l'artilleur, mais on y retrouve les mêmes éléments. Une inscription à la plume sur la couverture en vessie de porc indique: Hôpital Diet. Le milicien était infirmier et a servi du 1er octobre 1889 au 31 octobre 1892, soit trois ans et un mois. On pourrait supposer que l'intéressé a été maintenu sous les armes; cependant, il est nommé soldat de première classe et nous verrons sur le titre de congé définitif qu'il a obtenu le certificat de bonne conduite (1) (1) Il a vraisemblablement pris du congé, ce qui postposait sa libération. Après un aussi long service, l'intéressé a encore effectué un rappel du 18 au 25 avril 1893 et a été présent aux revues annuelles du 21 novembre 1893, 20 novembre 1894, 20 novembre 1895 et 18 novembre 1896. Il avait vraiment fait une mauvaise affaire en tirant au sort le N° 709, à Liège. Page de couverture (verso) La lecture des instructions sur les livrets des hommes, permet de comprendre le système de la "masse d'habillement". Une remarque: dans le livret de Jean Verbeeck, ce n'est pas le commandant de la compagnie qui a apposé sa signature à la fin de chaque trimestre, mais bien "l'administrateur". Pages 2 et 3 Le signalement et un minimum d'indications matriculaires. Page 4 En 1870, l'armurier artilleur n'avait reçu qu'une pièce de chaque espèce. En 1889, le fantassin infirmier reçoit, entre autres, trois chemises, deux caleçons, deux pantalons de toile, deux paires de chaussettes et deux paires de bottines. Si le bonnet de coton (!) est prévu ici, mais non distribué, le charivari n'apparaît pas, ce qui semble logique, maintenant que nous savons qu'il s'agit de couvre-oreilles anti-bruit, prévu pour des artilleurs. La paire de bretelles a vu son prix fortement diminué: cinquante centimes, contre 1 franc 55 centimes que coûtait celle de l'artilleur. Par contre, la patience du fantassin lui est facturée neuf centimes; celle de l'artilleur en valait trois. Pages 5 à 11 Je laisse le lecteur apprécier la grande rigueur du décompte qui grève le milicien d'une dette de 107 francs 99 centimes, dès son entrée en service. Remarquons que le premier poste est un numérotage à l'aiguille pour 45 centimes. Notre homme n'avait donc pas dû effectuer lui-même ce travail qui consistait à marquer tous ses objets d'habillement de son numéro matricule, en l'occurrence, 6.426. Et, cruauté redoublée, non seulement, on refilait à la recrue des objets usagés, mais encore on lui réclamait le prix des réparations et des ajustements. Exemple: tunique, 4 décimètres de coutures à 40 centimes; 3 boutons moyens pour 12 centimes; 2 pièces de drap pour 50 centimes et même un peinturage du bassin pour 6 centimes etc. Suprême luxe, non prévu initialement lors de l'impression du livret: 5 sachets à vivres, 2 ceintures de flanelle et un trousseau (?). Chaque journée qui passe représente une retenue ordinaire de 20 centimes et va contribuer à diminuer la dette d'autant. Ce n'est qu'en décembre 1891, après plus de deux ans, que le solde deviendra créditeur. Il représentera un avoir de 32,55 francs lors de la mise en congé illimité. Cette somme ne sera pas remise à l'intéressé, même après son rappel de 1893. Elle restera inscrite à son crédit jusqu'à sa mise en congé définitif, c'est-à-dire tant qu'il sera en possession d'une tenue de "permissionnaire". Une chose étonnante: on a bien pris son temps, après le départ en congé du milicien, pour réparer son sabre et lui facturer, le 25 novembre, les frais de remise en état. Le procédé est cependant prévu dans les instructions de la page de couverture, moyennant une mention spéciale. Il est à remarquer que le fantassin a reçu, dès son entrée en service, son équipement complet, tandis que l'artilleur de 1870 ne l'avait reçu que petit à petit, comme si l'armée n'avait pas voulu lui accorder un trop grand crédit. Qu'il me soit permis ici deux réflexions personnelles. · Nous sommes loin du système actuel, où le commandant d'unité peut "mettre à charge de l'état" la plupart des dégradations à l'équipement parce qu'elles sont la conséquence d'un usage à l'exercice et où il faut presque plaider en justice pour récupérer sur la solde, des dégradations volontaires. · Mon père, qui a fait son service en 1908, disait que les galons de fourrier, grands et obliques sur les avant-bras, représentait le V de voleur lorsque ce gradé joignait les mains. Le système de comptabilisation, tel qu'il apparaît dans le livret militaire, explique peut-être ce préjugé. Pages 12 à 15 Vierges d'inscriptions. Pages 36 et 37 Consacrées au feuillet de tir, elles sont vierges d'inscriptions, l'infirmier étant armé du sabre. Pages 38 à 43 (non reproduites) S'y trouve un extrait du code pénal militaire dans les deux langues nationales. Pages 44 à 46 Elles reprennent les obligations des militaires en congé et des hommes appartenant aux 11e, 12e et 13e classes. Est reproduite la page 46 et son chapitre III qui concerne les revues. A côté, se trouve la copie de la page 27 de l'"Extrait du Livret de Mobilisation" qui porte les certificats de présence aux revues annuelles. La dernière page (non reproduite) Elle donne, sous le titre "CROIX ROUGE", un extrait de la Convention de Genève du 22 août 1864. Recto de la couverture Y sont imprimées les modalités des "Engagements avec prime". En complément du livret militaire, le milicien en congé illimité détient un "Extrait du livret de mobilisation", sous couverture en papier léger de teinte bleue et rédigé dans les deux langues nationales. Sont reproduites la page 1, la page 2 avec les "Devoirs généraux du soldat" qui méritent une lecture attentive et la page 4 qui détaille la tenue de congé des permissionnaires, suivant l'Arme. Je suis rassuré en constatant que tous emportent … leur paire de bretelles. La page 5 présente le cartouche de congé du 1er octobre 1893, date qui n'apparaît pas dans le livret. Le cartouche de congé Daté d'avril 1893, il place l'infirmier de 1ère classe VERBEEK en congé illimité à Liège et porte les signatures du Commandant de la Place de Diest, du Bourgmestre de Liège, pour remise à l'intéressé, du Commandant de la 4e Compagnie du Bataillon d'Administration et du médecin qui a trouvé le milicien en bonne santé apparente. Le titre de congé définitif Le 1er octobre 1899, le Commandant du Bataillon d'Administration accorde congé définitif au sieur VERBEEK, qui a obtenu le certificat de bonne conduite. Et enfin … il lui est payé la somme de 35,55 francs, valeur de ses effets. Que sont devenus les 33,75 francs après le rappel, inscrits à son avoir dans le livret? "Toutes les autorités civiles et militaires sont invitées à le laisser passer et à lui donner aide et protection en cas de besoin". Et l'intéressé est invité à signer. Pour la cause, il est dénommé en français "le congédié" et en néerlandais "de verlofganger", traduction habituelle de "permissionnaire". Le congédiement n'avait sans doute pas, en ce temps-là le sens péjoratif qu'il a actuellement. Le jargon militaire emploie toujours cependant l'expression "congédier une classe de milice".
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