CONSTRUCTION DES FORTS DE LA MEUSE DE L'EPOQUE BRIALMONT(1888 - 1891)André GANY Avant-proposCette notice a essentiellement pour but de faire connaître au public intéressé la manière dont a été réalisée la double ceinture de fortifications autour de LIEGE et NAMUR en 1888-1891, telle que l'ont conçue et voulue les autorités militaires belges de l'époque. La vérité historique oblige à reconnaître qu'il s'est agit là d'une véritable révolution technologique et stratégique. Mariant pour la première fois en fortification le béton de ciment et la coupole blindée en une réalisation de grande ampleur, notre pays a fait à l'époque figure de pionnier. Dans les pages qui suivent, l'intérêt s'est porté sur les différentes facéties de la construction des massifs bétonnés. C'est ainsi que seront évoqués successivement les plans initiaux, les problèmes d'approvisionnement en matériaux et ciment, les techniques employées pour le coffrage et le bétonnage ... Cette construction qui constitue une sorte de "première" mondiale est due essentiellement à la ténacité, à l'ampleur de vue et à la compétence technique du Lieutenant-Général BRIALMONT, à l'appui inconditionnel du Roi Léopold II, aux efforts des exécutants civils et militaires qui ont mis tout leur savoir-faire au service de ces ouvrages essentiels pour la défense de la BELGIQUE. Je tiens à remercier les personnes et organismes suivants pour leur aide précieuse : - Monsieur DEGRIJSE : Conservateur adjoint au Musée Royal de l'Armée - Col BEM VAN RUYCHEVELT : Directeur du Service de l'Historique des Forces Armées belges - Le Service Général des Constructions Militaires dans le chef de ses 3e et 8e Directions Régionales - Le Centre Liégeois d'Histoire et d'Archéologie Militaires. Chapitre 1 - Les prémisses1. Préambule - L'artillerie allemande avait fait après 1883 au polygone de CUMMERSDORF des tirs avec obus-torpilles prouvant qu'aucune des voûtes (en maçonnerie) construites jusqu'alors ne résistait au choc et à l'explosion de ces obus. Mais rien ne transpira du résultat de ces épreuves. - En 1886, les effets d'un tir exécuté contre le Fort de la MALMAISON avec des mortiers rayés de 220 lançant des obus de 5 calibres de longueur chargés de mélinite parurent si effrayants qu'on en conclut que le temps de la fortification permanente était passé ... - Pour arriver à une conclusion pratique, on jugea nécessaire d'exécuter de nouveaux tirs avec les mêmes bouches à feu et les mêmes projectiles contre ure voûte en béton de ciment de 1 m 50 d'épaisseur construite sur le polygone de BOURGES. Ces expériences n'étaient pas terminées quand le 1er janvier 1887 nous fûmes chargés de faire les projets de têtes de pont de LIEGE et de NAMUR... ... Mais nous en savions assez pour être convaincu que désormais on ne pourrait plus créer des forts en état de résister aux nouveaux moyens d'attaque sans employer du béton de ciment de Portland pour les voûtes et sans protéger au moyen de coupoles sinon la totalité au moins une grande partie de l'armement (1). (1) "Progrès de la défense des Etats et de la fortification permanente depuis VAUBAN" Lieutenant-Général BRIALMONT - 1898. 2. Décision gouvernementale Les prémisses de la construction des fortifications sur la MEUSE remontent à la parution en 1882 d'un ouvrage du Général Henri Alexis BRIALMONT consacré à la "Situation Militaire de la BELGIQUE". Le Général y propose en effet la création d'une ceinture de forts modernes autour des villes de LIEGE et NAMUR afin de contribuer à la défense de la neutralité de la BELGIQUE. Le 31 Dec 1886, le Ministre de la Guerre invite le Général BRIALMONT à lui faire des propositions fermes à ce sujet. Le 1er février 1887, le Lieutenant-Général BRIALMONT, Inspecteur Général des Fortifications et du Corps du Génie transmet au Ministre de la Guerre les plans-type du fort qu'il propose d'adopter pour les têtes de pont de LIEGE et NAMUR. Y est joint un devis estimatif de la dépense à faire pour la construction de ces ouvrages. Voici la description des défenses que BRIALMONT propose au Gouvernement : "Les forts eux-mêmes sont fort simples : un massif central, en béton, protégeant le bureau de tir, - centre nerveux du fort - ainsi que des magasins et des coupoles pour canons de 15 et de 12 et des obusiers de 21. Autour de ce massif, un triangle, également en béton, couvrant des galeries dans lesquelles les fantassins attendent l'assaut à l'abri du canon, est surmonté d'un rempart d'où les défenseurs, à coups de canons-revolvers, mitrailleuses et fusils, faucheront l'assaillant cloué sur place par les "barbelés" ceinturant l'ouvrage. Aux angles du rempart triangulaire, des coupoles à éclipse joignent leur feu à celui des fantassins pour la défense rapprochée. Si, d'aventure, le bombardement de l'ennemi a eu raison des barbelés, l'assaillant, descendu dans le fossé, y sera pris de flanc par le canon des canonnières ou caves à canons. Enfin, un personnel d'observation, répandu dans les clochers du voisinage, sur les points dominants, près des carrefours, suit, téléphone à la main, la marche de l'adversaire, afin de déclencher au moment propice le tir du fort". Ce système défensif résiste aux pièces de 220 utilisées par les armées allemandes et françaises à cette époque. Le 01 Juin 1887, après des débats difficiles et houleux, le Parlement belge approuve le concept défensif et vote les crédits nécessaires à sa réalisation, soit 24 millions de francs - or". En fait ce montant sera rapidement revu à la hausse, compte tenu des expériences de la MALMAISON et de BOURGES pour s'établir à 54 millions de francs-or, le 10 avril 1888. Près de 4 ans plus tard, les travaux étant terminés, le décompte final plafonnera à 71,6 millions de francs. 3. Mise en adjudication des travaux - Le 1er mars 1888, BRIALMONT transmet les pièces nécessaires à la mise en adjudication au Ministre de la Guerre par note manuscrite. Cette note contient essentiellement les devis et cahier des charges plus quatre bordereaux de prix (Il s'agit en effet, d'un marché à bordereaux de prix ! ). Le cahier des charges numéroté 20869 reçoit l'approbation du Ministre le 1er avril de la même année. Appel est alors fait aux soumissionnaires belges et étrangers. L'ouverture des offres a lieu le 08 mai 1888 à LIEGE au siège de la 4e Direction des Fortifications. - Dans l'entre temps, l'implantation exacte des différents ouvrages est définie et les terrains nécessaires sont acquis par actes de vente passés devant les Gouverneurs de province intéressés et transcrits à la Conservation des hypothèques. On procède également aux travaux de topographie et de sondage indispensables. 4. Firme adjudicatrice Le 1er juillet 1888, l'entreprise est adjugée dans son entier aux entrepreneurs français MM Adrien RALLIER, LETELLIER Frères et Jules BARATOUX. Cette firme installe immédiatement son PC à LIEGE. Dès le 12 juillet, les premières instructions de service sont diffusées et le premier "coup de pelle" est donné le 28 juillet suivant. Chapitre II - Construction des forts5. Objet et nature de l'entreprise - Ampleur des travaux a. L'objet de l'entreprise, aux termes du Cahier des charges, consistait dans la construction de 12 forts défendant la vallée de la MEUSE autour de LIEGE, à savoir : les forts de PONTISSE, LIERS, LANTIN, LONCIN, HOLLOGNE et FLEMALLE, situés sur la rive gauche du fleuve; et ceux de BARCHON, EVEGNEE, FLERON, CHAUDFONTAINE, EMBOURG et BONCELLES, situés sur la rive droite; - et de 9 forts défendant les vallées de la SAMBRE et de la MEUSE autour de NAMUR, à savoir : les forts de MALONNE, SAINT-HERIBERT, SUARLEE, EMINES, COGNELEE et MARCHOVELETTE, établis sur la rive gauche de la MEUSE; et ceux de MAIZERET, ANDOY et DAVE, établis sur la rive droite. Ces forts répondaient à deux schémas différents, le schéma triangulaire et le schéma quadrangulaire selon la configuration géomorphologique des sites choisis. Plan-type du fort quadrangulaire de MALONNE) b. Les travaux comportaient essentiellement : - Les déblais et remblais nécessaires pour l'établissement des ouvrages d'art et la confection des glacis. - La construction d'ouvrages d'art comprenant des locaux voûtés pour logements, magasins et batteries, des massifs en béton pour protéger les coupoles, des gaines de communication, des revêtements en décharge et des murs de soutènement; - La construction de puits, citernes, égouts, aqueducs, etc ...; - Le détournement de chemins pavés et empierrés existant à l'emplacement des forts. L'ensemble comportait approximativement, en dehors des fournitures diverses de pierres de taille pour escaliers, couronnements de murs, encadrements de portes, etc., ainsi que de ferrures pour les bâtiments, et de pavages ou empierrements pour les routes à détourner, les quantités suivantes :
6. Les contraintes a. L'entreprise des forts de la MEUSE posait un certain nombre de problèmes spécifiques. - Celui tout d'abord des quantités très importantes de matériaux à mettre en oeuvre. - Celui ensuite de la dispersion géographiques des sites choisis pour l'implantation des forts, sites généralement placés sur des points dominante du terrain le plus souvent éloignés des voies de communication traditionnelles. - Mais la condition la plus défavorable était la courte durée imposée pour l'achèvement des deux enceintes. Cette durée n'était que de trente mois, sur lesquels l'Entreprise ne pouvait guère disposer que de quinze mois de travail effectif pour l'exécution des maçonneries, parce que cette opération devait être précédée de terrassements considérables, et de la mise en oeuvre des installations nécessaires aux services des approvisionnements. Examinons successivement chacune de ces contraintes. b. Approvisionnement en matériaux - Les sables et galets provenaient généralement de draguage en rivière (MEUSE, OURTHE, SAMBRE). Il a donc été nécessaire de prévoir une flottille suffisante de dragues, remorqueurs et barges. Le gravier était livré à l'emplacement des forts par le moyen de transport le plus rapide et le moins coûteux. - La fourniture des ciments qui s'élevait au chiffre énorme de près de 300.000 tonnes, soit 30.000 wagons de 10 tonnes chacun, et devait être livrée dans les délais nécessaires pour arriver à terminer les travaux en trente mois posait évidemment un énorme problème. Cinq usines dont deux françaises, la Compagnie nouvelle de ciments de Portland du Boulonnais et la Société des ciments français de Boulogne-sur-Mer et de Desvres, et trois belges, la Société de Niel-on-Ruppel, MM. Dufossez et Henry, et MM. Locose et Lévie, de Cronfestu, ont concouru à cette fourniture. Il a fallu répartir la fabrication suivant ce que chaque producteur pouvait fournir, et en tenant compte de la situation topographique des usines, de manière à économiser les transports. - Pour les bois, on devait tabler sur un cube approximatif de 800 mètres pour chaque fort, sans compter les réemplois. - Il fallait, en outre, les bois et planches nécessaires pour les nombreux baraquements à édifier dans chaque fort, pour les estacades et les ponts de la ligne stratégique et des plans inclinés. L'Entreprise eut recours, pour ces approvisionnements, aux fournisseurs du pays, et fit venir du Havre à Anvers, par expéditions complètes, les bois qui lui appartenaient. - Les briques, qui devaient être employées à la construction des 22.000 mètres cubes de maçonneries pour murs et égouts, ont été commandées sur les lieux ou fabriquées à proximité des forts, quand on y a rencontré des couches de bonne qualité. - Les carrières de l'Ourthe ont donné la pierre de taille nécessaire. - L'eau enfin était puisée sur place ou amenée depuis la rivière la plus proche par conduites de refoulement. c. Approvisionnement en matériaux (1) L'importance considérable des travaux à exécuter sur chaque chantier, tant pour les terrassements que pour le coulage du béton, la répartition des chantiers sur des circuits, l'un de 60 kilomètres à Liège, l'autre de 40 kilomètres à Namur, feront aisément concevoir la nécessité qui s'imposait dès l'origine, à l'Entreprise de réunir un matériel considérable. Il s'agissait en effet de construire et d'exploiter pour le service des approvisionnements, 100 kilomètres environ de chemin de fer à voie de 1 mètre (dénommé "Voie stratégique"), et d'assurer l'exécution de terrassements s'élevant à plus de trois millions de mètres cubes, concurremment avec la fabrication et le coulage d'environ 1.200.000 mètres cubes de béton. Le matériel réuni et mis en oeuvre sur les chantiers ne comportait pas moins de 60 locomotives, 75 locomobiles ou machines fixes et 2.000 wagons. Une bande de terrain de 12 mètres de largeur reliant les forts entre eux à l'exception des forts d'Embourg et de Boncelles (Liège ), et des forts de Saint-Héribert et de Malonne (Namur), devait être mise gratuitement par l'Etat, à la disposition de l'Entreprise dans un délai de trois mois à compter du jour où elle aurait pris cours. Les Entrepreneurs étaient autorisés à exécuter à leur frais, sur cette bande de terrain, les travaux nécessaires pour y établir telles voies qui leur conviendraient, pour desservir les différentes sections des travaux. Par suite des retards survenus dans la livraison de la bande de terrain qui devait assurer la communication entre les différents forts, le terme d'achèvement des travaux a ultérieurement été prorogé de six mois, et porté au 28 juillet 1891. d. Application au cas de la position fortifiée de NAMUR - Les forts de Malonne et de Saint-Héribert que leur situation entre Sambre et Meuse séparait du reste des ouvrages, et pour lesquels le Cahier des charges spécifiait d*ailleurs l'isolement au point de vue de la route militaire, ont été pourvus d'installations spéciales. Elles ont consisté en un chemin de fer aérien de 1.000 mètres de développement élevant les matériaux nécessaires aux deux forts de la vallée de la Sambre en face de la station de Flawinne sur le chemin de fer de Charleroi à Namur à la cote (85 m) jusqu'au fort de Malonne à la cote (200). Les sables et galets extraits du lit de la Sambre étaient rangés, après triage, le long de la rivière, sur la rive gauche en aval de l'écluse de Flawinne, et le chemin de fer aérien franchissait la partie canalisée pour atteindre les pentes des bois de la Vecquée, où se trouve le fort. Les ciments y étaient montés par le même procédé et étaient pris aux magasins installés par l'Entreprise à la gare de Flawinne. La capacité de transport du chemin de fer aérien atteignait 800 tonnes par jour. Ces divers matériaux se déchargeaient sur les voies de la gare du chemin de fer aérien pour le service du fort de Malonne, ou bien étaient directement déversés dans des grands wagons s'ils devaient être employés au fort de Saint-Héribert. Une voie ferrée établie à ses frais par l'Entreprise et dont le développement atteignait 7 kilomètres, reliait les deux chantiers. - Pour le fort de Suarlée, l'Entreprise a trouvé plus avantageux de profiter du voisinage de la gare de Rhisnes, sur la ligne de Namur à Bruxelles, que de recourir à un prolongement de la route militaire au delà du fort d'Emines. Le raccordement était à voie normale et avait 2.500 mètres de longueur; il amenait au fort sans transbordement, les ciments qui venaient par la voie ferrée. Celle-ci transportait également les sables et galets qu'elle prenait par un raccordement aux cavaliers de dépôts établis sur le quai de Namur en amont du pont du Luxembourg, et alimentés par les installations de draguages fonctionnant sur la Meuse en aval de la ville, vers Samson. - En ce qui concerne les trois forts d'Emines, Cognelée et Marchovelette, l'approvisionnement des ciments s'effectuait à l'aide d'un raccordement de la voie stratégique avec la ligne de Namur à Tirlemont près de Cognelée. Ce dernier fort possédait des ateliers et des magasins généraux, et servait de centre d'approvisionnement au groupe. Les sables et galets étaient fournis par le dépôt établi à Namur. - Les 3 forts de la rive droite (Maizeret, Andoy et Dave) ne formaient qu'un seul groupe. L'approvisionnement des sables et galets se faisait à l'aide d'un plan incliné qui venait prendre les matériaux déposés en cavaliers à Samson sur la Meuse, et les amenait au fort de Maizeret. Ils étaient ensuite transportés aux deux autres forts par la voie stratégique. Quant aux ciments, ils arrivaient au dépôt de Naninne situé sur le chemin de fer de Namur à Arlon, auquel est raccordée la voie stratégique. Le fort de Maizeret, qui servait de tête de ligne, était pourvu d'ateliers de réparations. - Quant à l'alimentation d'eau, elle était assurée : à Malonne par une prise dans la Sambre avec refoulement en conduite forcée; à Saint-Héribert par un captage et refoulement des eaux souterraines de la vallée qui fait face au fort; à Suarlée et à Emines par le puits Sainte-Barbe creusé dans le plateau de Frizet, avec refoulement; à Cognelée par une nappe d'eau souterraine dont on refoulait une partie pour desservir le fort de Marchovelette; à Andoy et Dave, par une prise d'eau en MEUSE via Maizeret. e. La main d'oeuvre Hormis les cadres propres à l'entreprise, toute la main d'oeuvre banalisée a été recrutée localement. Les journaux Namurois de l'époque citent les chiffres de 3.000 à 5.000 ouvriers pour l'ensemble de la position fortifiée de Namur soit 4 à 500 par fort. La grosse majorité des charpentiers, menuisiers, maçons, mécaniciens, terrassiers ... était belge mais 14 % de la main-d'oeuvre était composée d'étrangers. Le salaire journalier oscillait entre 3 et 5 fr. La présence d'une telle quantité de personnes étrangères dans les villages des alentours n'a pas été sans inconvénient pour la population locale(vol, maraude, bagarres ...). Le nombre d'accident s'est élevé à 38 dont 10 tués. Causes habituelles : éboulement, explosion, effondrement de voûtes ou passerelles ... 7. Exécution des travaux a. Organisation générale Les caractères communs que présentaient les travaux à exécuter dans les 21 forts ont conduit les entrepreneurs à étudier pour les chantiers une organisation générale susceptible de réaliser à la fois la facilité de conduite pour le service central, la rapidité dans l'exécution, et l'emploi économique des moyens d'action. Les principes généraux adoptés pour toutes les installations du matériel de fabrication sont exposés de la manière suivante dans l'ordre de service donné par M. Adrien HALLIER à ses agents, en date du 12 juillet 1888 : Ordre de service du 12 juillet 1888. M. PAVY, ingénieur principal de la construction des forts de la rive gauche de Liège, M. PLUMEY, ingénieur principal de la construction des forts de la rive droite, M. RAIMBAULT, ingénieur principal de la construction des forts d'Embourg et de Boncelles, M. VASSET, ingénieur principal de la construction des forts de Namur. Sont invités a faire étudier de suite sur chaque fort les emplacements qui sont nécessaires pour l'installation des chantiers et les dépôts des matériaux en approvisionnement. On devra chercher à se tenir sur chaque fort, tout d'abord à la gorge pour les installations de fabrication du béton, et ensuite sur l'un des côtés du fort, celui qui pourra le mieux s'orienter par rapport à la voie d'accès des approvisionnements. Il faudra aussi voir dans les forts, où il y a des excédents de terrain, si on ne pourrait pas se servir de ces excédents. On devra, en règle générale, chercher absolument a utiliser les glacis. — Pour cela il est nécessaire de s'entendre avec les officiers chefs de chantiers pour les dépôts de terre que le Génie compte faire sur les glacis en dehors des remblais qui seront quelquefois nécessaires pour le règlement de ces glacis; règlement qu'on pourrait au besoin faire de suite s'il était nécessaire avant l'établissement de nos installations. On devra également, tout en se tenant sur les glacis, se placer a une cote assez élevée pour permettre l'arrivée des dépôts aux installations pour les bétons, sans rampe ascendante autant que possible. Le plan des installations sur chaque fort se compose : 1° D'une installation pour la fabrication des mortiers et bétons. — Cette installation devra autant que possible se trouver a la gorge de l'ouvrage, et être établie a la même cote de niveau que la crête de la contrescarpe au moins et plus haut si possible. 2° D'un magasin pour les ciments pouvant contenir la consommation pour huit jours, établi à proximité de la fabrication des mortiers et bétons, et en bordure de la voie générale d'approvisionnements. 3° D'un petit magasin pour les huiles et graisses. 4° D'un hangar pour charronnage et pour une petite forge. 5° Des emplacements pour les dépôts de sable et galets. (Importance de ces dépôts : 15.000 m³).' 6° Les projets pour chacun des forts devront être remis à la Direction à Liège le 1er août au plus tard, et copies de ces instructions devront être adressées ce jour à MM. Pavy, Plumet, Raimbault et Vasset. Signé : ADRIEN HALLIER Liège, le 12 juillet 1888. b. Exécution des terrassements Le cube des terrassements par fort a varié entre 100.000 et 175.000 mètres cubes, sans les reprises. (BRIALMONT avait prévu 142.000 m³ dans ses plans-type). La progression à observer dans l'exécution de cette partie du travail était particulièrement commandée par celle de l'exécution du béton, mais elle dépendait encore des délais possibles, de l'importance des cubes de déblais, de remblais et d'excédents, de la nature des déblais et du matériel disponible, le même genre de matériel ne pouvant être simultanément employé dans chaque fort. Tout d'abord, il convenait d'éviter autant que possible les reprises, et par suite, de mettre les déblais à leur emplacement définitif, ce qui revenait à n'attaquer les terrassements qu'à l'emplacement même des maçonneries, et à n'enlever les excédents que le plus tard possible. Le matériel de fouille se réduisait aux moyens ordinaires, pelles, pioches, pics, barres à mines, burins, pinces, etc. Le matériel de transport se composait de petits plans inclinés avec wagonnets à voie de 0,40 m, actionnés par des treuils à vapeur. On a également fait usage de rampes à voie de 1 mètre remontées par des locomotives de 7 à 15 tonnes en service : ces locomotives remorquaient des rames de wagons cubant en général 2 mètres et chargés à la pelle. Dans certains terrains on eût pu employer des excavateurs. Mais le plan des forts ne comportant pas de longs alignements comme les chemins de fer et les canaux, leur emploi aurait été onéreux pour un cube relativement restreint. Le corps des remblais des glacis et des remparts se faisait avec les décombres, les terres ordinaires et les rocailles. Toutes les terres de remblai ont été soigneusement pilonnées. c. Fabrication du béton (1) Le mode de confection prescrit par le Cahier des charges comportait le mélange à sec des quantités de sable, de galets et de ciment correspondant à un quart de mètre cube environ, et dans les proportions fixées par les dosages indiqués, puis l'addition au mélange de l'eau nécessaire; enfin, le travail à la griffe ou au rabot. La fabrication mécanique était également autorisée, au choix de l'Entreprise, sous les conditions suivantes : 1° La vitesse d'écoulement du béton sortant des appareils, et l'arrosage des matières premières devaient être réglés dans chaque fort par l'officier surveillant; 2° Les matières composant le béton devaient être mélangées à sec avant d'être introduites dans l'appareil. Composition des bétons : p.m. (Ceci fait l'objet d'une autre communication) Ordre de service du 12 juillet 1888 M. PAVY, ingénieur principal de la construction des forts de la rive gauche de Liège, M. PLUMET, ingénieur principal de la construction des forts de la rive droite, M. RAIMBAULT, ingénieur principal de la construction des forts d'Embourg et de Boncelles, M. VASSET, ingénieur principal de la construction des forts de Namur. Sont invités à faire étudier de suite sur chaque fort les emplacements qui sont nécessaires pour l'installation des chantiers et les dépôts des matériaux en approvisionnement. On devra chercher à se tenir sur chaque fort, tout d'abord à la gorge pour les installations de fabrication du béton, et ensuite sur l'un des côtés du fort, celui qui pourra le mieux s'orienter par rapport à la voie d'accès des approvisionnements. Il faudra aussi voir dans les forts, où il y a des excédents de terrain, si on ne pourrait pas se servir de ces excédents. On devra, en règle générale, chercher absolument à utiliser les glacis. — Pour cela il est nécessaire de s'entendre avec les officiers chefs de chantiers pour les dépôts de terre que le Génie compte faire sur les glacis en dehors des remblais qui seront quelquefois nécessaires pour le règlement de ces glacis; règlement qu'on pourrait au besoin faire de suite s'il était nécessaire avant l'établissement de nos installations. On devra également, tout en se tenant sur les glacis, se placer a une cote assez élevée pour permettre l'arrivée des dépôts aux installations pour les bétons, sans rampe ascendante autant que possible. Le plan des installations sur chaque fort se compose : 1° D'une installation pour la fabrication des mortiers et bétons. — Celte installation devra autant que possible se trouver à la gorge de l'ouvrage, et être établie à la même cote de niveau que la crête de la contrescarpe au moins, et plus haut si possible. 2° D'un magasin pour les ciments pouvant contenir la consommation pour huit jours, établi à proximité de la fabrication des mortiers et bétons, et en bordure de la voie générale d'approvisionnements. 3° D'un petit magasin pour les huiles et graisses. 4° D'un hangar pour charronnage et pour une petite forge. 5° Des emplacements pour les dépôts de sable et galets. (Importance de ces dépôts 15.000 m³.) 6° Les projets, pour chacun des forts devront être remis à la Direction à Liège le 1er août au plus tard, et copies de ces instructions devront être adressées ce jour a MM. Pavy, Plumet, Raimbault et Vasset. Signé : ADRIEN HALLIER Liège, le 12 juillet 1888. (2) L'importance du cube de béton à fabriquer et la brièveté des délais imposaient naturellement la fabrication mécanique. Mais il y avait lieu de discuter si l'on prendrait le système de bétonnière dite anglaise qui est implicitement indiquée par les prescriptions ci-dessus, ou si l'on adopterait le mode de fabrication employé déjà par les entrepreneurs au HAVRE, et comportant deux périodes distinctes, l'une pour la fabrication du mortier, l'autre pour son mélange à la pierre cassée ou aux galets. On sait que la bétonnière anglaise consiste essentiellement en un cylindre incliné animé d'un mouvement de rotation. Le mortier n'est pas préparé préalablement : les trois éléments du béton, c'est-à-dire le sable, le ciment et les galets sont introduits simultanément par une trémie placée à l'extrémité supérieure du cylindre le mélange s'effectue donc directement entre eux sous l'influence du mouvement de rotation, et de l'eau, et le béton confectionné est recueilli à l'extrémité inférieure du cylindre. Avec le second type, la fabrication se divise en deux périodes consécutives : on commence par mélanger à sec le sable et le ciment, et on introduit ces matériaux dans un malaxeur à axe vertical mû par la vapeur, et pourvu de palettes, de râteaux et d'hélices. Pendant la trituration, un filet d'eau arrose le mélange, qui, sous l'action des palettes et les hélices, se convertit en mortier. Ce dernier est recueilli à la sortie du malaxeur par des wagons doseurs. On procède alors à la seconde opération qui consiste à mélanger le mortier et le galet, dosés l'un et l'autre en proportions convenables. Un premier mélange se fait au-dessus du couvercle même de la bétonnière; il se complète par la chute des matières dans celle-ci, qui est constituée par un cylindre vertical armé intérieurement de chicanes disposées en hélice. La hauteur de chute nécessaire pour obtenir une bonne répartition du mortier autour du galet est de 2,40 m. Apparemment sûrs de la supériorité incontestable des matériaux fabriqués par le second procédé, les entrepreneurs n'ont pas hésité à proposer ce dernier au Génie militaire, malgré l'élévation du prix de revient (la diminution des mains-d'oeuvre de fabrication avec la bétonnière anglaise assurait une économie évaluée à 0fr75 par mètre cube de béton). Le Génie militaire, après avoir examiné mûrement les propositions qui lui étaient faites par les Entrepreneurs, les a autorisés à faire uniquement usage de la bétonnière française combinée avec l'emploi préalable d'un type de malaxeur vertical perfectionné par eux, et c'est dans ces conditions qu'ont été fabriqués tous les bétons qui forment l'ossature des forts. (3) Les installations à chaque fort comportaient un grand réservoir d'eau en maçonnerie, construit sur le glacis auprès du hangar à malaxeurs. Ce réservoir fournissait l'eau nécessaire aux chaudières, à la fabrication du mortier, au lavage des galets, etc.; les hangars comprenaient le magasin à ciment et le baraquement des malaxeurs, qui étaient, comme nous l'avons dit, au nombre de trois, desservant un nombre égal de bétonnières placées sur une estacade. Les sables et galets étant triés, les mains-d'oeuvre qui étaient toujours exécutées par les mêmes ouvriers, se réglaient comme suit : le sable chargé sur des wagonnets, était amené dans le hangar aux malaxeurs, et versé sur le plancher en face de l'appareil. Le ciment, dosé en proportions voulues, était tiré du magasin contigu, et mélangé au sable; puis on jetait le mélange dans les malaxeurs où une conduite à débit réglable distribuait l'eau nécessaire. Le mortier sortant des malaxeurs était rechargé dans des wagonnets jaugés et pouvant, suivant les besoins, rouler sur une voie posée entre les malaxeurs et les bétonnières. Les galets jaugés en wagonnets à claire-voie passaient, avant d'arriver aux bétonnières, au-dessus d'un puisard qui recevait les eaux du dernier lavage exécuté avant l'emploi. L'eau provenant d'un réservoir était lancée avec force sur les galets et assurait leur nettoyage. La voie d'amenée des galets parallèle a celle du sable arrivait sur l'appontement des bétonnières qui se trouvaient ainsi placées entre un wagonnet de mortier et un wagonnet de galets. Les deux wagonnets étaient alors déversés simultanément dans la bétonnière où le mélange mortier/galets s'opérait. Le béton ainsi fabriqué était alors prêt à l'emploi. d. Préparation des coffrages - La première question à résoudre était celle de la nature des matériaux à utiliser pour la confection des coffrages. Après avoir envisagé l'emploi de panneaux en tôle l'entrepreneur a préféré recourir au bois pour tous ses coffrages. Le bois s'avérait en effet meilleur marché et son réemploi était plus aisé. - Plutôt que d'établir des coffrages sur toute la hauteur du massif à couler on a préféré d'abord coffrer et bétonner jusqu'à la naissance des voûtes. Après prise du béton on posait les cintres préfabriqués et l'on réalisait le parement à l'aide des bois décoffrés des pieds-droits. Ceci permettait en outre de remblayer immédiatement derrière les piédroits et de raccourcir les étançons. - Les cintres et les madriers ont fait l'objet de réemploi dans le même fort et dans des forts différents. e. Bétonnage (1) Le programme de bétonnage était naturellement le problème capital à résoudre. Il s'agissait en effet d'assurer l'exécution du bétonnage avec un maximum de rapidité compatible avec les capacités de production des bétonnières, les capacités de transport et les possibilités de mise en place, de manière à réaliser une masse monolithique aussi parfaite que possible. (2) Les maçonneries qui devaient être faites en béton comprenaient : les murs de contrescarpe , les locaux de contrescarpe, ceux d'escarpe subdivisés en locaux d'escarpe d'aile droite, du centre et d'aile gauche et reliés au massif central, le massif central avec les coupoles, enfin les coffres de flanquement réunis au massif central par une galerie de communication passant sous le fossé. (3) - La progression du coulage comportait les opérations suivantes : - Remplissage des fondations; - Exécution des piédroits; - Exécution des voûtes sur 0,80 m environ d'épaisseur à la clef et remplissage du tympan; - Achèvement de l'ouvrage. (4) Nous allons maintenant décrire les diverses opérations du coulage du béton. - Le remplissage des fondations a été exécuté dans les fouilles préalablement à la pose de tous coffrages. A cet effet, la voie d'enlèvement du béton, était prolongée jusque dans la fouille par un plan incliné taillé dans le talus. A d'autres endroits, les wagonnets étaient déchargés par un ou plusieurs couloirs établis sur le talus même et desservis par une voie spéciale posée au fond de la fouille. - L'exécution des piédroits s'effectuait aussitôt la première opération terminée. On disposait leurs coffrages sur tout le périmètre à remplir, et le béton y était amené par wagonnets circulant sur des ponts légers. - L'exécution des voûtes a donné lieu à une modification importante des procédés prévus par le Génie militaire. Pour se conformer aux prescriptions du Cahier des charges qui indiquaient que la construction des voûtes devait se faire sans interruption sur toute leur épaisseur (2 à 4 mètres), il aurait été nécessaire d'encoffrer complètement les ouvrages jusqu'à leur couronnement. Ce procédé présentait de graves inconvénients, d'abord au point de vue de l'insécurité et de la lenteur qui en seraient résultées pour le travail proprement dit, de l'importance des charpentes qu'il aurait nécessitées, et surtout à celui de la bonne confection des maçonneries. On aurait en effet dû employer dans ce cas des charpentes et des cintres de dimensions très fortes pour supporter et soutenir en élévation des masses de béton de 4 à 5 mètres d'épaisseur : c'eût été une véritable forêt de bois au milieu de laquelle le travail aussi bien que la circulation eussent rencontré des obstacles réitérés. De plus, les bétons déversés sur les cintres depuis la rampe d'amenée auraient ébranlé les échafaudages, et l'on aurait toujours eu à redouter un renversement subit des coffrages sous la charge d'une masse aussi importante de maçonnerie. Enfin la lenteur dans le coulage aurait nui à l'homogénéité du massif. L'Entreprise proposa au Génie militaire et fit accepter par lui un procédé beaucoup plus rapide et donnant toute sécurité pour la prise en masse du béton. Ce procédé consistait à encoffrer seulement sur une hauteur suffisante pour donner aux voûtes une épaisseur de 0,80 m à 1 mètre à la clef suivant le cas. Il permettait de disposer les chantiers de manière à exécuter plusieurs voûtes par jour, et de faire les reprises exclusivement sur les piédroits. Puis, quand le béton avait fait sa prise entière, on n'avait qu'à faire le remplissage jusqu'au niveau du couronnement. A ce moment, il existait des points d'appui convenables pour soutenir les coffrages, toute préoccupation relative à la sécurité des charpentes était écartée, et l'on pouvait ainsi déployer toute l'activité nécessaire pour couler rapidement la masse totale. Le Cahier des charges prescrivait d'autre part d'exécuter le coulage en divisant les ouvrages d'art en parties de grandeur telle que la maçonnerie pût être montée jusqu'à la hauteur des naissances des voûtes en une seule journée de travail. Chaque couche de béton devait être mise en place sur une épaisseur de 0,20 m, avant que la couche précédente eût fait prise, et les bétonnages de chaque tâche journalière devaient être terminés par des gradins horizontaux de raccordement. Le Génie militaire estimait que le coulage dans les parties délimitées pour le travail journalier, devait être effectué par tranches horizontales successives de l'épaisseur indiquée, soit 0,20 m. Cette méthode aurait été très défavorable au point de vue de la constitution du monolithe désiré. Elle aurait, en effet, conduit à ébranler le béton pendant qu'il faisait prise, par le pilonnage successif des couches déposées les unes sur les autres, et par le transport des matériaux à la surface des couches qui n'auraient pas encore pris leur consistance. En outre, les reprises auraient été trop nombreuses en raison de la faible épaisseur prescrite pour chacune des couches. Aussi, au lieu de couler par tranches horizontales, les Entrepreneurs ont-ils proposé et obtenu de procéder par déversement des wagonnets suivant le talus naturel du béton. Les ouvriers dameurs placés sur le talus et au pied, formaient ensuite des gradins qu'ils étendaient sur toute la hauteur du talus et dans le sens de la longueur, au fur et à mesure du déversement des wagonnets. On damait les parties coulées jusqu'à ce qu'un peu d'eau affleurât la surface; les angles et les coins se garnissaient à l'aide de petits pilons ayant 0,08 m de diamètre au gros bout. A la reprise du travail, on grattait et on lavait à grande eau les gradins horizontaux laissés en attente. f. Décoffrage Le Cahier des charges prescrivait de laisser en place pendant quinze et même vingt-quatre jours (en hiver) les cintres et les coffrages après l'achèvement des maçonneries qui portaient ou soutenaient. Grâce à la bonne qualité du béton, ces délais ont pu être notablement réduits, et il a suffi généralement de quatre jours pour le décoffrage des piédroits, et de huit jours pour celui des voûtes. Après l'enlèvement, tous les parements secs ont été passés à la brosse dure, les bavures enlevées, et les trous bouchés au mortier de ciment. 8. Progression des travaux - La première campagne (fin de 1888) a été généralement consacrée à l'établissement de la voie stratégique, puis, pour chaque fort, aux travaux préparatoires, tels que la déviation des routes d'accès, le décapement des terres végétales, ainsi que les fouilles pour la fosse aux eaux ménagères et le fossé du front de gorge, de manière à préparer le remblai des glacis destinés à recevoir les approvisionnements de matériaux et l'installation des bétonnières. En même temps, on procédait à la construction des plans inclinés et de leurs débarcadères et voies d'approche, et à celle des chemins de fer aériens. Enfin, on construisait toutes les installations nécessaires aux chantiers, magasins, cantines, hangars, ateliers de réparations, remises de locomotives, etc. - Pendant la seconde campagne (année 1889), l'Entreprise a continué les travaux précédents, exécuté les installations de fabrication du béton, et, successivement, les terrassements des fossés, des divers locaux et des massifs centraux avec remblais des glacis ou décharge, puis commencé sur plusieurs forts le coulage du béton. - La troisième campagne (janvier 1890 à octobre 1891) a été employée à l'achèvement des terrassements et des bétonnages, à la confection des remblais sur les maçonneries, à l'exécution des enduits, et généralement au parachèvement des ouvrages. - Cette grande entreprise, a donc été exécutée dans de parfaites conditions de régularité, malgré les énormes difficultés de tout genre qu'elle présentait, et les rigueurs exceptionnelles de l'hiver de 1890-1891. Elle a pu être achevée dans les courts délais imposés par le Cahier des charges, et les 21 forts qui constituent les têtes de pont de LIEGE et de NAMUR ont été remis au Gouvernement belge, le 29 octobre 1891. 9. Reportage photographique Les travaux dont il a été largement question ci-dessus ont fait l'objet d'un reportage photographique très complet et absolument remarquable pour l'époque. Durant les années 1889 et 1890 plus de 200 photos des différentes phases de la construction ont été faites. Elles complètent et confirment les documents écrits relatant les travaux. Regroupées en atlas, ces photos, ont été remises au Lieutenant-Général BRIALMONT par les soins de l'entrepreneur dès la fin des travaux. Transmis au Musée de l'Armée peu après la fin de la première guerre mondiale, les 5 atlas photographiques y sont encore heureusement conservés aujourd'hui. Références1. Archives du Service Historique des Forces Armées belges. 2. Archives des 3e et 8e Directions Régionales des Constructions Militaires. 3. Le livre "Construction des Forts de la Meuse" par G. RICHOU, Paris " Librairie Polytechnique Ch. BEEANGER, Editeur (1902). 4. Album contenant les vues photographiques prises pendant la construction des forts. Doc Musée Royal de l'Armée. 5. Cours de fortification de l'Ecole Royale Militaire (Bibliothèque de la Défense Nationale) 6. Archives du CLHAM (Centre Liégeois d'Histoire et d'Archéologie Militaires). Retour en haut - Retour à la page des sommaires - Retour au plan du site QUELQUES CHIFFRES concernant LE COUT des FORTS "BRIALMONT" de LIEGE et de NAMUR. Günter SCHALICH IntroductionLorsque l'on recherche des documents ayant trait aux nouveaux forts de Liège, ou aux transformations effectuées aux anciens forts de cette ville, ou à ceux de Namur, on s'aperçoit, qu'il est, de beaucoup, plus facile d'obtenir des informations exactes sur la construction des forts de 1887 à 1892 que sur celle des forts de 1940; car, pour ces derniers, beaucoup de documents ont été détruits par le feu. Il est surprenant de trouver à l'étranger, de très bonnes relations à ce sujet, comme par exemple, un livre allemand du Lt-Col. du Génie Reinhold Wagner, qui s'étend sur le coût des forts de Liège et de Namur et démontre les avantages des fortifications cuirassées. Ci-après quelques détails qui pourraient intéresser le lecteur. HistoriqueDéjà en 1882, le général Henri Alexis Brialmont, dans son livre "Situation Militaire de la Belgique", exigeait des fortifications sur la Meuse. En particulier, les villes de Liège et de Namur devaient être entourées d'une ceinture de forts des plus modernes, afin de contribuer à la défense de la neutralité de l'état, créé en 1830: Liège contre l'Allemagne et Namur contre la France. Brialmont attaquait les politiciens belges responsables, parce qu'ils n'étaient pas prêts à suivre ses propositions. Lorsque, vers le milieu des années 80, les relations déjà tendues entre l'Allemagne et la France s'aggravèrent, les responsables se décidèrent très vite, car la situation de la Belgique avait déjà tenté plusieurs fois ses puissants voisins. Le 31 Dec 1886, Brialmont fut invité par le Ministre de la Guerre à faire des propositions, concernant les fortifications de la ligne de la Meuse. Le Roi, le lendemain, lors de la réception du Nouvel An, exigea de Brialmont une solution rapide, afin que le Gouvernement puisse faire les propositions aux Chambres. Brialmont avait fait depuis longtemps des travaux sur ce thème et put présenter le 15 jan 87 un projet, qui contenait aussi les premiers calculs du coût de l'opération. La ville de Liège devait recevoir une ceinture, comprenant six grands forts et six petits; la Citadelle et la Chartreuse pouvaient être abandonnées. Namur recevait sept nouveaux forts, la Citadelle étant maintenue. Le 01 Fev 87, on décidait que la Citadelle serait elle aussi abandonnée, mais on prévoyait maintenant quatre grands forts et cinq petits autour de la ville. Le même jour, Brialmont présentait aussi les plans généraux des deux catégories de forts à construire. Sous restrictions de ne pouvoir calculer exactement le coût des travaux qu'après avoir reçu un rapport géologique, et un rapport sur les forts qui pourraient être construits sans murs de revêtement (le fossé devant être creusé dans le roc), il établit un devis de 2.088.000 frs par grand fort et un de 956.000 frs par petit fort. Le 11 Fev 87, le Ministre de la Guerre présenta aux Chambres des devis de 2 et de 1 millions par fort et n'exigea que 24 millions au lieu des 51 prévus. Visiblement on voulait, comme cela s'était déjà passé pour le budget des fortifications d'Anvers, amener les Chambres à admettre le projet. On ne commençait donc pas avec un "gros ballot", mais on voulait avancer par "petits paquets", car le Gouvernement d'alors s'appuyait sur une majorité cléricale, qui avait toujours prôné un budget militaire restreint. Entre-temps on aurait eu connaissance des graves effets des torpilles, en particulier de celles lancées, pendant l'été 1886, sur le fort de la Malmaison en France. Ceci amena fatalement de nouvelles planifications et de nouveaux frais; les murs de revêtement devenaient maintenant irrémissibles et l'artillerie, qui devait être entièrement sous cuirasses, devait être augmentée. Fin février 1888, Brialmont mit le Ministre de la Guerre au courant de la nouvelle situation et présenta, le 01 Mai 88 un nouveau devis, ainsi que des prescriptions pour les entrepreneurs ("le devis et le cahier des charges"). Le 06 Mar 88, le Ministre de la Guerre reçut du Col Tournay, Directeur du Département Génie du ministre, une note intitulée "Evaluation de la dépense pour la construction des forts de Liège et de Namur, d'après le devis et le cahier des charges, présentés par l'Inspecteur Général du Génie, pour ce qui concerne les quantités." Suite aux sommes évaluées, reprises dans le texte, les premières divergences apparurent entre Brialmont et le Ministre de la Guerre. Les points principaux des nouveaux calculs du coût étaient les suivants:
Le Ministre de la Guerre ne s'attendait pas à de pareils frais. On était si consternés, qu'on voulut arrêter les travaux. Le 10 Avr 1888, un crédit de 54.000.000 Frs fut toutefois demandé. La "Section Centrale", un office qui avait à contrôler les "budgets spéciaux, demanda des données exactes. Sans que Brialmont ne le sache, elle reçut le rapport Tournay, duquel la souscription importante avait été écartée. Ce fut une nouvelle déception, due à de pures raisons tactiques de la politique. Il est donc surprenant, avec le recul, de constater que les 54 millions furent finalement accordés sans aucun autre contrôle. Les travaux commencent En mai 1888, des contrats furent conclus avec des entrepreneurs en bâtiment, ce qui permit de commencer les travaux en juillet 1888. Les recherches géologiques étaient en partie terminées (dans un cas, elles ne furent seulement terminées qu'en mai 1889). Très tôt, on s'aperçut que les estimations étaient totalement insuffisantes. Qu'on devait s'attendre à de nouveaux frais supplémentaires, cela allait de soi. Par la suite les entrepreneurs rencontrèrent pas mal de surprises désagréables. 1. Pour deux forts, des puits de mine plus profonds étaient nécessaires pour arriver à poser les fondations sur le roc. 2. Pour 2 forts, des renforts essentiels du revêtement étaient nécessaires. 5. Pour six forts, des talus plats étaient nécessaires pour éviter des éboulements. 4. Pour un fort, le revêtement de l'escarpe dut être entièrement rénové. 5. La construction calculée pour un fort en terrain rocheux dut être complètement recalculée pour un terrain normal de terre. 6. Pour plusieurs forts, des parties rocheuses non prévues durent être enlevées. 7. Pour d'autres forts, les bonnes terres nécessaires manquaient; il fallait les y apporter péniblement. 8. Pour trois forts, on fit la désagréable découverte qu'on se trouvait sur d'anciennes mines de charbon, de minerai de fer ou de marne. 9. Finalement pour quatre forts, on tomba sur des sources ou sur des eaux souterraines. Pour trois de ces forts, on dut ériger un système de drainage et un canal d'évacuation de l'eau. On dut même construire une galerie souterraine tout autour d'un des forts. Il apparut aussi, qu'un projet aussi gigantesque était, pour les firmes qui en avaient entrepris la construction, un domaine totalement nouveau. Le manque d'expérience en la matière ne permit pas de tenir les délais de construction de 30 mois, qui avaient été prévus. On dut en effet manipuler plus de 3.000.000 m³ de terre et de roc, dont 900.000 m³ plus d'une fois et transporter 1.200.000 m³ de béton. En mars 1889 on s'aperçut qu'un fort supplément de ciment serait nécessaire et, déjà fin 1889, on constata qu'aux 54 millions de frs on devrait encore ajouter un supplément de 9 millions de frs. Le Gouvernement et les membres des Chambres en furent informés ou pouvaient facilement s'en informer eux-mêmes. On se tut cependant pour raisons politiques. C'est seulement à l'été 1891 qu'arriva le gros coup : avec une indignation simulée on prit connaissance du coût final de 71,6 millions de frs; les prévisions avaient été dépassées de 4.452.000 frs pour le terrassement, de 3.838.000 frs pour le bétonnage et de 451.000 frs pour les achats de terrains. Les politiciens responsables ne se manifestèrent pas, ou bien, ils rendirent Brialmont responsable; celui-ci avait pourtant toujours attiré l'attention sur l'insécurité des prévisions de coûts de ce genre. Il faut aussi faire remarquer qu'aucune agitation de ce genre n'était intervenue lors d'autres grands projets, par exemple les prévisions du coût pour le Canal du Centre. Là, les 30 millions prévus étaient passés à 70 millions, sans qu'aucune protestation ne voie le jour. Le coût du blindageConcernant les coupoles cuirassées, il y eu d'abord, en Sep 1887, une proposition. de la firme allenande Gruson. Les Allemands proposaient d'abaisser le prix des coupoles en moyenne de 10%, si on leur assurait une commande minimum de 12,5 millions de frs. Le total des 171 coupoles aurait coûté 17.409.378 frs, sans compter le transport à partir de Magdeburg ni le montage sur place. Contre ces proposions allemandes s'éleva bientôt une résistance; les industriels belges de l'acier, qui jusqu'à ce moment n'avaient jamais fabriqué de constructions cuirassées, ainsi que des firmes françaises de constructions cuirassées voulaient participer à la transaction. Comme le Gouvernement ne voulait pas et ne pouvait pas entrer en conflit avec sa propre industrie ni avec l'ambiance francophile de la Wallonie, on répartit la livraisons entre toutes les firmes étrangères, à condition qu'elles s'associent aux firmes belges, afin que ces dernières puissent acquérir la technique de finition de cette spécialité. Cette répartition avait l'avantage de diminuer les délais de livraison, mais aussi le désavantage d'occasionner des frais plus élevés. Les 171 coupoles arrivèrent à un coût de 21.210.775 frs, auxquels il fallait ajouter 3.000.000 frs pour les essais, le transport et le montage. La décision de doter chaque fort d'une coupole à éclipse pour phare et observation fit monter le coût du blindage à 26,1 millions de frs. Ainsi on arriva à 45,5 millions pour le coût de la construction, sur les 71,6 millions cités précédemment. Le tableau suivant donne le coût du blindage par catégorie de fort : a) Petit fort
b) Grand fort
Comparaison entre fort cuirassé et fort normalIl n'est pas question ici de faire la liste des avantages et des désavantages des forts construits suivant les données de Brialmont. Revenons-en, encore une fois, au livre prodigieusement intéressant du Lt Col. du Génie allemand Wagner. Les critiqueurs de l'introduction du blindage dans les fortifications étaient alors encore très nombreux, même au moment de la crise déclenchée par les torpilles, alors qu'on entreprenait les essais contre le fort de la Malmaison. A Bucarest, une coupole allemande et une française, testées un mois durant (conseiller du Gouvernement roumain : Général Brialmont), démontraient que l'acier et le béton étaient le seul avenir des fortifications. Wagner prouve par d'intéressantes comparaisons que la construction de coupoles n'est pas seulement économique du point de vue financier et que les forts normaux, avec bouches à feu de rempart, ne reviennent pas moins chers. Les grands forts de Liège et de Namur pouvaient intervenir avec 12 pièces d'artillerie sur le front, 8 sur chaque flanc et sur l'arrière (ça veut dire : 56 possibilités pour les pièces d'un fort, pas 56 pièces par grand fort); les petits forts, 9 à 8 pièces de front, 6 sur chaque flanc et 5 sur l'arrière. Pour obtenir une capacité de feu identique avec des bouches à feu de remparts ouverts, les grands forts auraient dû être construits pour 52 pièces, les petits pour 21 ou 22 pièces. Dans le cas de Liège et de Namur, pour 21 forts normaux on aurait eu besoin de 562 bouches à feu de rempart, alors que les forts du modèle Brialmont de la Meuse n'exigent que 212 pièces cuirassées (77 légères et 135 lourdes), d'où une économie de 4 millions frs pour le matériel d'artillerie, ainsi qu'une économie en personnel: au lieu de 4.400 hommes sans relève pour 562 bouches à feu de rempart on n'aurait besoin que de 1.200 hommes sans relève pour les pièces des forts cuirassés, le reste des soldats pouvant être épargné ou employé à d'autres tâches. Notons aussi, ici, une économie dans le budget de la Défense et dans le budget des troupes en temps de paix. Beaucoup moins d'infanterie sur le fort, du fait que les coupoles à éclipse de 57 mm assuraient une défense rapprochée effective; une économie en achats de terrains et en matériel de construction pour les forts cuirassés, qui étaient moins étendus que les forts à remparts. Pour terminer ce petit article, quelques tableaux serviront à apporter quelques éclaircissements en ce qui concerne les coûts de constructions, supplémentaires des forts de Liège et de Namur et rendre plus claire la courte comparaison précitée. I. Coût d'un grand fort pour 32 bouches à feu de rempart a) avant l'introduction des torpilles
b) Après l'introduction des torpilles
II. Les Coûts principaux des forts de Liège et de Namur
Après tout ceci il ne faut pas s'étonner que, le blindage mis à part, de fortes différences de frais apparaissent par fort séparé, malgré qu'ils appartiennent à une même catégorie. On en arrive, l'achat du terrain y compris, à :
Bibliographie1.) Reinhold Wagner - Die Panzerbefestigung in ökonomischer Hinsicht, beleuchtet durch das Beispiel von Lüttich und Namur - Berlin 1895 2.) H. A. Brialmont - Situation Militaire de la Belgique - Bruxelles 1882 3.) Emile Banning - Considérations Politiques sur la Défense de la Meuse - Bruxelles et Paris 1918 4.) Hans Schwalb - Belgische Schießversuche gegen Panzerplatten und eine Panzerkuppel – de : Mitteilungen über Gegenstände des Artillerie- und Geniewesens - Wien 1910 5.) G. Schalich - Bas Fort Loncin als Teil der Gurtelfestung Lüttich im August 1914 - paru dans : IBA-Info 1/85 et 11/85 - Köln 1985. L'auteur tient à exprimer sa gratitude à Messieurs FRISSON, qui a eu l'amabilité de traduire le texte allemand et TOCQUIN, qui l'a dactylographié (tous deux membres du C.L.H.A.M) LEGENDE DU PLAN a. Coupole de 15 - Canon Krupp de 15 cm - Modèle 1887 b. Coupole de 12 - Canon Krupp de 12 cm - Modèle 1887 c. Coupole de 12 - Canon Krupp de 12 cm - Modèle 1887 d. Projecteur e. Coupole de 21 - Canons Krupp de 21 cm - Modèle 1891 f. Coupole de 21 - Canons Krupp de 21 cm - Modèle 1891 g. Coupole de 5,7 - Canons Nordenfells de 57 mm - Modèle 1896 h. Coupole de 5,7 - Canons Nordenfells de 57 mm - Modèle 1896 i. Coupole de 5,7 - Canons Nordenfells de 57 mm - Modèle 1896 j. Coupole de 5,7 - Canons Nordenfells de 57 mm - Modèle 1896 k. Coffres flanquants de tête. Canons caponniers de 5,7 - Modèle Cockrill-Krupp 1899 l. Coffres flanquants de tête. Canons caponniers de 5,7 - Modèle Cockrill-Krupp 1899 m. Coffres flanquants de tête. Canons caponniers de 5,7 - Modèle Cockrill-Krupp 1899 n. Voûtes d'emmagasinage des obus des coffres flanquants o. Coffres battant la poterne d'entrée p. Magasin pour matériel de campagne des batteries intermédiaires q. Magasin pour matériel de campagne des batteries intermédiaires r. Logement des troupes s. Lieux d'aisance t. Buanderie u. Corps de garde v. Poterne d'entrée w. entrée du fort proprement dite x. Ponts roulants y. Entrée du fort z. Embrasures d'aérage pour les chambres de la troupe
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